Mes histoires d’A. – Partie 1

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EDIT : A la base, j’étais censée n’écrire qu’un seul article. Mais en me replongeant dans mes souvenirs, je me suis un peu emballée et l’article est beaucoup trop long. J’ai donc décidé de le couper en deux. Cette partie, qui parle d’un passé révolu et oublié et de choses qui ne me touchent plus, et une seconde qui viendra juste après, un peu plus sensible.

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Cela fait plusieurs fois mois que j’hésite à écrire cet article.
Que ça me fait vraiment peur, même.
Peur parce que je vais être obligée de me mettre à nu une nouvelle fois, et m’exposer au regard des autres sur plusieurs sujets qui divisent.
Peur parce que je sais qu’une fois en ligne, je ne pourrai plus contrôler qui lit ou non.
Peur que des cons pensent qu’à partir du moment où je témoigne d’une chose sur internet, cela leur donne de me donner leur avis sur ce qu’ils auraient fait à ma place.
Peur que ça me force à penser à des choses que j’aimerais oublier à jamais.

Bref, si vous croyiez que je ne pourrai jamais écrire d’article plus intime que ce que j’ai déjà pu faire avant, vous vous trompez.

Je pourrais tout aussi bien ne rien écrire.
Mais j’en ai besoin. Pour moi. Pour avancer dans mon processus d’acceptation. Parce que les mois passent et que je me repasse les événements en boucle.
Je l’écris un peu aussi pour les personnes qui seront dans le même cas que moi et qui auront peut-être besoin de lire une expérience similaire pour ne pas se sentir seules.
Et aussi parce que j’ai envie de crier scandale au monde entier et faire la révolution, et que cette petite page perdue au beau milieu d’internet en sera la maigre contribution.
Concrètement, il n’y a que la dernière partie de cet article que je pense importante de partager et de faire savoir, le reste ne regarde que moi.
Et pourtant, pour en arriver à cette dernière partie, je vais vous raconter plus de 10 ans d’histoire.
Un bon gros pavé des familles.
Parce que la vie et les décisions qu’on prend ne sont qu’une suite de causes à effets, tous plus intimement liés les uns aux autres qu’on ne veut bien le croire.
Parce que pour comprendre comment j’en suis arrivée là, il faut un contexte.
Et puis parce que quoi qu’il en soit, je suis une conteuse d’histoires. Et que généralement si vous me suivez depuis longtemps, c’est que vous aimez bien ça.

Unpretty

I wish I could tie you up in my shoes
Make you feel unpretty too

Ma vie amoureuse a commencé tard. Très tard.
Trop tard.

Enfin il n’y a pas d’âge pour commencer sa vie amoureuse, tant que c’est choisi.
Mais quand c’est subi, 25 ans c’est très long et pesant, je vous assure.
Les gens autour de vous commencent déjà à faire des bébés et se marier, et vous, vous avez encore jamais marché main dans la main avec quelqu’un.
Et puis au bout de quelques années, tout le monde finit par poser des questions.
« Mais tu es jamais sorti avec quelqu’un ? », « Hein ? T’es toujours vierge ?!!! T’attends le mariage ou quoi ?» sans parler de mon médecin généraliste de l’époque, choquée que je ne sois pas sexuellement active à 22 ans, qui m’avait dit avec grand tact :
« Non mais si vous êtes lesbienne, y’a pas de honte, vous pouvez me le dire.
– Non, je ne suis pas lesbienne.
– Mais vous êtes toujours vierge, quand même. Vous savez, je ne vous jugerai pas, vous pouvez me le dire. »

Merci de me faire comprendre que si passé un certain âge, je suis toujours vierge, c’est louche et que la raison c’est forcément de ne pas aimer les hommes.
Si j’aimais les femmes, je te le dirais, connasse ! Mais je ne suis qu’une hétéro pas foutue de se trouver un mec, quel est le problème ?!

L’enfer, c’est les autres, vraiment.

Si vous êtes du genre à faire ces réflexions aux gens qui n’ont personne, sachez deux choses : soit c’est par choix et ça ne vous regarde pas, soit ce n’est pas par choix et du coup ça fout déjà assez les boules au quotidien pour qu’on n’ait aucune envie de justifier sa misère affective auprès des autres.
Dans les deux cas, la fermer me paraît le choix le plus judicieux.

Pourtant, si je devais m’amuser à le justifier, il y a mille raisons qui expliquent ce « retard ».

Déjà, j’étais énormément complexée et persuadée qu’on ne pouvait pas m’aimer.
Obèse depuis l’âge de 4 ans, au régime depuis l’âge de 6 ans, j’ai un peu grandi dans l’idée que les gros n’étaient pas beaux, pas désirables et indignes d’être aimés.
Et j’y ai cru jusqu’à il n’y a pas si longtemps.
J’y crois d’ailleurs encore malgré moi quand cela me concerne personnellement… Alors que j’ai aucun mal à le concevoir pour toute autre personne que moi, et que je trouve de nombreuses personnes en surpoids magnifiques et désirables. Je n’arrive juste pas à me l’appliquer à moi-même.
Difficile de défaire un programme qu’on m’a foutu dans le crâne enfant et qui a conditionné toute ma vie.
A cause de cela j’ai eu longtemps tendance à m’excuser de vivre, à ne pas croire une seconde que j’avais ma chance avec untel car j’avais le cul de la taille du Brésil, et à me transformer en meuble en la présence du garçon qui me plaisait.
Si quelqu’un me faisait un minimum d’effet, j’aurais pu mourir de honte d’être ce que je suis, et je changeais complètement de personnalité.
Je ne disais plus un mot, isolée dans un coin et silencieuse.
C’est sûr que ça ne donne pas envie.

Ajoutez à cela qu’à peine entrée à l’âge adulte j’ai eu une maladie qui consiste à chier liquide toute la journée et que ça n’aidait pas à me sentir plus glamour.
Et enfin, last but not least, parce que j’ai été victime d’attouchements pendant ma jeune enfance, puis abusée une autre fois à l’âge adulte et que ça a un peu ruiné le game de la séduction dans ma tête.

Et là vous vous dites, « Putain Sonyan, elle enchaîne. Obésité, anorexie, boulimie, maladie intestinale, dépression… Et maintenant elle nous balance l’air de rien qu’elle a été victime d’abus sexuels. ».
Eh bien figurez-vous que ça n’a strictement rien d’étonnant.
C’est même un cas relativement classique.
Ce n’est pas que je suis maudite et que j’enchaîne la malchance, c’est que tout ou presque est lié.
Bien souvent, on retrouve ce schéma :
Abus → Mal-être et mauvaise relation à son corps → Dépression & prise de poids → complexes → Régimes draconiens →Anorexie → Frustration → Boulimie → Grosse Merde Généralisée.

C’est cliché à pleurer, je vous assure.

Bref, je ne vais pas m’étendre sur ce que j’ai vécu parce que je n’en éprouve pas le besoin (un long travail a déjà été fait avec ma Psy affectueusement renommée Jiminy Cricket et j’ai fait la paix avec moi-même de ce côté là) mais plutôt sur ce qui en a résulté car le cerveau humain est une bien drôle de machine et que j’ai mis des années avant de comprendre ce qui clochait chez moi.

Jusqu’à l’adolescence, je n’ai pas souvenir que mes mésaventures aient énormément influencé ma façon de vivre. J’avais des souvenirs flous de ce qui m’était arrivé à un âge où je ne pouvais pas comprendre, et je prenais bien soin de les laisser très loin au fond de ma tête et de ne surtout pas les analyser.
J’avais des petits crush, mais ils avaient tous le même profil : le garçon inaccessible que je ne connaissais pas.
Il était mignon, je l’avais croisé dans les couloirs, il était populaire (on aurait été aux Etats-Unis, il aurait certainement été capitaine de l’équipe de football) et il n’avait aucune idée de qui j’étais.
Je pouvais le fantasmer à loisir sans jamais prendre le risque de l’approcher ou de lui parler, c’était une zone très confortable pour moi.
Je vivais mon amour platonique – parfois en pleurant toutes les larmes de mon cœur d’être moche et pas assez bien pour l’approcher – pendant un an ou deux, jusqu’à ce qu’un autre crush inaccessible prenne la relève.
Ainsi j’ai vécu mes années collège ou lycée, quand autour de moi mes amies vivaient leurs premiers flirts et histoires d’amour.

Puis, une fois arrivée à l’âge adulte, les choses se sont compliquées.
J’avais développé une aversion inexpliquée pour les hommes… qui ressemblaient à des hommes.
Il faut dire qu’ils avaient changé. Fini la puberté.
Ils étaient grands, ils étaient parfois musclés, avaient une grosse voix, souvent la zizouille en folie et des idées derrière la tête pas très catholiques. Et même parfois pire : DES POILS.
Messieurs, autant vous dire que si vous aviez de la moquette sur le torse, c’était mort et enterré pour vous. Direct en prison, sans passer par la case départ et sans toucher les 20000 francs.
Puissiez-vous être Brad Pitt.

La palette des personnes qui pouvaient m’attirer physiquement s’est drastiquement réduite en quelques mois, sans que je ne comprenne pourquoi.
Il m’arrivait de craquer sur un bel homme fort et viril… Mais toujours dans ma télé.
Mais «en vrai », ça me dégoûtait pour une raison que je n’arrivais pas à analyser.
Ou alors une personne me plaisait, mais dès que je sentais que je lui plaisais aussi (ce qui était super rare, je ne le cache pas), je fuyais, paniquée.

A 19 ans, je commençais déjà à très mal vivre le fait de n’avoir jamais eu de copain et me sentir terriblement anormale.
Puis je vis enfin mon premier baiser. Un baiser volé en soirée, qui m’a à la fois soulagée que cette étape soit enfin validée, puis m’a fait pleurer et me sentir sale pendant des jours sans que je ne comprenne pourquoi j’avais une réaction aussi violente pour un bisou.

J’ai longtemps pensé à cette histoire de premier baiser et de pourquoi je l’avais aussi mal vécu alors que le garçon en question ne me déplaisait pas.
Je me suis posée beaucoup de questions.
Je me suis notamment demandé quelques temps si j’étais attirée par les femmes. Auquel cas, j’étais tout à fait prête à vivre mon homosexualité, tant que je pouvais enfin comprendre comment je fonctionne.
Mais non, ce n’était pas ça non plus.
Les femmes ne m’attiraient vraiment pas du tout.
J’ai donc continué à m’enticher de garçons lointains et inaccessibles où la question de passer aux choses concrètes ne se posait pas, jusqu’à entrer en fac de Japonais.

J’ai commencé le Japonais comme beaucoup de personnes de la génération Club Dorothée : attirée par les animés, mangas, jeux, dramas puis finalement la culture et l’histoire en général.
Et une fois en fac à Lyon, où il y avait beaucoup d’étudiants en échange, j’ai eu une révélation.
Pour moi, les Japonais étaient un très bon deal.
Ils étaient souvent plutôt fins, plutôt androgynes, pas poilus… Des hommes qui physiquement n’avaient pas grand chose du bûcheron, et donc pas l’air bien dangereux.
Et ils avaient une culture de la drague extrêmement passive, voire étaient très timides avec les demoiselles, donc je ne me sentais pas agressée.

Evidemment, ce sont des clichés plutôt basiques et ces réflexions n’ont rien de rationnelles, c’était purement inconscient. Il y a des agresseurs sexuels partout, et le Japon est tristement bien classé dans sa catégorie.
Et puis il y a des Japonais très costauds et poilus (si si, allez voir le cliché des hommes de Kyushu).

Bref, là n’est pas la question, je n’étais même pas consciente de fonctionner comme ça. Je ne m’en suis rendue compte que bien plus tard, quand j’étais à la recherche de l’origine de mes dysfonctionnements et que j’ai commencé à analyser mes réactions.

Donc, vers 20 ans, j’étais persuadée d’avoir trouvé mon type de mecs et la réponse à tous mes problèmes : en fait, j’aimais les Japonais, voilà tout.

Mais bon, comme je l’ai déjà souligné dans mon article sur les TCA, pour une majorité de Japonais, les grandes gigues d’1m75 pour 100 kilos, c’est pas trop le délire, m’voyez.
Et puis j’ai été malade.
Et puis pendant mon année à Osaka, il y a eu des flirts mais j’étais toujours complexée, j’avais toujours cette tendance à fuir sans compter que je ne comprenais pas bien comment fonctionnaient ces foutus Japonais donc…
J’étais contente d’arriver enfin à avoir des histoires de flirts, à être invitée à mes premiers « date » et d’avoir des ouvertures mais rien qui ne ressemble à une vraie histoire d’amour…
Et l’année est passée vite, sans que rien de concret ne se produise.

Comme le projet était de revenir au Japon par la suite, que j’étais persuadée que je n’avais aucun avenir amoureux en France, que mon embonpoint était le dernier frein à une vie amoureuse digne d’un conte de fées et tout plein d’autres croyances que je trouve complètement connes et stupéfiantes à souhait aujourd’hui… Pour ces raisons et pour d’autres, je me suis mise au régime pendant plus d’un an.

A l’anniversaire de mes 25 ans, j’avais perdu près de 50 kilos, je me trouvais pas trop moche, je croyais savoir quel était mon type d’hommes, mon statut d’Européenne au Japon me rendait spéciale et « kireiii » sans que j’ai besoin de ne rien faire et je me sentais enfin prête à entrer sur le marché de la drague.

Mes Histoires d’A

Les histoires d’A, les histoires d’A,
Les histoires d’amour finissent mal, en général.

Vous m’en direz tant.

Commencer sa vie amoureuse environ 10 ans après tout le monde, ce n’est pas seulement problématique à cause du complexe qu’il génère.
Il est aussi dévastateur dans le sens où on se retrouve avec la mentalité sentimentale d’une adolescente quand on est déjà une adulte prête à entrer dans la vie active.
On approche de la trentaine, on finit de longues études, on vit seule et on est autonome depuis l’âge de 19 ans, on s’est expatrié depuis l’âge de 22 ans… Et pourtant en amour, on en connaît pas plus que les teen movie qu’on a vus (en boucle parce qu’on aime ça) à la télé.
Ce décalage entre votre maturité dans la vie de tous les jours et la naïveté et l’ignorance qu’on peut avoir dans le domaine sentimental, vous donne l’impression d’avoir un dédoublement de la personnalité, je vous assure.
On a beau lire, regarder ou écouter les histoires des autres, rien ne vaut l’expérience pour mûrir.
Et l’air de rien, les amours de jeunesse, ça vous forge.
Ça vous apprend comment ça marche, ça vous apprend ce que vous voulez et surtout ce que vous ne voulez pas.
Et quand on survole toutes ces étapes pour arriver à un âge où les gens commencent à se caser sérieusement, on a l’impression d’être un gamin de 12 ans qu’on vient de mettre aux commandes d’un train à grande vitesse lancé à toute allure.
C’est aussi un problème dans le sens où après toutes ces années de solitude, on a l’impression d’avoir un creux dans le cœur grand comme un puit sans fond. On est assoiffé d’amour et d’attention, ce qui amène encore deux autres facteurs qui facilitent l’échec :
1) On a tellement besoin d’être enfin aimé et on a tellement peur de retourner à sa traversée du désert qu’on se contente de peu et qu’on se laisse volontiers marcher dessus, pour peu de recevoir un geste tendre en récompense.
2) Les personnes qui ont trop besoin d’affection ont tendance à faire fuir.

Ajoutez à cela que j’étais une Européenne fleur bleue au Japon…
La proie facile en somme.
Pour résumer parce que ça ne vaut pas vraiment le coup qu’on s’y attarde, toutes mes premières histoires, ce sont juste des Japonais qui se sont foutu de ma gueule. En gros.
Ils voulaient essayer de « monter le cheval blanc » (comme on dit très élégamment en Corée), et quand ils ont fini par réussir, parfois en y investissant plusieurs mois de séduction, ils ont disparu dans la nature ou sont allés voir ailleurs.
Le seul qui a été sérieux avait de gros problèmes psychologiques, était sous médicaments, pétait régulièrement des câbles et me faisait du chantage au suicide (jusqu’au jour où j’ai appelé les urgences pour aller chez lui alors qu’il était pépère devant la télé, ça l’a calmé).
Je n’étais pas habituée à plaire, je prenais ça pour un miracle à ne pas gâcher quand ça m’arrivait, et même quand ça sentait le sapin à plein nez, ben j’y allais quand même parce que « je pouvais peut-être me tromper » et que les choses pouvaient peut-être s’arranger.
(Vous allez voir au fur et à mesure de ce post que j’ai souvent pensé ça, et que ça a TOUJOURS été une connerie.)

Donc voilà, je prenais sur moi même quand la personne ne prenait pas soin de moi, dans l’espoir que ça marche. Et puis aussi parce que c’était le seul modèle que j’avais eu en grandissant et qu’inconsciemment je pensais que fermer sa gueule quand l’autre vous prenait pour une buse, c’était normal.  Alors je me laissais volontiers piétiner et faisait  de mon mieux pour pouvoir être aimée de la personne.
Pour 1 semaine, 1 mois, 3 mois d’illusion. Rarement plus.
Puis ramasser mon cœur à la petite cuillère car à un moment donné, j’y avais quand même bêtement cru. Retourner dans le célibat de 6 mois à un an, le temps d’y croire un peu de nouveau, jusqu’au prochain connard.

Mon dernier petit ami Japonais, en 2011, pour être sûre de ne pas me faire avoir et qu’il était bien sérieux, je l’ai fait attendre presque 5 mois.
Une histoire à la japonaise. Rencontré en groupe à la fin de l’été, on se revoyait régulièrement à sa fac, en groupe ou à deux où il ne se passait rien de concret. Juste pour apprendre à se connaître, s’envoyer des messages, se téléphoner parfois.
Puis une déclaration un soir de Noël, se dire oui et devenir officiellement un couple… Tout ce cirque pour se faire plaquer 1 mois plus tard (on s’est revu deux fois quoi) car le gars « est trop occupé » et n’a finalement pas le temps d’avoir une petite amie.
…Putain mais comment ça marche le couple sérieux ? Non parce que manifestement, je fais tout de travers pour que ça finisse toujours en eau de boudin comme ça.
Mieux : Le mec me recontacte trois mois plus tard car il a décidé de devenir host pour se faire un peu d’argent, et me propose de se revoir au club si ça me dit toujours.
LE MEC PARIE SUR MON DESESPOIR DE FILLE PLAQUEE, DANS LE SOMBRE BUT DE SE FAIRE DE LA THUNE SUR MON DOS !
Le pelo a cru que j’allais PAYER pour pouvoir passer du temps avec lui.
Dommage que c’était des SMS, sinon je lui aurais volontiers craché au visage.

Bref, Sonia, à peine trois ans dans le monde de l’amour, elle n’y croit déjà plus du tout.
Vraiment, à ce moment-là, je me sens plus désespérée que jamais.

Ajoutez à cela que c’est l’année où mes TCA ont commencé à devenir sévères, que j’avais travaillé pendant un an dans l’événementiel dans une boite qui me prenait pour son esclave, que j’avais peu d’amis, qu’il y avait eu le tremblement de terre et tout ce qui s’en suit, que j’avais quitté mon job pour finir par graver des putains de bout de bois pour un salaire de misère avec mon bac +5…
Bref, à part mon expérience dans l’événementiel, je vous ai déjà écrit tout ça dans mes blogs précédents donc vous savez. Ou vous avez oublié, auquel cas ça vous fait de la lecture dans les transports en commun ou aux toilettes.
Bref, c’était pas la période la plus heureuse de ma vie.

2012 s’est déroulé dans la misère affective la plus totale et je le vivais vraiment extrêmement mal.
Et c’est là que je l’ai rencontré.
Je vous en avais déjà un peu parlé il y a cinq ans dans mon post sur les TCA et pour un voyage qu’on avait fait ensemble, un Monsieur Catastrophe comme moi.

Pour cette histoire, nous allons l’appeler Mister Sweet Face.
Parce qu’il avait une petite gueule d’ange qui inspirait tout de suite confiance, le scélérat.
Mr Sweet Face était originaire de Corée du Sud. Il était arrivé en visa vacance travail au mois d’octobre, et je l’ai rencontré dans le cadre d’un espèce de groupe de volontariat.
Désoeuvrée et pleine d’empathie avec les petits nouveaux arrivés au Japon, j’aidais à mes heures perdues les étrangers fraîchement débarqués sur le territoire nippon à ouvrir un compte en banque, écrire un CV Japonais, chercher un travail et autres trucs relous quand t’y connais rien.
Bref, éviter à d’autres les galères de débutants que moi je me suis tapé.
Les volontaires et les nouveaux arrivés se rencontraient le jeudi soir à Ebisu, et après un petit échange linguistique, on abordait les petits soucis de fond (me demandez pas, c’était y’a 6 ans, je n’ai aucune idée si ce groupe existe encore).
Et mon Mr. Sweet Face, c’était le champion toute catégorie.
Complètement à côté de la plaque, il enchaînait les mésaventures (comme ne pas comprendre sur son contrat de logement qu’il devait payer plusieurs caution, flinguer toutes ses économies dans son emménagement et se retrouver sans rien) et je m’occupais de lui montrer comment faire un CV et chercher un petit boulot.
On s’écrivait de temps en temps via messagerie, souvent pour échanger les nouvelles et voir si sa situation avançait.
Et puis au bout de 3 semaines, il a fini par décrocher un boulot et m’a dit qu’il tenait à m’inviter à dîner avec sa première paye pour me remercier de mon aide et ma patience.
On a continué à discuter via messagerie pendant tout le mois, et fin novembre, il a reçu sa première paye et a tenu sa promesse en m’invitant à sortir.
On a mangé, et ensuite on a passé 5 heures à discuter, comme dans les films, genre le temps s’arrête et il ne reste plus que nous deux, seuls au monde.
Ajoutez à cela les néons des décorations de Noël un peu partout, son sourire d’ange et son côté un peu plus spontané que les Japonais…
A la fin de cette soirée, j’étais éperdument amoureuse de ce garçon qui allait devenir le premier homme véritablement important de ma vie.

On s’est revus, et puis un soir où il m’avait raccompagnée à la station de train, il m’a fait comme dans les dramas à l’eau de rose et m’a embrassée.

Et là, vous m’aviez définitivement perdue. Il n’avait à ce moment aucune idée du pouvoir qu’il avait sur moi, mais j’étais sentimentalement l’esclave de ce mec.
Evidemment, je m’en suis mordue les doigts plus tard et je n’ai plus jamais abandonné mon cœur comme ça à quelqu’un ensuite.
Mais ne brûlons pas les étapes de l’histoire.

Je pense que Mr. Sweet Face est le premier garçon avec qui je suis sortie dont je suis tombée désespérément amoureuse et avec qui ma première fois a été un pur moment de bonheur.
L’expérience qui m’a réconciliée avec l’idée que le sexe est un moment d’amour et de partage, et pas un moment pour faire plaisir à l’autre ou un moment d’angoisse intérieure parce qu’on se demande si la personne va pas encore disparaître ensuite.
Bref, c’était le début de ma première grande histoire d’amour.
Et pourtant, dès le départ, il s’est passé quelque chose qui aurait dû y mettre fin et que quasiment personne ne sait.

Au bout d’un mois ensemble, j’étais persuadée qu’il me mentait et allait voir ailleurs.
Et il faut le savoir, j’ai un radar pour ça. A chaque fois que mon sixième sens m’a dit « lui il va voir ailleurs», ça s’est vérifié, que ça me concerne ou non. Y’en a ils ont un gaydar, moi j’ai un cocudar.
Le moindre signe me met la puce à l’oreille, j’ai clairement raté ma vocation de détective.
Cette certitude me rendait dingue, m’empêchait de dormir… Pourquoi lui ?
Pourquoi lui aussi ? Pourtant ça marche super bien ?!

Après Noël, je n’avais plus aucun doute et j’ai décidé de le mettre devant le fait accompli et exigé la vérité.
Une longue discussion s’en est suivie où il m’a avoué avoir effectivement quelqu’un d’autre.
Son excuse a été que c’était une personne qu’il avait commencé à voir « comme ça » à son arrivée et qu’il m’avait rencontrée ensuite. Mais que ce n’était que le début de notre relation, qu’il ne savait pas si c’était vraiment sérieux, et que du coup il avait continué…
Mais qu’il voyait que lui et moi ça commençait à devenir vraiment sérieux et qu’il s’apprêtait à y mettre fin.
La Sonia de 2018 lui aurait répondu « va te faire cuire le cul » et serait partie la tête haute.

Celle de début 2013 avait moins d’amour propre, était folle amoureuse de ce type et était terrifiée à l’idée que ça se termine. Elle se disait aussi que peut-être que c’était possible qu’il ne sache pas vraiment ce qu’il en était entre nous, qu’on peut se tromper au début.
Quand j’y repense aujourd’hui, je me dis que c’est dingue que j’ai réussi à le pardonner, mais bon, on ne réécrit pas le passé. J’avais envie de croire à sa bonne foi et à sa petite gueule d’ange qui se proclamait innocent de mauvaise intention.

On a donc fait table rase et recommencé du début.
Il m’a officiellement fait une déclaration et demandé d’être sa petite amie, comme dans un shojo pas très original, et on est repartis de zéro.
Evidemment, déjà que je souffre beaucoup d’insécurité, ça n’a pas été facile pour moi de retrouver confiance en lui, mais il a tout fait pour montrer patte blanche et me prouver qu’il était sincère.
On habitait à seulement quelques stations, on se voyait quasiment tous les jours et surtout je n’avais jamais vécu une telle communion avec quelqu’un.
Ça c’est un truc que je pourrai jamais lui enlever, nos discussions jusqu’à pas d’heures et nos fous rires.

Deux mois plus tard, on a pris la décision un peu radicale de vivre ensemble.
Concrètement, je n’aurais jamais fait ça aussi vite en temps normal, mais là, la situation nous arrangeait tous les deux.
On était tous les deux assez isolés, sans famille et avec peu d’amis. Il avait un loyer un peu cher pour lui, et moi ma coloc était partie et j’assurais depuis 4 mois le loyer de deux personnes seule, avec une chambre vide dans l’appartement et un salaire au ras des pâquerettes.
Autant pour l’un que pour l’autre, c’était économiquement plus facile, et fini de se soucier des derniers trains ou de nos horaires difficiles pour se voir.

C’est la seule personne avec qui j’ai vécu en couple à ce jour et je n’en garde que des bons souvenirs.
On allait se chercher mutuellement à la gare quand l’un rentrait tard du travail, on allait faire les courses ensemble, on discutait jusqu’à pas d’heure assis sur le balcon, on regardait des séries en faisant des drinking game (un shot à chaque fois qu’un frère Winchester crève et ressuscite dans Supernatural), on faisait des jeux avec des gages (et c’est ainsi qu’il a fini par aller m’acheter un jus de fruits en slip dans la rue un beau soir)… On avait une tirelire où on mettait toutes nos pièces de 500 yens, et quand elle était bien lourde, on la cassait pour partir en voyage quelque part au Japon ou se faire une journée spéciale.
On est parti à Hokkaido comme ça, on est allés à Disneyland, on a fait une journée à Yokosuka sur les traces de la vie de Hide… Son école, là où il avait fait son baito, son disquaire préféré etc… Puis on s’est perdus et quand on est arrivés au cimetière pour se recueillir sur sa tombe, le cimetière venait de fermer et il m’a fait grimper la barrière pour entrer par effraction ( ! ). On avait eu le cimetière et la tombe de notre idole de jeunesse pour nous tout seuls au soleil couchant, perdus au milieu de la cambrousse japonaise. Et ensuite on avait entendu un chien, on ne savait pas si c’était celui d’un potentiel gardien et on avait couru comme des lapins en se cachant entre les tombes pour se sauver.
On en avait pleuré de rire dans le bus retour.
Il m’a fait regarder des films d’horreur et a regretté ensuite car je n’ai rien dormi pendant trois mois et que j’étais invivable. On allait au karaoke, au restau, se balader dans des parcs, faire du pédalo, il me cuisinait coréen, je lui cuisinais français…
Rien de vraiment exceptionnel peut-être, juste une vie de couple normale. Mais c’était tout ce que j’avais eu de plus précieux dans ma vie. Quelque chose de simple, avec beaucoup de rires et de complicité.
On se disputait parfois, mais rien de très grave. Sans mauvais foi, il me faisait parfois des caprices pour rien, et comme j’étais beaucoup plus bonne pâte qu’aujourd’hui, je le laissais faire ses caca nerveux quand ça lui prenait. Et puis ça passait très vite, et on retrouvait notre complicité.
On vivait un peu reclus sur nous-même et on regrettait parfois de pas avoir un groupe d’amis pour partager nos conneries, mais on s’en accommodait.
Ma mère était venue me voir et l’avait rencontré. Comme toutes les personnes qui ont rencontré Mr. Sweet Face, elle l’avait beaucoup apprécié.
Lui-même tenait à me présenter sa famille, dont sa grand-mère. On était partis en Corée durant l’été pour me présenter officiellement.
Bref, tout était beau et sans nuage sous le soleil levant.
En apparence.

Stupid Liar

Liar, liar, stupid liar liar liar liar

Bref, vous vous doutez bien qu’il y a eu un jour où tout s’est écroulé comme un chateau de cartes, sinon aujourd’hui je serais sûrement mariée avec des enfants quelque part en Corée, à fabriquer mon propre kimchi.
Comment vous amener la chose avec autant de stupeur et de dégoût qui ont été les miens quand le patatra a eu lieu ?
Je vais faire de mon mieux.

Bref, comme vous le savez si vous me lisez depuis longtemps, l’idée me trottait dans la tête de quitter le Japon pour aller parcourir l’Australie.
On en avait longuement parlé avec Mr. Sweet Face qui n’était pas fan du Japon du tout, et à qui l’idée de l’Australie l’emballait bien.
Par chance, le visa vacance travail existait aussi pour les Coréens. On aurait donc pu partir ensemble et vivre cette nouvelle grande aventure à deux.
A ce projet, il y avait pourtant deux problèmes majeurs :
1) Nous n’avions pas d’argent.
2) Il ne parlait pas un mot d’anglais et n’avait aucun diplôme.

Concernant le premier problème, pour lui, il lui semblait impossible de faire des économies au Japon.
Concrètement il aurait pu, mais le pays commençait à lui sortir par les trous de pif, il ne supportait plus ses collègues et n’avait aucune envie de faire des heures supplémentaires. Quant à chercher un autre job à quelques mois de partir, il n’en avait pas envie non plus.
Par contre, il avait une formation de soudeur qui payait bien, et comme la vie était vraiment peu chère dans sa ville natale, il pensait pouvoir économiser beaucoup en peu de temps une fois rentré au pays.
Pour ma part, si vous vous rappelez bien, je commençais à échafauder mon coup de poker pour obtenir augmentation et travail à distance, et pouvoir travailler de Corée et de France pour mettre de côté avant le départ Down Under.

Quant à l’anglais, il me paraissait indispensable qu’il étudie avant qu’on parte, car je l’avais largement épaulé au Japon (pour ne pas dire tout repris sur mes épaules), mais je ne connaissais pas l’Australie et je ne me voyais pas tout faire pour deux sur place.
Il avait toujours été frustré d’avoir quitté l’école tôt pour travailler, de ne jamais avoir eu de temps pour lui et pour étudier.
Il était aussi pressé de quitter le Japon et voulait partir dès le mois de Juin 2013, mais moi avant de le rencontrer, j’imaginais un départ pour avril 2014. Et on avait aucune envie de passer presque un an séparés non plus.
Nous avons donc tranché pour partir ensemble en automne, à la fin de son visa.
Comme il tenait à me présenter à sa famille et avait besoin de se ressourcer, nous sommes partis 8 jours en Corée au tout début de l’été, au mois de juin.
Après avoir longuement parlé, nous avions convenu qu’à notre retour, il arrêterait de travailler et passerait les 3 prochains mois à étudier l’anglais pendant que j’assurais les rentrées d’argent pour deux.
Puis une fois son visa expiré, on partirait en Corée où il travaillerait quelques mois et assurerait les dépenses du foyer, pendant que moi je mettrais de côté à mon tour en travaillant à distance.

Et c’est ainsi que nous avons procédé.
Une fois revenu de Corée, il a arrêté de travailler pour travailler son anglais à fond, pendant que moi j’assurais trois jobs pour pouvoir porter le foyer seule.
Je travaillais la semaine en entreprise, je donnais des cours de français dans une école le week-end, et je faisais également des traductions en free-lance pendant le temps libre qu’il me restait.
J’étais prête à faire ça pour lui offrir ces trois mois pour lui, pour étudier, pour bien préparer sa vie en Australie, pour souffler de la vie Japonaise pas toujours tendre avec les Coréens.
Pour l’aider un peu, je lui donnais des cours moi-même. On ne le faisait jamais à la maison histoire de le faire dans un endroit neutre.
On partait toujours dans le même family restaurant, avec ses livres et ses cahiers. Je lui faisais une heure de cours et ensuite il bossait ses exercices, écrivait des textes et autres que je vérifiais ensuite.
Et moi pendant ce temps, j’écrivais mes articles de blog pour vous. C’est d’ailleurs la raison pourquoi j’ai été si prolixe à l’époque : je tuais le temps à vous raconter mes conneries pendant qu’il étudiait.

Il faisait des progrès conséquents et j’étais ultra fière de lui. Je le respectais tellement d’arriver à apprendre une langue tout seul dans son coin, sans baigner dedans au quotidien, je l’admirais comme personne.
Ça me donnait la force de me démener moi-même, et j’ai donc continué à travailler 7 jours sur 7 pendant tout l’été et gérer au centime près nos dépenses tout en préparant notre départ.
Du coup, j’étais assez peu présente.
Je rentrais le soir épuisée, mais il m’attendait toujours avec des petits plats qu’il avait cuisinés pour moi et un film ou une série qu’il avait mis de côté.
Parfait Mr. Sweet Face.

 

A la fin de l’été, lui qui ne s’en était jamais soucié en quasiment un an, a commencé à m poser des questions sur mon blog.
De me dire qu’il n’appréciait pas trop que j’écrive ma vie en quête de reconnaissance (?), que les gens qui mettaient en scène leur vie sur Facebook et autres réseaux sociaux avaient une vie triste et qu’il aurait préféré que je sois au dessus de ça.
Je n’ai pas compris ce qui me tombait sur la tronche, car il n’avait jamais rien dit sur le sujet en 10 mois. Au contraire, les une ou deux fois où je l’avais cité ou la fois où j’avais posté une photo de lui, je lui avais demandé son accord et expliqué ce que j’allais dire, et il avait acquiescé avec enthousiasme.
Mais tout d’un coup, il me demandait d’arrêter de m’occuper de mon blog, qu’à l’époque je prenais beaucoup de plaisir à écrire alors qu’il ne m’avait jamais rien dit sur le sujet avant.
Je me suis toujours demandé ce qu’il lui avait pris, mais je me disais qu’il pensait peut-être que j’y passais trop de temps et que comme il ne savait pas ce que j’y écrivais, ça ne le mettait pas à l’aise.
J’ai essayé de le rassurer. Il m’a demandé de ne plus jamais y parler de lui, que je pouvais laisser ce que j’avais publié avant, mais de ne plus en mettre à l’avenir.
J’ai dis d’accord et je n’ai pas cherché plus loin. Car de toute façon je ne l’avais fait qu’une fois et que je ne tenais pas spécialement à afficher notre quotidien sur mes pages.

Puis notre départ s’est approché grandement. Il était souvent irritable, mais je me disait que c’était certainement le stress.
On avait quand même toujours nos projets, et ça continuait de bien se passer entre nous.

Comme le moindre yen était nécessaire, j’ai travaillé jusqu’à 3 jours avant notre départ afin de perdre le moins de salaire possible.
Ça a été le coup de feu pour terminer les cartons et tout terminer (il se pourrait aussi que la veille de notre départ, on soit allés boire un verre qui s’est transformé en plusieurs verres, et qu’un peu ivres, on se soit mis à la porte de notre propre maison avec nos valises à l’intérieur… Mais c’est encore une autre histoire, digne de notre ancien duo de M. et Mme Catastrophe).

On a pris notre avion pour la Corée et nous sommes allés nous installer dans un petit studio qui appartenait à son père dans la ville de Pohang.
Quasiment pas meublé, le confort était sommaire, mais on n’avait pas de loyer à payer si ce n’est les charges, et on pouvait continuer à vivre à deux.
La première semaine, je découvrais ma vie de free-lance travaillant à distance avec EMERVEILLEMENT (la première fois qu’on bosse en pyjama en écoutant la musique à fond est un moment assez inoubliable) pendant qu’il retrouvait sa famille et ses amis.
La deuxième semaine, il y a eu un énorme typhon qui a coupé le courant quelques temps et il m’a annoncé que finalement il ne voulait pas retrouver son travail de soudeur, car oui c’était bien payé, mais cela impliquait travailler avec son père et qu’il n’en avait aucune envie.
Sur le coup, je n’ai pas bien compris car c’était le plan depuis le début, ça lui permettait de travailler tout de suite et pour un salaire très confortable.
Mais il m’assuré que c’était mieux comme ça et qu’il trouverait facilement, alors je lui ai fait confiance.
La troisième semaine, il a découvert que son petit frère avait acheté GTA 5 qui venait de sortir et jouait à la playstation de 13h à minuit tous les jours.

Un mois sur place et il restait en pyjama à jouer aux jeux vidéos toute la journée, pendant que je continuais à assurer mon travail et mon salaire à distance, et continuais d’être le seul et unique revenu des deux. Il refusait même de prendre l’air, une fois le travail terminé, je partais me promener toute seule pour découvrir un peu le quotidien coréen.
Alors qu’on était dans son pays à lui et que je pigeais pas un mot, je continuais de porter le foyer pendant qu’il faisait la loque sur sa manette.
Alors concrètement, même avec un petit salaire, en étant dans une petite ville de province coréenne sans loyer à payer, je pouvais encore faire des économies tout en payant les dépenses quotidiennes.
Mais sur le concept, ça ne me plaisait pas du tout et ça ne me mettait pas du tout en confiance pour l’Australie.
Comme le temps passait sans qu’il ne change de comportement, j’ai fini par taper du poing sur la table en lui disant qu’il ne pouvait pas éternellement glander devant sa télé et qu’il fallait qu’il se sorte les doigts de l’arrière-train.
Il est donc allé plusieurs fois à un espèce de centre de quartier où on donne des missions à la journée avec une petite paye journalière.
Mais toujours de mauvaise grâce, toujours en revenant en colère et en exigeant que j’ai fait riz et ménage, et toujours en m’envoyant au passage dans la tronche que pour moi c’était facile. Que moi j’avais eu une éducation, que j’avais un bon job, que je passais mes journées à faire trois dessins et deux traductions pour le travail mais que lui, il devait avoir un vrai travail.
Il n’avait jamais été condescendant, il le devenait, et pas qu’un peu.
Je ne comprenais pas du tout ce revirement de caractère. Peut être qu’il était stressé par notre situation, peut-être qu’il ne voulait plus aller en Australie ?
Mais quand j’essayais de lui en parler, il me soutenait que si il voulait toujours partir, et redevenait gentil.

A côté de ces sautes d’humeur incompréhensibles, il restait lui-même.
Mon Mister Sweet Face.
Il me parlait futur.
Me parlait mariage.
Il voulait qu’après un ou deux ans en Australie, on se marie. Qu’on fonde une famille.
Je temporisais en disant qu’il fallait déjà voir comment allaient se passer les deux prochaines années, car rien ne pressait, mais je pensais au fond de moi qu’il était l’homme de ma vie.
Certains se diront « au bout d’à peine un an »… Mais vraiment, j’insiste sur le fait qu’on vivait vraiment de façon très fusionnelle, et assez isolés des autres… Du coup, les liens s’étaient vraiment intensifiés très rapidement et très fort.

Puis est arrivé un jour où il m’a dit « j’ai trouvé une mission de 10 jours pour le mois prochain, mais c’est à Busan. Je serai logé par l’employeur dans un logement de fonction donc tu ne peux pas venir avec moi. Je ne peux pas refuser car la paye n’est pas mauvaise, donc il faudra que tu restes ici sans moi. »
Je commençais à prendre mes marques dans ce nouveau quotidien coréen, me débrouiller avec les bus et c’était pour la bonne cause, donc évidemment j’ai dit oui, que je l’attendrais.
Un autre jour il m’a dit « Dis, c’est pas ta sœur qui était allée à Dubaï avec son mari ? Ils avaient beaucoup aimé, non ? Tu sais, on parlait d’aller passer Noël en France, mais je pense que je serais un frein pour toi si j’y allais en même temps que toi. Ça fait longtemps que tu n’es pas rentrée, et moi je ne parle pas la langue et je ne connais rien. Plutôt que de profiter pleinement de tes proches, je te connais, tu vas toujours t’occuper de moi, traduire, t’assurer que je m’ennuie pas quand je comprends rien… Le mieux c’est que tu partes seule et je te rejoins une semaine ou deux plus tard, que tu puisses profitesr d’abord tranquillement de ta famille et tes amis. Et moi de mon côté, je me disais que ça faisait longtemps que j’avais pas voyagé seul et j’aimerais voir si j’en suis capable. Les vols pour la France via Dubai sont pas chers, donc comme tu m’avais parlé du voyage de ta sœur, je me disais que je pourrais peut-être prendre une escale de plusieurs jours sur place pour visiter un peu. T’en penses quoi ? »

J’en pensais que c’était vraiment attentionné de sa part de vouloir me laisser du temps seule tranquille avec ma famille, et que s’il avait envie de se faire un mini trip tout seul, rien ne l’en empêchait.

Des petites phrases, lancées par ci par là, avec parcimonie. Qui me faisaient un peu tiquer car ce n’était pas son « comportement habituel » mais auquel je n’avais rien à redire.

Mais très vite, mon sixième sens s’est réveillé et les drapeaux rouges ont commencé à s’agiter dans tous les sens.
Il était en train de me la faire à l’envers, je le sentais.

Ce n’était pas grand chose, des tout petits détails à peine visibles.
Mais quand il était sur son téléphone, il le penchait toujours de façon à ce que je ne vois rien. Pour le coup, je ne cherchais pas à voir ce qu’il faisait, mais il se donnait tellement de mal pour cacher que ça en éveillait mes soupçons.
Quand il était sur son ordinateur et que je me levais pour aller aux toilettes, il sursautait, parfois fermait rapidement la page qu’il regardait.
J’avais l’impression qu’il me gardait toujours à l’œil, était toujours sur le qui-vive.
Il ne voulait plus m’accompagner quand j’allais faire des courses, me disait souvent qu’il allait voir son frère pour lui demander du riz ou je ne sais quoi (son frère habitait l’appartement du dessous) et il ne revenait pas avant une heure ou deux.

Au bout d’un mois en Corée, j’étais vraiment pas bien.
J’avais un mauvais pressentiment qui me retournait l’estomac en permanence. Un sentiment d’oppression, la certitude que quelque chose de vraiment moche allait me tomber au coin de la gueule.
J’ai essayé d’en parler, mais mes amis m’ont rembarrée « Mais non, tu te fais des films. Il est fou de toi, il t’a ramenée dans son pays, t’a présenté sa famille, te parle mariage, s’apprête à faire le tour de l’Australie pour toi. C’est tes expériences d’avant qui te rendent parano. »

Peut-être.
Mais peut-être pas.
Car on venait de passer un an ensemble, et si ce n’est notre faux départ, je n’avais jamais ressenti ça.
Là je le sentais. Très fort.
Je voulais lui en parler, lui demander s’il y avait un malaise entre nous, s’il avait des regrets d’avoir pris la décision de partir avec moi, qu’on pouvait parler.
Mais quand j’essayais de communiquer, il coupait court en me disant qu’il était très bien et n’avait rien à dire.

Jusqu’à un soir de novembre.
Les Gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête. Moi je pense pouvoir me vanter en disant que ça m’est arrivé.
C’était la nuit, et on dormait quand le vibreur d’un téléphone m’a réveillée.
C’était le sien, posé dans le lit juste au niveau de mon visage. J’ai ouvert les yeux, tête face à l’écran allumé qui affichait de nombreux messages.
En anglais.
Avec des cœurs.
« Mon bébé, tu dors ? J’ai envie de te parler. »
« Tu me manques trop. »
« J’en reviens pas qu’on se voit bientôt. »
« Je t’aime, je t’aime, je t’aime. »

Pour le coup, me voilà parfaitement réveillée.
J’ai l’impression de me prendre une énorme gifle. De tomber dans le vide à l’infini.
Je le regarde.
Mr Sweet Face dort comme un bien heureux, pendant qu’une demoiselle se languit de lui.

Je fais alors quelque chose pour la premiere fois : je prends son téléphone, et j’ouvre sa messagerie.
Je sais que ce n’est pas bien, que c’est une violation de vie privée et compagnie, jugez-moi si vous voulez, j’en ai strictement rien à battre.
Si c’était à refaire, je le referais.
Vous croyez quoi ? Que j’allais me recoucher en mode « ça me regarde pas. » ? Que j’allais lui demander des comptes alors qu’il me mentait à chaque fois que j’essayais ?

Bref. J’ouvre ce putain de téléphone, avec le coeur qui bat tellement fort que je le sens cogner dans mes tempes.
Et là, ce n’est pas une fille avec qui il me trompe que je découvre.
Mais une dizaine, facile.
Des dizaines de filles, plein sa messagerie, partout dans le monde.

Non je ne plaisante pas, partout sur ce putain de globe terrestre.
Une nana qui l’attendait dans chaque port. Ben oui, tant qu’à faire.
Je survole plusieurs conversations, et au fur et à mesure, toutes les pièces du puzzle s’assemblent.

Son job à Busan où il doit partir 10 jours sans m’emmener avec lui ?
C’est une Espagnole, elle vient de prendre ses billets d’avion pour aller rejoindre. Ils ont prévu 10 jours à l’hôtel en amoureux.
Joli job en intérim, mais du coup la paye, c’était en nature ?

Son escale à Dubai ? Oui, aussi. Une fille l’attend là-bas (manifestement sa favorite), ils sont en contact depuis des mois et se téléphonent tous les jours (les disparitions chez le frère ?) et il lui a promis de venir la voir 3-4 jours en décembre ou janvier.

Il y en avait aussi une au Mexique et une en Russie.

La blague ?
Sa soudaine haine pour mon blog ? Je l’ai su plus tard, mais c’était ça aussi.
Il y avait eu une Française, et une Italienne qui avait une amie Française.
Manque de pot pour lui, mon blog était très lu à l’époque et les deux Françaises l’avaient reconnu sur nos photos de Hokkaido.
La première l’avait plaqué, et pour la deuxième, il lui a dit que j’étais une ex, et comme je n’ai plus jamais reparlé de lui ensuite, elle l’a cru (j’ai reçu après cela des insultes en italien pendant quelques temps sur mon blog, au point que j’avais bannie les adresses IP venant d’Italie pour avoir la paix).

Ses progrès fulgurants en anglais aussi, c’était ça. Des dizaines de petites amies étrangères virtuelles un peu partout dans le monde, avec qui il parlait en anglais du matin au soir.

J’ai trouvé des photos… Il avait même fait venir des filles chez nous.
Une Japonaise. Lycéenne, de 17 ans.
Il est allé jusqu’à piocher chez les mineures, cet espèce de pet foireux de rat d’égout.

Terrible envie de vomir.
Le pire ? Après coup, j’ai même pu situer le jour.
Un soir j’étais rentrée et il y avait plein de vaisselle dans l’évier. Bien plus que pour une personne.
Et il m’avait juste dit qu’il avait préparé à manger et s’était un peu emballé en cuisinant donc que y’avait beaucoup de vaisselle.
J’avais trouvé étrange qu’il se fasse des plats extravagants pour lui tout seul, mais il m’avait réchauffé la part qu’il m’avait gardé, c’était bon, j’étais contente.
Il avait endormi mon radar tellement bien que je n’ai pas tiqué. Je n’ai pas imaginé.
Comment on peut imaginer ça, d’ailleurs ?
Je veux dire, je suis pas née de la dernière pluie, je sais que les fils de chien ça existe.
MAIS DE CE NIVEAU ?! Genre non seulement t’es cocue, mais en plus AVEC LE MONDE ENTIER, SOUS TON PROPRE TOIT.
Non parce qu’on est d’accord que c’est de la haute voltige là, hein ? Aux jeux olympiques de la fils de puterie, je lui invente la médaille de platine rien que pour qu’il ait une distinction à la hauteur de son art.

Et moi qui croyait que c’était la personne qui avait le plus pris soin de moi, la seule qui avait été sincère.
Attendez, je m’étouffe dans mon seum.

Ça durait depuis des mois. Depuis avant notre départ, quand j’enchaînais mes 3 jobs pour subvenir à nos besoins, lui il allait niquer à droite à gauche.
Et pendant ces trois mois, moi je travaillais pour deux du lundi au dimanche, je n’étais là que le soir, donc je n’ai rien vu.
Il avait tout le temps de faire ses saloperies la journée, puis de m’accueillir à bras ouverts le soir et me couvrir d’affection pour endormir mon radar.

Je me suis pris ce nouveau coup de poing de la vie en silence au beau milieu de la nuit, et après avoir constaté que mon conte de fées reposait sur la plus puante des illusions, je l’ai sorti des bras de Morphée.
Je lui ai tendu son portable ouvert sur les messages, et lui ai demandé ce qu’il avait à dire.

Et il n’a pas manqué de m’étonner, car sa réaction a été à peu près tout sauf ce que j’avais imaginé.
Il n’a pas été gêné, il n’a pas nié, il ne s’est pas excusé… Il m’a juste hurlé dessus.
Il m’a littéralement explosé au visage, en me traitant de tous les noms.
Que j’avais violé son intimité, que je n’avais pas le droit de regarder son téléphone, qu’EVIDEMMENT, il y avait d’autres filles ! Qu’est-ce que je croyais ?
Lui il était beau gosse et pouvait se taper qui il voulait, il avait des dizaines d’admiratrices jeunes et belles, alors que je n’étais qu’une vieille truie pleine de gras dégueulasse et que je devais m’estimer heureuse qu’un mec comme lui sorte avec une fille comme moi. Que je devais lui dire merci, car jamais je pourrais avoir un autre mec comme lui, alors que lui me faisait un faveur d’être avec un thon comme moi.
Puis après m’avoir bien craché dessus sans me laisser en placer une, il m’a dit qu’il ne voulait plus jamais voir ma gueule de truie et que je sorte de chez lui.

Est-ce qu’il m’a vraiment mise à la porte en pleine nuit un soir d’hiver dans un pays que je ne connaissais pas et où je ne parlais pas la langue ?
Oui.
Pourquoi est-ce qu’il s’en serait privé, à ce stade autant sortir le grand jeu jusqu’au bout.

Est-ce que j’ai terminé dans l’internet café du quartier et appelé ma mère en pleurant tellement que ce que je disais était presque inintelligible ?
Oui aussi.
Si vous cherchez le mot « Pathétique » dans Google Image, je pense que vous tomberez sur une photo de moi ce soir-là.

Je n’arrivais pas à croire à ce qui était en train de se passer.
Tout s’était écroulé.
Tout.
J’étais presque en colère contre moi-même. En colère de m’être réveillée, en colère d’avoir vu les notifications, en colère d’avoir ouvert le portable.
Si je n’avais rien vu, ça aurait pu continuer lui et moi.
Mais là, c’était fini.

Oui, au lieu de m’imaginer en train de lui broyer les burnes avec un casse-noix, c’était à moi que j’en voulais.
A moi d’être moche et de ne pas savoir le combler, à moi de l’avoir mis devant le fait accompli plutôt que de fermer les yeux, à moi d’avoir tout cassé au point qu’il me déteste.

Je vous jure, plus j’y repense et plus j’ai envie d’inventer la DeLorean, pour repartir en 2013 et me foutre une bonne mandale.
Car moi, tout ce que je vois aujourd’hui, c’est une nana qui s’est fait piétiner par un sale connard et qui n’y peut rien, car elle a fait tout ce qu’elle a pu pour lui et pour que ça marche.
Mais à l’époque, j’avais encore ma bonne vieille éducation de serpillère dévouée qui me conditionnait, et je me disais juste que je n’étais pas assez bien pour lui.

Bref, j’allais pas finir ma vie en pyjama dans une province de Corée. J’ai fini par retourner toquer à sa porte.
Je lui ai promis de partir et de le laisser vivre sa vie, mais qu’il me laisse au moins quelques jours.
Le temps de m’organiser, de prévoir ce que j’allais faire.
Je ne connaissais pas le pays, je ne parlais pas la langue, je n’étais pas censée retourner en France avant au moins six semaines, et concrètement, je n’avais pas envie de changer mes plans et de rentrer plus tôt.
Tout le monde nous attendait pour Noël, tous mes amis savaient que j’étais avec lui en Corée, qu’on avait quitté le Japon ensemble, j’avais fait couper ma carte de séjour japonaise en le suivant et n’avais plus de visa, plus rien…
Et ce que j’étais prête à rentrer, faire face à tout le monde et expliquer ça ?
Evidemment non, j’arrivais à peine à passer 5 minutes sans pleurer jusqu’à déshydratation.

J’ai donc décidé de rester en Corée et de passer les six semaines restantes dans le pays, que j’espérais quitter en bons termes.
Je ne voulais pas que le mot « Corée » provoque chez moi des crises de larmes toute ma vie en repensant à ça. Je ne voulais pas que ce pays soit associé à cet épisode minable de ma vie.
Alors j’ai décidé d’y rester, le temps de faire un peu le point avec moi-même, d’encaisser ce qui était en train de se passer et surtout de me créer d’autres souvenirs pour ne pas black lister ce pays de ma vie.
Parce qu’à la base, j’aime bien la Corée moi. Ils font des super bibimbap et des chaussettes d’hiver super chaudes. Ce serait con d’y renoncer pour une pignouf.
Il fallait juste que je m’organise, car évidemment je n’avais pas l’intention de rester dans sa ville, donc je devais préparer un itinéraire, les transports, des logements…
Je lui ai donc demandé du temps, ce qu’il m’a accordé.
Mais comme il ne voulait toujours pas voir ma sale tête, il est allé à l’étage du dessous chez son frère (sûrement pour terminer GTA 5 en paix).

Ne vous leurrez pas, la reprise en main sur ma vie n’a pas été simple. J’avais des crises de larmes incontrôlables, je pensais que ma vie était finie, je pensais ne jamais assumer la honte de ce qui était en train de se passer et à quel point j’avais été prise pour une enclume.
Oui, je me préparais à partir, à prendre le large seule quelques semaines pour encaisser tout ça, à laisser tout ça derrière moi et me relever plus forte que jamais, mais c’était juste l’instinct de survie qui parlait.
Si vous m’aviez vu ou entendue à ce moment-là, j’étais dévastée. Prête à donner tout ce que j’avais pour revenir en arrière et que tout ça n’arrive jamais.

Cry me a river

The bridges were burned
Now it’s your turn, to cry
Cry me a river

Quelques jours ont passé, le temps que je trouve la force de sortir du vide intersidéral que je ressentais, le temps de m’organiser et de savoir où j’allais aller dans ce foutu pays et ce que j’allais y faire.
Les deux trois premiers jours, Mr Sweet Face était aux abonnés absents chez son frère.
Il remontait de temps en temps pour venir chercher des affaires et m’ignorait cordialement.
Puis il a vu que mes affaires commençaient à s’éclaircir, que je préparais mon départ.
Alors il est sorti de son silence.
« Tu t’en vas vraiment ?
– Ben oui.
– Et genre, pour aller où ? Tu vas rentrer chez ta mère ?
– Non, puisque je suis là, je vais voyager en Corée.
– Toi ? Toute seule en Corée ? Tu vas pas t’en sortir, c’est pas le Japon ici. Tu parles même pas la langue et c’est dangereux. Tu pourrais te faire attaquer, te faire voler. Pis personne parle anglais ici, je suis sûr que tu seras même pas foutue d’aller jusqu’à la gare.
– Ma foi, c’est mon problème, plus le tien.
– En tous cas je te préviens, compte pas sur moi pour t’aider ou ne serait-ce que te mettre dans un taxi pour la gare. Tu veux partir, tu assumes. »

JE veux partir ?
C’est pas moi qui me suis retrouvée à la rue il y a quelques jours ?
Je ne savais plus ce qu’il voulait.
Que je sois perdue ? Que je le supplie ? Que je sois dépendante de lui et incapable de m’en sortir et qu’il puisse garder le pouvoir ?

Mais non, ça marche pas comme ça, mon bon monsieur.
Je suis quelqu’un d’hyper sensible et qui pleure facilement. Ça ne fait pas de moi quelqu’un de faible.

Il était en train de s’en rendre compte, et il était évident que ça le faisait chier.

Puis finalement, le jour du départ est arrivé.
Je suis allée le chercher pour lui redonner les clés du studio et régler nos dernières finances.
Quand il est arrivé dans la chambre et qu’il a vu ma valise bouclée, mon sac à dos et mon manteau posé dans l’entrée, il est devenu livide.
« Mais tu t’en vas vraiment ? »

Mais oui putain ? Tu crois qu’on joue à quoi depuis l’autre jour ?
En fait, depuis le début, cet abruti fini croyait que j’allais ramper à ses pieds et que c’était du bluff. Il pensait que j’oserais pas abandonner tout ce qu’on avait construit, tout ce qu’on avait prévu et tous nos rêves. Il me savait désespérément amoureuse de lui, et croyait que j’étais capable de pardonner tout ce qu’il avait fait rien que pour pouvoir rester avec lui.
C’est beau la confiance en soi, moi qui n’en ai pas un gramme, je trouve ça particulièrement épatant.
Si vous devez retenir ne serait-ce qu’une seule chose de cette histoire pour vous-même, c’est qu’il existe un truc dans la vie qui s’appelle « le point de non retour. »
Quand on vous a traînée dans la boue à ce point, qu’on vous a écrasée, qu’on vous a menti, qu’on vous a humiliée, qu’on vous a trompée, qu’on a profité de vous, il ne vous reste plus qu’à ramasser les quelques miettes de dignité qui vous reste, et vous barrer.
Quoi que ça vous coûte.
Quoi que vous ayez investi dans cette relation.
Barrez-vous. Très loin. Et ne revenez jamais.

Bref, c’est ce que je m’apprêtais à faire et il commençait enfin à le réaliser.
Paniqué, il a commencé à ouvrir tous les placards et tiroirs que j’utilisais : vides.
Et là, il s’est mis à crier « T’es plus là ! Y’a plus tes affaires ! Tu t’en vas ! » et il a fondu en larmes.
Il pleurait mais tellement fort, je pense sincèrement que tout le quartier l’a entendu. Je me souviens que j’avais honte et que je lui disais d’arrêter.
Il s’est laissé tomber au sol et s’accrochait à mes jambes en pleurant comme un gosse.
En me demandant ce qu’il allait faire. En me disant qu’il m’aimait. En me disant qu’il avait juste pété les plombs car trop de pression mais que la femme de sa vie, c’était moi. Qu’il le savait. Qu’il voulait se marier avec moi mais qu’il avait voulu en profiter avant que je sois la dernière femme de sa vie pour ne rien regretter et devenir un bon mari (Apparté : A-t-on déjà entendu un bullshit pareil ? C’est impressionnant. Je donne 9/10 pour le culot.).
Je ne sais pas combien de temps a duré cette crise, mais je l’ai trouvée interminable.
Je restais plantée là, à le regarder, complètement interdite. Il s’accrochait à moi, à ma valise, il avait de la morve plein le nez, il pleurait comme j’ai jamais vu un homme pleurer.
Je n’ai pas compris.
Je ne me souviens plus très bien ce que je lui ai dit mais je me souviens m’être retrouvée à essayer de le calmer. Que c’était comme ça, que c’était allé trop loin.
Que s’il avait fait tout ça, c’est que manifestement ce qu’on avait lui suffisait pas. Et que moi je ne lui ferais plus jamais confiance et qu’on retrouverait plus jamais ce qu’on avait eu. Que maintenant il était libre et qu’il pouvait profiter autant qu’il voulait.
Mais il continuait à pleurer, à s’accrocher, à me demander de renoncer à partir, que j’avais ma place ici, que sa famille m’appréciait, qu’on allait partir en Australie.

J’ai écouté en silence, et comme ça faisait trop mal, j’ai pris mes valises et je suis partie.

J’ai pris un bus de nuit, et j’ai quitté Pohang en pleurant mon poids en larmes. Ce qui fait beaucoup, je vous assure.
J’ai complètement disparu des réseaux sociaux, j’ai arrêté mon blog, twitter, Facebook. A part ma mère et une ou deux autres personnes, personne ne savait ce qui se passait ni où j’étais.
J’ai visité plusieurs villes de Corée pendant plusieurs semaines, jusqu’à quelques jours avant Noël.
La tête vide le jour pendant mes visites, effondrée dans mon lit à pleurer toutes les larmes de mon corps la nuit.
J’ai vu des belles choses, rencontré des gens gentils… Des personnes qui m’ont fait visiter, mes propriétaires à Séoul qui m’apportaient une corbeille de fruits et des gâteaux tous les jours à mon petit appartement.
Je suis allée dans la DMZ (zone démilitarisée entre les deux Corées), j’ai fait des conférences et rencontré des réfugiés Nords Coréens qui racontaient leur exil. J’ai fait des musées, la Prison de Seodaemun, des vieux villages, des balades en montagnes, des temples perdus au milieu de nulle part, des marchés, des tempêtes de neige coincée dans un bus sur l’autoroute.
Le tout entre quelques crises de larmes et une envie de disparaître à jamais de la surface de l’univers.
J’ai essayé d’apprendre à aimer ce pays en oubliant à qui il était lié et pourquoi j’étais là.

De temps en temps je recevais un message de sa part qui me demandait si tout allait bien, pour me dire qu’il m’attendait, que je pouvais revenir n’importe quand sur Pohang.
L’ange sur l’épaule gauche disait « Non, jamais. », le démon sur l’épaule droite disait « Le revoir ne serait-ce qu’une fois… ? ».

Pour finir, je me suis sentie prête et j’ai pris mon avion pour la France. J’avais un tour d’Australie à organiser, après tout.
Le retour n’a pas été facile. Déjà qu’un retour après une expatriation n’est généralement pas évident avec tous les soucis de réadaptation et autre, quand elle est faite dans ses conditions, c’est pire.
De plus, il faut savoir que Mr. Sweet Face croit au Père Noël et n’avait pas abandonné l’idée de me faire revenir.
Il m’écrivait tous les jours, il me téléphonait sur Skype.
Vous vous demandez certainement pourquoi je ne l’ai pas bloqué ?
Vous avez raison.
Mais la raison est très simple : je n’y arrivais tout simplement pas.
Si vous vous êtes des gens super forts qui arrivent à fermer une porte quand une histoire se termine brutalement, clap clap. Tant mieux pour vous.
Moi je n’y arrivais pas.

Tout s’était écroulé tellement vite, je ne l’avais tellement pas vu venir, qu’une part de moi n’y croyais toujours pas.
Et surtout, j’avais besoin de comprendre. De comprendre comment il avait pu faire ça, comment il avait pu réagir comme ça ce soir-là.
Je n’arrivais pas à faire mon deuil de la relation, car c’était l’incompréhension totale.
Donc non, je ne pensais pas à le pardonner. Non, je n’avais aucune intention de partir le retrouver. Oui c’était bien fini.
Mais je n’arrivais pas à couper entièrement contact, je n’arrivais pas à passer à autre chose.
Il m’inquiétait aussi un peu. Il m’appelait régulièrement complètement ivre et en larmes pour me dire qu’il n’arrivait pas à vivre sans moi. Je connaissais aussi sa vie et sa famille et je savais également qu’il était très seul et très mal entouré. Quand on était en couple, j’étais tout pour lui : sa copine, son amie, sa confidente et sa seule véritable famille.
Donc pour le coup, je ne doutais pas qu’il se sentait complètement perdu sans moi. Pas forcément parce qu’il m’aimait, mais parce que je savais qu’il avait pas grand chose à côté.
Ce n’est pas mon problème me direz-vous. J’ai mes propres problèmes à gérer, ajouterez-vous. Et je suis entièrement d’accord.
Mais parfois mon empathie frise la connerie sévère.

Et puis un jour il a fini par me dire ce qui était arrivé et comment il avait fait tout ça.
Tout a commencé quand il avait arrêté de travailler pour étudier l’anglais. Au début il était content… Et puis très vite il s’est ennuyé. Les journées étaient longuettes.
Il a voulu chercher des gens avec qui parler pour pratiquer son anglais, donc il s’est inscrit sur des sites pour trouver des correspondants et autres. Mais les garçons ne répondaient jamais, et les filles soit disant, se lassaient s’il ne cherchait qu’à faire la conversation.
Surtout qu’il était coréen, plutôt mignon, jeune… Et que les ¾ des nanas qui venaient lui parler étaient des fans de K-POP et de K-DRAMA, rêvant de trouver un petit ami coréen.
Et puis sa famille était horrifiée à l’idée que je puisse travailler pour deux pendant qu’il se la coulait douce à la maison (impensable dans la culture coréenne où c’est l’homme qui fait vivre le foyer). On lui disait qu’il était un raté, ses amis se foutaient de lui.
Il commençait à avoir honte.

Alors au lieu de m’en parler, au lieu de se remettre à bosser, au lieu de se tirer les doigts du trou de balle… Il s’est inventé une vie online.
Il avait toutes ces midinettes (toujours bien plus jeunes….) qui se pâmaient devant lui rien que parce qu’il était Coréen… Donc il s’est mis à parler avec elles, en les draguant un peu pour maintenir le contact, et en mentant à tout va sur sa vie.
Il était cuisinier, il était interprète, il était danseur.
Et alors qu’avec moi, il pensait ne pas pouvoir se vanter de grand chose, avec elles, il était quelqu’un qu’on admirait et qu’on courtisait à longueur de journée.
Et il s’est pris au jeu. Une fille. Deux filles. Trois, quatre, beaucoup.
Il a perdu le contrôle et a laissé les mensonges prendre toujours plus de place dans sa vie. Jusqu’à ce que tout explose.
Il m’a aussi dit que si il avait été aussi méchant ce soir-là, c’est parce qu’il se sentait minable et il avait eu envie de me faire mal pour que je me sente aussi nulle que lui.
Qu’il ne le pensait pas mais qu’il avait juste eu envie de me détruire pour se sentir supérieur à moi.
On ne va pas lui enlever ça : c’était plutôt réussi.

Voilà son explication.
Si vous voulez mon avis, ça prouve juste qu’il est plus minable que jamais et ça n’excuse strictement rien.
Mais ça expliquait plus ou moins son état d’esprit et pourquoi on en était arrivés là. Et que ce n’était pas forcément moi le problème.
C’était important pour moi de comprendre le mécanisme derrière, ça m’évite de me torturer le cerveau des mois, voyez.

Bref, je préparais mon nouveau départ en essayant de me faire à l’idée que ce serait seule, et lui continuait de m’envoyer des messages. De me dire qu’il m’aimait encore, qu’il allait me prouver qu’il avait compris, qu’il avait changé, que lui aussi il était un battant.
Qu’il allait vraiment travailler, mettre de côté et me rejoindre en Australie.
Je lui disais que ça ne changerait rien, mais je suppose que pour mon égo, ça me faisait plaisir de le voir ramper.

Et puis un jour, plus de nouvelles.
Rien du tout pendant au moins trois quatre semaines.
Evidemment, je n’ai pas cherché à le joindre ou quoi que ce soit. J’essayais d’avancer dans ma vie et de me reconstruire.
Mais on était passé à une tentative de reconquête désespérée à un silence radio du jour au lendemain.
Je me suis dit qu’il était passé à autre chose et que si c’était un peu brutal, ce n’était pas plus mal et qu’il était temps moi aussi d’arrêter de penser à lui et tourner la page.
Soyons honnêtes, garder contact ne faisait que ralentir le processus de guérison.

Et au bout de plusieurs semaines, il revient.
Il me renvoie des messages en me disant qu’il avait été malade et hospitalisé pendant 3 semaines, sans téléphone. Que je lui avais réellement manqué et que ces semaines sans pouvoir me parler lui avaient fait réaliser plus que jamais à quel point il m’aimait.
Il restait plutôt évasif sur les conditions d’une hospitalisation aussi longue, mais que je me rassure, il allait très bien !
Il commence à bombarder mon téléphone de messages pour me dire que ses amis sont venus le chercher à la sortie de l’hôpital, et que comme il avait été très isolé pendant des semaines, ils lui avaient prévu un voyage surprise.
Je trouve étonnant déjà 1) que ses potes soient venus le voir car de ce que j’en avais vu, ils en avaient un peu rien à battre de lui, 2) qu’ils partent en voyage dès la sortie de l’hôpital.
Il me dit qu’ils sont partis à Daegu pour un petit séjour entre mecs.
Et là, alors que je ne lui demande rien, il me bombarde de photos.

Sauf que…
Là, je reste perplexe.
Les photos qu’il m’envoie ne ressemblent en rien à la Corée, et encore moins à Daegu.
– Il est en chemise, bronzé au milieu de terres relativement sèches… On est en plein mois de mars, à moins d’un micro climat sur Daegu, auquel cas je suis pas au courant, tu n’es PAS en petite chemise en Corée du Sud au mois de mars, je te le dis tout de suite.
– En arrière plan, on voit la mer et des palmiers. Pour avoir visité la Corée en long en large et en travers pour surmonter mon chagrin d’amour, je le sais : Daegu n’est pas au bord de la mer. Sauf si bien sûr, ils ont déplacé la ville de 2,5 millions d’habitants au bord de la mer pendant les quatre derniers mois… Pourquoi pas, le gouvernement coréen ne me tient pas au courant de tout, après tout.
– Il n’y a que des Occidentaux derrière lui, hors si on peut en croiser à Séoul ou Busan, ils restent relativement rares dans les petites villes de province.
– Il me montre la photo d’un livre en magasin, tous les livres derrière en arrière plan sont en espagnol. Pour avoir cherché des livres en Français pendant mon séjour, je le sais aussi, on ne trouve pas des librairies de bouquins en langue étrangère comme ça.
– Une photo de lui qui mange une glace, à une table où ils sont manifestement deux, mais pas quatre.

Sur le pot de la glace, il y a écrit en gros le nom du glacier.
Il y a peu de suspense, je connais déjà la réponse au fond de moi, mais histoire de ne laisser aucune chance au doute, je tape le nom du glacier sur google.
Un établissement célèbre de Barcelone.

Et là vous vous dites « …NON ?! ».
Et là je vous réponds « Si si. ».

Le mec ça faisait des mois qu’il essayait de me reconquérir, qu’il chialait tous les soirs sa bouteille de Soju à la main, qu’il me disait qu’il m’aimait et allait me retrouver…
Pour finalement disparaître trois semaines pour parcourir le globe et atterrir dans LE PAYS VOISIN afin de se taper de la Catalane en toute décontraction. Puis on revient la bouche en cœur me raconter une histoire abracadabrante d’hospitalisation et de voyage imaginaire entre amis.

C’est incroyable.
Je vous jure, ça fait cinq ans maintenant et j’y crois toujours pas. J’en ris nerveusement, à la limite.
La réalité dépasse la fiction, ça se vérifie de jour en jour, je vous le jure.
J’ai été soufflée qu’il ose encore me prendre pour une conne à ce point après tout cela. Pis gratuitement en plus, je ne lui demandais même rien du tout !
Et puis aussi mal en plus !
Y’a des évidences partout sur ces photos qu’il était partout sauf en Corée et il me les envoie sans réfléchir !
A quel point on peut être aussi nul ?! Sérieux, si tu veux être mythomane, mets-y un peu du tiens, gros. Ça se travaille un mensonge.
Surtout que ce n’était pas une destination très surprenante, puisque la demoiselle qui devait le rejoindre en Corée quand j’y étais était justement de Barcelone.
Il avait juste continué avec elle et était allé la rejoindre, voilà tout.

Pour tout vous dire, on est pas là pour faire sa psychanalyse, mais je pense qu’un acte manqué pareil, ça vient de sa solitude justement.
J’avais été sa meilleure amie et sa confidente pendant plus d’un an, il venait de voyager pour la première fois hors d’Asie, je suppose que c’était un truc énorme pour lui et qu’il avait besoin d’en parler.
Mais comme il ne voulait pas me dire dans quelles circonstances, il a monté un bateau aussi bien pensé que le Titanic qui s’est fait un plaisir de couler à la première occasion.

Bref, je l’ai laissé me raconter ses mensonges sans rien dire, puis j’ai juste conclu par un «Je suis contente ça t’ait plu l’Espagne. ».
Et là il y a eu un gros silence.
« Comment ça ?
– C’est pas Daegu sur ces photos, c’est Barcelone. Tu y étais pour rejoindre ta copine, je suis contente pour toi.»

Histoire d’aller droit au but et d’arrêter de jouer aux cons, quoi.
Et là mesdames et messieurs… Il m’a insultée !
Que j’avais un grain dans ma tête, que je le stalkais et espionnais ses faits et gestes comme une psychopathe, que je lui faisais peur et qu’il voulait appeler la police, que c’était pas normal que je sache ça et j’en passe…

…Je propose que nous prenions cinq minutes pour rire, s’il vous plaît.

 

Bref, j’ai fait ce que j’aurais du faire depuis longtemps.
J’ai appuyé sur la toucher « Bloquer » et j’ai éteins mon téléphone. Je me suis sentie humiliée une fois de plus mais surtout par moi-même. J’avais péché par égo.
Je lui avais laissé la porte ouverte parce que ça me faisait du bien de me dire qu’il regrettait.

Là, j’ai souffert de réaliser une nouvelle fois qu’il n’ait vraiment aucun respect pour moi à ce point… et pourtant au fond de moi, je peux vous le dire, j’étais soulagée.
Car j’avais la preuve ultime que ce mec était irrécupérable, qu’il ne méritait aucune empathie, aucune compréhension de ma part et que son besoin de plaire, de mentir et de tromper était maladif.
Je me suis sentie prête à ne plus jamais lui reparler et à avancer entièrement pour moi après ça.

J’ai commencé à aller chez un psy (ma Jiminy Cricket), pour essayer de me débarrasser de mes TCA, mais aussi pour changer. Déjà j’en avais marre de tous mes blocages, car être dégoutée ou effrayée par 80% des hommes quand on est une femme hétéro, c’est relativement handicapant.
On a beaucoup travaillé sur mes différents traumatismes et ma relation biaisée avec les hommes et ça a changé beaucoup de choses. Ca a pris beaucoup de temps, mais j’ai enfin pu me débarrasser de certains blocages et mécanismes inconscients.

Concrètement, j’ai mis plus d’un an avant de m’en remettre vraiment et ne plus penser à lui au quotidien.
Un an et demi avant de recommencer à regarder d’autres garçons et me dire que je pouvais retomber amoureuse.
Et finalement, je suis restée célibataire trois ans.

Mes premières semaines en Australie ont été difficiles car je pensais tous les jours « ça, on avait prévu de le faire ensemble ».
Je voyais de temps en temps des traces de son passage sur mes réseaux sociaux, et je le bloquais au fur et à mesure.

Et puis je suis arrivée à Melbourne, la ville de ma renaissance.
J’y ai rencontré des amis irremplaçables, j’ai recommencé à faire des rencontres, des « dates ».
Concrètement il ne s’est rien passé de vraiment notable, mais je recommençais à flirter, à avoir des coups de cœurs et accepter d’être courtisée (et plusieurs dates ratés absolument hilarants… Je vous raconterai peut-être un jour mes histoires de rendez-vous foirés, que mes malheurs servent à ensoleiller vos journées, perso j’en ris encore.).
Et après quelques mois de reconstruction à Melbourne, j’ai commencé mon tour d’Australie seule au milieu du bush et des kangourous.
Et à ce moment là, j’étais soulagée qu’il ne soit pas venu avec moi. Finalement.
Parce que peu débrouillard comme il était, j’aurais certainement été freinée par lui, j’aurais certainement du m’occuper de lui, de ses papiers, de ses finances.
Et je suis sûre que j’aurais pas fait la moitié de tout ce que j’ai pu faire seule.

Au mois de été 2015, alors que je suis perdue en plein ouest Australien et que je n’ai plus eu de nouvelles depuis plus d’un an et demi, je reçois un message.
Il avait créé un nouveau compte pour m’ajouter sur messagerie et me contacter.
A ce moment-là, j’étais en règle générale bien dans mes pompes, en train de vivre mon rêve éveillé et je n’étais pas mécontente qu’il me contacte quand j’étais en haut de la vague. Rien que pour la satisfaction de me dire qu’il verrait que j’avais avancé dans ma vie sans lui.
Ce qu’on se dit souvent après une rupture douloureuse, on a souvent ce besoin stupide de montrer à l’autre qu’on fait notre vie.

Sauf qu’il a baissé les armes tout de suite pour me demander pardon. Pour me dire qu’il avait énormément réfléchi pendant tous ces mois et qu’il avait fini par réaliser le mal qu’il avait fait et qu’il regrettait.
Pour la première fois, ça m’a paru sincère.
Il m’a dit à ce moment-là des choses qu’il m’avait jamais dites auparavant, comme quoi j’avais été de loin la meilleure personne qu’il ait rencontré dans sa vie, que je m’étais énormément occupée de lui et que je l’avais beaucoup soutenu alors que lui il n’était qu’un petit con.
Pour la première fois, ça ne sentait pas la manipulation.
Je me suis demandé quelle claque il avait bien pu se prendre dans la gueule pour en arriver là.
Parce que concrètement, l’illumination, je n’y crois pas.
Un connard pour qui tout tourne bien ne se remet pas en question. Pour qu’il en soit là, c’est qu’il s’était passé quelque chose. Surtout qu’il me dit ensuite que le karma se charge de lui et qu’il est en train de payer pour tout le mal qu’il a fait.
Je l’ai donc questionné et fini par lui tirer les vers du nez.

Il était devenu SDF… A Barcelone.
A la rue dans un pays dont il ne connaissait rien.

Avouez que cette histoire ne cesse de vous faire tomber des nues hein ?
Non mais moi aussi, toutes ces années plus tard, les bras m’en tombent encore.

L’histoire ?
Alors après ma disparition, il a continué à jongler avec les filles, jusqu’à en trouver une deuxième de Barcelone de qui il est vraiment tombé amoureux.
La demoiselle, d’à peine 18 ans, refusait de vivre un truc à distance et lui a demandé de venir s’installer sur place ou rien.
Le voilà donc qui part en visa Vacances – Travail et s’installe chez la demoiselle.
Hors, il ne parle ni espagnol, ni catalan, le marché du travail n’est pas top, et il n’a pas énormément d’argent.
Mais la demoiselle aime sortir avec ses amis, et il soit suivre. Alors il paye, il paye, il paye… Epuise ses économies.
Puis elle commence à se fatiguer. Ils ont du mal à se comprendre, elle doit s’occuper de lui tout le temps, il ne travaille pas, il n’a plus d’argent… Elle a pas signé pour devoir entretenir un mec, elle !
Et patatra, elle en a ras les couettes, elle le plaque.
Or, il n’a plus d’argent et lui qui habitait chez elle doit faire ses valises.
Il n’a pas de quoi acheter un billet d’avion retour et se retrouve donc à la rue.

Il avait fini par trouver, via d’autres coréens sur place, un petit boulot dans un restau asiatique payé en liquide.
Depuis quatre semaines, il dormait dans les parcs la semaine, et se payait une nuit en hostel le samedi soir pour pouvoir se laver et se reposer.
Personne n’était au courant de sa situation parce qu’il était mortifié de honte.

Je suis choquée qu’il ait réussi à tomber aussi bas avec ses conneries de playboy des bacs à sable. Est-ce que ça m’a fait plaisir de le savoir dans une telle situation quand moi je vivais ma meilleure vie ?
Absolument pas.
En fait, j’ai même trouvé ça plutôt honteux d’avoir été tant amoureuse d’un con fini pareil. Quitte à avoir été aussi malheureuse pendant des mois et avoir été si prête à tout pour quelqu’un, j’aurais préféré que ce soit quelqu’un d’admirable, vous voyez.
Pas une grosse tanche qui se retrouve à la rue à l’autre bout du monde parce qu’il pense avec son zob.
Même si je salue l’ironie qu’il se retrouve à la porte dans un pays inconnu, sa situation est grave et je n’ai pas envie de m’en réjouir.
Je m’inquiète un peu pour lui aussi. Il se balade avec toutes ses affaires et ses économies sur lui et dort dehors toute la semaine. Suffit qu’il se fasse voler une fois, et il fera quoi ensuite ?
Surtout que les payes sont pas terribles en Espagne, il va faire ça combien de temps ?

Bref, je pousse un gros soupir et je lui téléphone.
Et là, je lui ai passé la soufflante de sa vie.
Je lui ai dit qu’il était temps qu’il grandisse et assume le fait qu’il était qu’un pauvre con incapable. Qu’il allait téléphoner à sa mère et son père, tout leur dire et oui, vivre la honte de sa vie une bonne foi pour toute.
Qu’il leur demande de quoi se payer un billet d’avion, qu’il se fasse engueuler comme jamais parce qu’il le mérite, qu’il rentre dans son pays et bosse pour les rembourser.
Que si vraiment il avait compris la leçon et envie de changer, il fallait qu’il soit un peu honnête. Tant pis si les gens se foutaient de lui, tant pis si sa famille lui menait la vie dure ensuite.
Qu’il se prenne une bonne fois pour toute dans la tronche ce qu’il mérite, qu’il reparte de zéro et qu’il marche droit.
Qu’il allait pas risquer de se faire voler ou pire, par honte d’admettre qu’il faisait n’importe quoi.
Et que tous les commentaires qu’il allait se prendre ensuite, que ça lui serve de leçon.

Il m’a dit d’accord, et il a raccroché.
Le lendemain, il avait parlé à son père.
Quelques jours plus tard, il était rentré en Corée. Après ça, il a repris le travail sérieusement sous la houlette de son père et recommencé une vie normale.
Il m’envoyait des nouvelles auxquelles je répondais peu : j’étais soulagée qu’il s’en soit sorti, mais concrètement il ne représentait vraiment plus rien pour moi.
Des gens m’ont dit que j’avais été trop gentille, qu’il méritait même pas que je lui accorde 30 minutes de mon temps pour l’écouter.
Peut-être.
Mais moi ce que j’en pense, c’est que ça sert à rien d’abattre un homme à terre. Le karma s’était chargé de lui, il était tombé tellement bas, je n’avais plus besoin de faire quoi que ce soit pour me venger.
Comme a dit un grand philosophe français…

puos0rAprès cela, il a voulu reprendre contact, m’envoyer des nouvelles, me souhaiter mon anniversaire « le premier », me dire que je manquais à sa mère et j’en passe.
J’ai très vite sorti le panneau STOP pour lui dire que je l’avais écouté et je lui avais parlé parce qu’il était dans une situation critique et que je ne souhaitais la rue à personne.
Mais que concrètement, je faisais ma vie, lui la sienne, et que ça ne m’intéressait pas de garder contact avec lui.
Il faisait partie du passé.
Il m’a dit merci, et qu’il regrettait de m’avoir perdue mais qu’il me souhaitait d’être heureuse.
Je lui ai répondu d’arrêter de faire de la merde et de prendre sa vie en main.

On s’est dit au revoir, et on ne s’est plus jamais reparlé depuis.

Pour tout vous dire, il m’était même sorti complètement de la tête, jusqu’à peu parce que j’étais à Barcelone.
Comme quoi, c’est vrai que le temps finit par guérir toutes les blessures, car il y a cinq ans, j’étais persuadée de ne jamais m’en remettre.
Et j’étais également convaincue que ça resterait la plus grande honte de ma vie et que jamais je n’oserais en parler.
Et aujourd’hui, je vous ai tout raconté sans que ça me fasse grand chose.
Tout arrive.

La vérité, c’est qu’une relation amoureuse, soit ça devient une belle histoire, soit ça devient une leçon de vie.
Et celle-là m’a malgré tout beaucoup appris. Déjà elle m’a appris à ne plus être fusionnelle et ne plus m’oublier.

Pas assez, sûrement.
Puisque malgré tout, j’ai réussi à faire pire ensuite.
Ne jamais sous estimer ma capacité à foutre ma vie en l’air.

Mais ce post est déjà bien assez long et je ne veux pas écrire le reste en article public, pour des raisons que vous comprendrez certainement en lisant.
La suite sera donc dans une seconde partie qui sera publiée dans la journée.
Le mot de passe sera donné sur mes réseaux sociaux privés.
Si vous ne le recevez pas mais que vous voulez lire la suite, vous pourrez me le demander sur Twitter, Facebook, Instagram ou par mail.
Je vous répondrai en privé.

Adopte un Chat-ponais

      15 commentaires sur Adopte un Chat-ponais

Ce n’est plus un secret depuis longtemps, les chats ont envahi Internet.
Les voilà maintenant aussi sur ce blog.

Si tu es expatrié au Japon et que tu as envie d’adopter un chat et ne sais pas comment faire, ce post est fait pour toi.
Si tu ne penses pas à adopter mais que tu as déjà des chats, que tu les aimes, que c’est ta raison de vivre et que tu ne peux vivre sans ronrons et poils de chats qui ruinent tes meilleures fringues, tu peux rester. Il y aura des jolies photos et si tu es sage, des vidéos aussi.
Si tu n’es pas trop chat mais que tu as des tendances masochistes et que l’idée de lire un pavé sans fin te met en joie, tu trouveras quand même ton compte dans cet article.
Enfin, si les animaux c’est pas ton truc, que quand tu vois un chat t’as bien envie de lui shooter dedans et que l’idée de te taper la lecture d’un blog sur une boule de poils te met en rage car tu détestes ces petites saloperies… Alors dans mon dictionnaire, ton profil se rapproche de celui d’un psychopathe et je ne suis pas sûre qu’on puisse être amis. Aussi, je te redirigerai ici.

Je préviens d’avance, ce post sera parfois trop mignon et vous fera faire des gouzi gouzi ridicules devant votre écran, et parfois relativement déprimant.

En avant c’est parti pour le guide, adoptons un chat-ponais !

Adopteunchat

Sauter le pas

Tout ceux qui me suivent sur Twitter ou Instagram  ont déjà vu sa petite bouille immaculée inonder leur time line : depuis un an, j’ai un chat.
Et attention : le plus beau du monde.
(Seules les personnes qui ont des chats sont dispensées de le penser, sinon pour les autres, c’est votre tête au bout d’une pique sur les remparts du royaume si vous osez dire le contraire).

Un superbe Roi tout blanc aux yeux bleus qui rend ma vie plus belle à coup de léchouilles râpeuses, ronrons intempestifs et câlins aux moments qui m’arrangent le moins dans la journée.
Voici l’histoire de comment cet être magnifiquement magnifique est entré dans ma petit vie qui manquait cruellement de blanc avant lui.

Mini Disclaimer : Tout d’abord, je tiens à préciser que ce blog est à 100% personnel, avec un avis, des décisions et une vision des choses vis à vis des animaux qui n’engagent absolument que moi.

Bref, je suis donc l’heureuse propriétaire esclave d’un petit chat depuis le 27 juillet 2017.
J’ai pourtant commencé à considérer la question en 2014, et mis plus de 3 ans à sauter le pas.
J’avais envie d’un animal, si possible un chien (oui je suis plutôt team chien, à la base) pour devenir mon compagnon de jeu et de vadrouilles mais j’allais partir faire mon tour d’Australie, donc ce n’était pas la période idéale.
Je fais donc ma vie en mettant le petit chien familial en fond d’écran un peu partout pour compenser et ronge mon frein le temps de chasser le crocodile, surfer avec des grands blonds trop bronzés et méditer devant Uluru.

1904123_10153337508663999_1027722873689117503_n(Non je n’ai pas un regard de perverse, j’ai juste le soleil dans la gueule.)

Janvier 2016, j’arrive au Japon et reprends une vie sédentaire.
Une fois installée, très vite, l’idée recommence à m’obséder.
Je veux un chien…

Mais vous apprendrez très vite que votre premier problème à affronter si vous voulez un adopter un animal, c’est que le Japon est fidèle à sa réputation de gros relou des familles, et donc que la plupart des logements interdisent les animaux de compagnie.
Ne soyez pas choqués, j’en ai déjà vu qui interdisent les gamins.
Je n’ai pas trouvé de chiffres officiels, mais je dirais bien – à vue de pif – un bon 90% des appartements en location refusent les animaux.
Et là, vous allez me dire « Mais je vois toujours des Japonais avec des chiens !? ».
Alors oui, mais souvent ce sont des personnes âgées ou des familles. En d’autres termes des personnes qui ne louent plus, qui se sont endettés sur 30 ans pour avoir leur bicoque et qui peuvent bien faire ce qu’elles veulent entre leurs murs.
Mais à la location, vous ne trouverez quasiment aucun appartement où le propriétaire accepte que vous viviez avec un animal.
Prendre un chien en secret, avec le propriétaire qui habite bien souvent, soit dans le même immeuble, soit à côté, entre les aboiements et les promenades… Difficile de ne pas se faire prendre.
Sans parler de mon appartement de l’époque relativement vétuste (un petit studio d’une seule pièce), du manque de parc ou d’endroits où se dégourdir les papattes et de mon emploi du temps surchargé de l’époque.

Si je prends un chien, je veux qu’il ait de l’espace pour courir, se défouler, être heureux.
Pas l’enfermer dans une pièce avec une couche au sol pour les pipi qu’il ne pourra pas faire dehors, une promenade secrète au milieu de la nuit pour ne pas me faire prendre et le faire opérer des cordes vocales pour ne pas qu’il aboie.
Ah oui, car nos amis les Japonais pratiquent encore la dévocalisation (en japonais声帯切除手術 seitaisetsujo shūjutsu)
Si en France cette pratique a été interdite en 2004, et bah au Japon on s’en bat encore un peu les sacs de riz et on n’hésite pas, pour son confort auditif, à faire opérer son toutou qui ressemblera à une vieille poule épuisée qu’on étrangle quand il essaiera d’aboyer pour vous faire la fête.
Ambiance.
Bah ouais, des fois un chien c’est chiant et ça aboie. Mais les gosses qui hurlent dans les transports aussi c’est chiant, et on les opère pas pour autant.
Et c’est pourtant pas l’envie qui nous en manque.

Bref.
Dans ma situation de locataire d’un petit studio où les animaux sont interdits, un chien, bof bof.
Une décision bien égoïste niveau qualité de vie du chien et qui pue un peu les emmerdes au long terme, d’autant que mon propriétaire habite l’étage du dessus.

J’ai donc renoncé assez vite, en me contentant de faire des petits couinements aigus quand je voyais le petit vieux du quartier promener le sien et me plaindre régulièrement à qui voulait l’entendre que seul un petit chien et un million de dollars manquait à mon bonheur.

Je pourrais alors toujours remplacer le chien par un chat ?
Plus discret, plus adapté à la vie en appartement… ?
Mais ce plan B me paraît une mauvaise idée pour plusieurs raisons.
La première, c’est que je suis Team Chien depuis ma naissance, et que changer de camp me paraît la plus grosse trahison depuis toute l’histoire de l’humanité. 
Les Dog Persons VS Cat Persons, c’est un peu comme les supporters de l’OM contre ceux du PSG.
Après avoir crié « Aux Chiottes les Chats ! » avec un vuvuzela et des fumigènes toute ma vie, difficile de changer de maillot par simple souci de solitude.
Enfin le problème, c’est surtout que les chats j’y connaissais rien et arrivais avec mes gros pieds dans le plat en leur grattant grossièrement le bidou sans préambule. Ce qui fera sûrement le bonheur d’un chien, mais en langage chat ça revient un peu à foutre la main dans la culotte de quelqu’un sans se présenter, sans aller boire un verre et sans préliminaire. Donc évidemment, je me prenais des baffes et des crocs dans les mimines et que j’avais l’impression que le monde entier des chats était ligué contre moi.

Au delà de ça, je suis très allergique aux chats (un peu des chiens, mais ça passe selon le poil), avec yeux qui gonflent comme des balles de golf, asthme et j’en passe.

Enfin… Mon petit studio reste interdit aux chats, et je ne me leurre pas : l’ignoble créature risque de me bousiller mes murs pour se faire sa manucure.

Vous allez me dire que j’aurais très bien pu prendre un autre animal, plus petit, moins contraignant… Mais là, je n’avais pas envie pour d’autres raisons.
Un lapin, un hamster, un furet etc.… C’est très mignon et c’est peut-être heureux domestiqué, mais personnellement ça me met mal à l’aise d’avoir un animal qui restera la moitié du temps dans une cage.
Je préfère un animal qui pourra faire sa vie pendant que je fais la mienne.
Quant à un poisson rouge dans un bocal, c’est hors de question. (D’ailleurs, si vous avez le temps, venez ruiner votre enfance en lisant ceci : Pourquoi est-ce qu’un poisson rouge dans un bocal, c’est cruel ?)

Bref, comme je reste bloquée sur mon idée de chien ou de chat et que ce n’est pas possible, je me sens condamnée à n’avoir pour animaux de compagnie que les gros cafards dégueulasses en été.

Je renonce donc, avec d’éternelles rechutes où je me repose la question de pour ou contre prendre un chat, car j’ai vraiment envie d’un petit colocataire poilu et que Demis Roussos n’a jamais répondu à mon invitation.


(Pourquoi Demis ? Pourquoi ?)

Un mois passe.
Six mois.
12 mois…

Au 15ème mois de ma vie à Tokyo, tout ce pour quoi je suis revenue dans ce foutu pays s’effondre. Ça se casse la gueule dans un peu tous les domaines et la dépression en personne revient drapée de noir pour toquer à ma porte après quelques années d’absence.

Terrée au fond de mon lit, l’idée de prendre un chat recommence à m’obséder et je me dis que dans le fond, je me sens prête à changer de maillot et trahir mes origines canidés. Appelez-moi Judas.
J’en ai aussi ras la casquette de mon appartement petit et sombre, et je me dis que, si financièrement c’est pas l’idéal de déménager, ce serait peut être l’occasion de chercher quelque chose de plus grand et ou je me sens mieux et qui accepte les animaux de compagnie.

SPOILER : J’ai lamentablement échoué.

Mon chat, ce futur clandestin

J’ai cherché pendant des semaines et fait plusieurs agences immobilières… Sur tous les apparts que j’ai visités, seulement un seul acceptait les animaux.
J’ai hésité car il était plus grand que l’actuel, et que le propriétaire acceptait à condition que ce ne soit pas un chien, mais l’appartement était ancien, très sombre (encore ! Et je déteste les endroits sombres) et excessivement cher pour quelque chose d’aussi vieux.

Oui, au Japon, un appartement qui accepte les animaux ça se paie.
Ils sont généralement plus vieux que la moyenne (le proprio se fout un peu plus des dégâts potentiels ou a plus de mal à louer et ne fait pas la fine bouche, je ne sais pas), avec un loyer plus cher OU avec plusieurs cautions (dont vous ne reverrez jamais la couleur dans la plupart des cas).

Au delà de ça, le choix est terriblement restreint.
Déjà on ne va pas se leurrer, nous sommes étrangers.
Donc, on se fait forcément refouler de pas mal de logements par des proprios qui ne veulent pas de gaijin dans leurs cages à lapins (j’ai vu passer une  étude japonaise il y a peu, datant de 2017 et attestant que 40% des étrangers s’étaient déjà vu refuser l’accès à un logement).
Pour ma part, je pense que le fait d’être française, parler couramment japonais et avoir un travail à temps plein a aidé et je n’ai jamais trop galéré pour trouver un logement. Mais parce que les agents immobiliers faisaient le tri d’abord et ne me recontactaient que quand ils avaient des appartements OK aux étrangers à me proposer.
D’ailleurs sur la vingtaine de logements qui m’intéressaient, il n’en restait en général plus que 4 ou 5 qui acceptaient que je visite une fois qu’ils apprenaient que je n’étais pas Japonaise.
Bref, être étranger ne condamne pas à rester sans toit mais réduit l’offre.
Et plus on a de critère précis pour se loger, et plus on a des chances de galérer et ne rien trouver puisqu’on part avec un handicap.

Or, les animaux autorisés est un des critères les plus restrictifs dans la recherche d’appartement, alors si vous vous payez le luxe d’être étranger par dessus le marché… Autant dire qu’il faudra prendre ce qu’il vient et ne pas être regardant ni sur le prix, ni sur l’état de l’appartement ou encore de sa location.

Or, je suis une chieuse, donc je suis regardante sur l’état et sur la location.
Je suis freelance et travaille souvent à la maison : si je ne m’y sens pas bien, c’est mort.

Il faut également savoir que parfois vous pensez avoir trouvé, car dans la description de l’appartement il est écrit ペット相談 (Petto sōdan, Animaux négociables) ou ペット可 (Animaux Possibles).
Et là, en bon naïf, vous sautez au plafond une bouteille de Dom Pérignon à la main en pensant avoir trouvé votre prochain foyer. Sauf qu’évidemment non, car une fois que vous aurez parlé avec le propriétaire, ce casse-noix vous dira tout sourire qu’il parlait juste de hamster ou de lapin, mais qu’un chien qui aboie ou un chat qui miaule, certainement pas.
Et là vous repartirez désespéré et ayant perdu foi en l’avenir, un peu comme un lendemain d’élection présidentielle.

Bref, en plusieurs semaines, on ne me propose qu’un seul appartement : vieux, sombre et cher situé devant une grande route bruyante où je ne m’identifie pas du tout.

Par curiosité, je change d’agent immobilier, à qui je ne parle pas d’un éventuel chat.
La demoiselle fait le tri des appartements prêt à accueillir une visage pâle, et me propose quelques jours après pas moins de 5 appartements à visiter en un après-midi
Comme c’est facile, tout d’un coup…

Je vais visiter, et là j’ai le coup de foudre.
Un appartement immense, que dis-je, UN PALACE de 52m carrés ! 
(Ne vous moquez pas, on est en plein Tokyo je vous rappelle, et personne dans ce foutu pays se loue un 52m carrés en vivant seul…).
A un prix qui reste dans mon budget, j’ai même un walk-in closet et un kitchen bar…

jean-dujardin-oss117-01_0Ça vous la coupe, hein ?

Je m’y vois bien là… Moi et mon futur chat.

Et c’est là que je prends la décision de vivre dans le péché : je prends l’appart, et mon chat sera clandestin.

Alors, avoir un chat caché dans un appartement interdit, est-ce que ça se fait ?

Concrètement oui, en demandant autour de moi, je suis loin d’être la seule.
Certaines de mes amies le font depuis des années.

Suffit de quelques astuces pour ne pas trop éveiller les soupçons :
– Commander la bouffe et la litière sur internet et se la faire livrer pour ne pas croiser les voisins avec les bras plein de pâté pour chat.
– Prendre une litière qui se dissout dans les toilettes pour éviter de se faire répérer dans les sacs poubelles (les ordures, première source de conflits de voisinage japonais : ils adorent fouiller dans les poubelles pour la remettre devant chez vous si vous avez pas fait le tri comme il faut).
– Choisir un sac à transporter votre chat qui ressemble à un sac à dos ou un sac de sport.
– Mettre des protections sur les coins de murs pour éviter les dégâts quand monsieur se fait les griffes.
– Personnellement, j’ai également recouvert mon sol d’un faux sol… Et j’ai bien fait, car j’ai un chat joueur qui aime sauter partout et faire des dérapages et le faux sol est crépi de traces de griffes.

Après est-ce que je vous recommande cette solution ?
Non plus.
C’est une décision qui n’est pas sans risque, qu’on se le dise.
Si vous vous faites repérer par un voisin parce que votre chat miaule ou regarde par la fenêtre, votre propriétaire peut ne pas renouvelever votre bail au bout des deux ans et ne pas vous rendre votre caution pour non-respect du contrat.
Et bonne chance à vous pour retrouver un logement en urgence avec votre tête de non-japonais et votre chat sous le bras.
(EDIT:Je pensais qu’il pouvait vous mettre à la porte, mais une amie Japonaise et une autre qui travaille dans l’immobilier m’ont certifié que nous sommes protégés par la loi et qu’un propriétaire ne peut pas mettre son locataire à la porte, même pour des crimes bien plus grave… Du coup, le plus gros risque c’est la caution et le non renouvellement du contrat, ainsi que des disputes de voisinage. Merci à Akiko et Stéphanie pour cet update.)

Vous pouvez également vous faire prendre en cas de gros tremblement de terre si on vient chez vous pour inspecter les dégats, ou toute autre intervention d’ailleurs.

Au printemps, j’ai eu une fuite d’eau et comme c’était un jour où je devais partir en voyage (à 2h de partir pour l’aéroport… Malchanceuse un jour, malchanceuse toujours), le staff de l’agence a dû venir en urgence pour arrêter la fuite du lavabo concerné.
Et comme l’agence est dans mon quartier, j’ai eu 10 minutes top chrono pour faire disparaître toute trace de l’existence de mon chat le temps qu’ils arrivent.
L’ambiance à la maison :

Opération réussie, j’ai clairement raté ma vocation d’agent double… Mais bordel, quelle adrénaline inutile pour un jour de départ.

Aussi, j’ai eu beau prendre toutes les précautions que je pouvais, il reste des morceaux de mur qui ont failli à ma vigilance et où le papier peint s’est fait joyeusement massacrer par ses jolies griffes polies.
Je sais donc que je pourrai dire adieu à ma caution le jour de l’état des lieux, mais pour être honnête, je m’étais bien dit que je pouvais m’asseoir dessus à la seconde où j’ai décidé de prendre un chat malgré tout.

En gros, si vous avez la chance d’être propriétaire ou de trouver un logement qui vous convient et qui accepte les animaux, c’est quand même plus simple.
Sinon, on réfléchit encore un peu avant de prendre cette décision car il faut être également prêt à en assumer les conséquences si on découvre le pot aux roses.

Où trouver son futur compagnon de vie ?

★Le beau monde des Pet Shop

Dans une animalerie ? Facile, il y en a à tous les coins de rue.
Mais plutôt me passer sur le corps que d’aller acheter un animal dans ces pompes à fric honteuses.

Encore une fois, ce n’est pas dit dans le but de blâmer ou de juger ceux qui le font : dans ce triste monde, on encourage tous un peu un business véreux sans le vouloir.
Perso, j’ai beau faire ce que je peux, Elise Lucet m’a raconté il y a deux jours dans son dernier Cash Investigation que mon pyjama acheté innocemment à Carrefour a été fait avec du coton récolté par des gamins en Ouzbékistan, et je n’ose même pas imaginer le nombre de travailleurs forcés en Chine qui se cachent derrière mon iPhone.
J’ai beau faire ce que je peux, je suis loin d’être une consommatrice parfaite et irréprochable donc j’ai pas de leçon à donner aux autres.

Mais moi ce que je sais des animaleries, a fortiori celles du Japon, font que jamais je ne leur achèterai un animal.

Déjà sans savoir tout ce qui se cache derrière, l’endroit en lui-même, je le trouve terriblement glauque et crève-coeur.
Je ne sais pas exactement à quoi ressemble une animalerie en France, car je n’y suis allée qu’une fois lorgner avec envie devant les chiens quand j’étais petite et que j’en ai un très vague souvenir, mais au Japon, ça ressemble à ça :

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Des mini cage de verre qui font à peine la taille d’un micro-onde où sont entassés des bébés chiens et chats toute la journée.

Penchons-nous sur les prix et sur les âges…
Plus c’est petit et plus c’est mignon… Donc plus c’est cher !

On va donc voir régulièrement des chiens ou des chats de moins de deux mois (donc pas sevrés !) pour des sommes absolument pharaoniques.
Si en moyenne les prix tournent autour de 300000-400000 yens, il m’est déjà arrivé plusieurs fois de voir des chatons pour la modique somme – accrochez vous – de 800 000 yens (soit plus de 6200 euros au cours du jour.)
Donc en gros, on vous demande de payer jusqu’à plus de 3 mois de salaire pour un animal non sevré et enfermé dans un cube de verre de 60cm toute la journée qui aura toutes les chances de se coltiner des problèmes de santé et de gros troubles du comportement plus tard.

Et ça, c’est seulement la face émergée de l’iceberg, celle que vous pouvez voir et déduire rien qu’en entrant dans le magasin.
Mais si on fouine un peu pour savoir ce qui se passe sous la surface, on est pas déçu car derrière ces petites vitrines à bordures roses qui feront crier les Japonaises « Kawaiiiii » à tout bout de champ, ce  qui se cache n’est pas beaucoup mieux.

Déjà il faut savoir que la date limite pour vendre un animal est de trois mois. Passé les trois mois après sa naissance, la boule de poils perd un peu ses traits de gros bébé, et a donc de moins en moins de chance d’être vendue.
C’est là qu’on casse les prix.
Entre trois mois et cinq mois, on bradera au fur et à mesure la bête jusqu’à 140000 yens environ (soit un peu plus de 1000 euros) selon la race (moins doit être possible aussi), dans l’espoir souvent vain que quelqu’un finisse par l’acheter.
Alors déjà imaginez… Ca veut dire que l’animal aura déjà passé 4 mois de sa vie 8 à 10h par jour dans son micro-onde en verre à faire risettes aux passants…
S’il se tape pas autant de névrose que moi adulte ensuite, je lui tire mon chapeau.

Après 5 mois, les chances de vendre ce petit bout qu’on aimerait bien prendre chez nous sont tristement proches du zéro.
L’animalerie a donc plusieurs options :
– Renvoyer l’animal chez l’éleveur… Un deal relativement rare, car vous vous doutez bien que les éleveurs n’ont pas que ça à faire, ils ont fait leur part du job avant.
– Envoyer l’animal en associations type SPA dans l’espoir d’une adoption, sujet dont je vous reparlerai plus bas.
– Faire euthanasier l’animal.

Et je ne vais pas vous le cacher, la dernière est souvent l’option choisie.
Au Japon, on gaze les chiens et les chats en masse.
Rien que pour les chiens, en 2017 presque 43 chiens ont été gazés tous les jours pour un total de plus de 15500 à l’année.
Bien plus pour les chats. Je n’ai pas les chiffres les plus récents, mais par exemple en 2014, plus de 200 chats euthanasiés par jour, pour un total de plus de 79000 à l’année.
(Pour les fouineurs, je mets tous les liens sources en bas).

Sinon, il y a aussi l’option de « stocker » les animaux dans l’animalerie.
Une de mes amies, Française, étudiante à Osaka et amoureuse des animaux avait postulé pour travailler en animalerie.
Elle a arrêté quelques temps plus tard, complètement écoeurée.
Pourquoi ?
La direction de l’animalerie stockait les animaux devenus adultes – et donc invendables – dans des  petites cages dans le sous-sol de l’établissement.

Et parfois, on tombe juste dans le sordide fait divers, comme par exemple en novembre 2014 dans une animalerie de Tochigi où les autorités ont retrouvé plus de 80 chiens et chat invendus enfermés vivants dans un congélateur. 
Un fait divers pas si isolé que ça, puisque le livre 「犬を殺すのは誰か?」(Inu wo korosu no wa dare ka, Mais qui tue les chiens ?) dénonce les pratiques scandaleuses des animaleries au Japon via les témoignages d’ancien employés et étudiants ayant travaillé pour ces établissements. (Lien pour le livre ici si vous avez envie de vous saper le moral au reste.)

Si vous croyez que c’est tout, non pas forcément.
La dépression et la solitude (que ce soit chez les personnes isolées des grandes villes, les couples nullipares ou les personnes âgées) grandissant au Japon font du business animal un marché tellement juteux que même les Yakuza, qui à la base privilégient surtout les bar à hôtesses et clubs douteux, ont fini par investir là-dedans.
On veut plus d’animaux, de races de plus en plus pures, et on fait appel à des éleveurs peu scrupuleux qui font se reproduire leurs animaux entre eux de manière intense, si bien que le degré de consanguinité devient tel que les animaux sont très fragiles.
Ainsi, il n’est pas rare que votre petite boule de poil achetée pour le prix d’un rein ne passe pas son premier anniversaire…

Bref, entre les conditions en magasin exécrables et les conditions sanitaires en amont qui laissent à désirer de la naissance jusqu’à l’arrivée en magasin due à la « production de masse », dans cet article on recense environ 25000 bébés chiens et chatons morts sur l’année dans les business d’animaux.

Ainsi, si jamais malgré tout ce que je viens de vous dire, vous tenez quand même à acheter votre animal dans un pet shop, lisez très attentivement votre contrat et vérifiez surtout bien la close de garantie (oui comme pour votre télé ou votre ordi).
Les animaleries les plus « sérieuses » vous donneront les coordonnées de l’éleveur pour tracer l’origine de votre animal, se vanteront de choisir des éleveurs qui ne font pas se reproduire leurs animaux n’importe quand et offriront une garantie d’un an dans leur contrat, mais si je ne m’abuse la moyenne de la garantie est d’environ 3 mois.
Si votre animal décède dans ce laps de temps, vous pouvez donc vous retourner contre l’établissement qui vous l’a vendu.
Sinon, il ne vous reste plus que vos yeux pour pleurer.

Bref, mort aux pet shops.

★Le beau monde des associations

Donc vous l’aurez compris, quand j’ai pris la décision de prendre un chat, je n’ai jamais eu l’intention de foutre les pieds dans une animalerie ou de donner ne serait-ce qu’un yen dans quelque chose qui pourrait entretenir tout business d’animaux.

Surtout que dans le fond, adopter un chat sans toit me paraît plus légitime.

Car je ne vais pas faire l’hypocrite, ce chat je le voulais pour moi.
Je le voulais pour combler le trou béant de la solitude qui me rendait malade et me rongeait tous les jours.
Je le voulais pour fourrer mon nez dans son ventre tout doux quand j’ai le cœur lourd (et regretter ensuite en m’enfilant une boîte de médocs contre les allergies pour survivre à ce geste inconscient.).
Je le voulais pour que ses ronrons couvrent le silence d’un appartement trop vide à mon goût.
Je voulais avoir un petit être à qui donner ce trop plein d’amour que j’ai sans avoir personne à qui l’offrir sans la peur de me faire piétiner.
Je le voulais pour qu’il se couche impétueusement sur mon clavier quand je suis en train de bosser sur une grosse traduction à rendre en urgence. (Enfin non, ça je voulais pas mais j’ai pas eu le choix, c’était dans le pack.)

Dans ma tête, mon chat, même si je ne le connaissais pas encore, c’était un peu mon sauveur.
Donc aussi égoïste que soit cette démarche, il fallait bien que ce soit donnant donnant, qu’on soit chacun le héros de l’autre.

Tu me sauves, je te sauve.

C’est donc en toute logique que je me suis tournée vers les associations pour reprendre un chat abandonné.

LOL.
Quelle naïve.
J’avais oublié que j’étais au Japon, pays aux règles reloues et contradictoires.

Bon alors je ne vais pas vous mentir, si j’ai vu sur internet un ou deux vétérans qui ont réussi l’exploit d’adopter un chat en association, c’est clairement pas la majorité.

Le Japon (le monde développé du 21ème siècle en général ?) est un monde de consommation.
On prend, on jette.
Pareil pour les animaux.
Les gens se sentent seuls ou trouvent qu’un chat c’est mignon, et décident sur un coup de tête d’en adopter un.
Et puis au bout d’un moment, ils découvrent que ça peut aussi être très chiant.
Faut nettoyer la litière, ça miaule, ça griffe, ça mordille quand ça veut jouer.
Ou alors on déménage et ça encombre.
Bref, au moindre obstacle, on se rend compte que la vie est quand même plus simple sans, et donc on les abandonne.

Résultat, les associations japonaises sont en mode paranoïa pour éviter un nouvel abandon et vont inventer mille et unes règles et critères à respecter afin de valider votre adoption, ou dans la plupart des cas, ne PAS la valider.

D’une association à une autre, j’ai à peu près tout vu dans les clauses je crois, et c’est édifiant.

「高齢者不可」 : Pas de personnes âgées
→ Traduisons-les : tu risques de crever avant ton animal qui va se retrouver tout seul.

「学生不可」 : Pas d’étudiant
→Traduisons-les : T’as pas assez de thunes pour couvrir les frais des soins et de l’entretien d’un animal. Finis tes études, décroche un job et on en reparle.

「単身男性不可」 : Pas d’homme seul
→Traduisons-les : On sait très bien qu’on ne peut pas faire confiance aux hommes qui sont déjà pas foutu de faire leur lessive ou le ménage en temps normal. Alors vous occuper d’un être vivant ? Ne vous foutez pas du monde s’il vous plaît messieurs et restez à votre place devant le foot, merci.

「外国人不可」 : Pas d’étranger
→Traduisons-les : Tu risques de rentrer au pays un jour et d’abandonner ton bébé sur place comme un malpropre. Donc adopte une fois chez toi, trouduc.

「カップル不可」 : Pas de couple
→Traduisons-les : La donzelle risque de tomber enceinte à un moment donné et entre le chamboulement d’un mioche dans le foyer et les risques de toxoplasmose, vous allez privilégier le mini-humain qui braille. Donc laissez les chatons tranquilles aux autres.

「家族不可」 : Pas de famille
→Traduisons-les : Dans le mot « famille », y’a possibilité d’enfant. Et un enfant ça crie, ça tire la queue, ça empoigne l’animal n’importe comment. Donc ton mioche, tu lui achètes une peluche et tu laisses les êtres vivants chiller en paix.

「単身者応募不可」 : Pas de personne seule
→ Traduisons-les : …Là, je sèche. Je ne comprends pas bien pourquoi… Parce que l’animal peut se sentir seul quand la personne est absente ?

Bref, la liste est encore longue et les critères varient d’une association à une autre, et peut-être aussi d’un animal à un autre, selon son caractère ou son vécu.
Donc en gros, il faut bien lire touuuutes les clauses pour en trouver une où vous remplissez les bonnes cases.
J’ai même vu une association qui se prenait pour la CIA et demandait même un justificatif de votre revenu annuel pour prouver que vous pouviez entretenir un animal…

Si je comprends la bonne intention cachée derrière toutes ces conditions, ça m’agace quand même un chouya, car en cherchant sur internet, je suis tombée sur pas mal de forums de Japonais découragés, qui faute de réussir à adopter en association… VONT FINALEMENT SE TOURNER VERS LES ANIMALERIES ET ALIMENTER LE SYSTEME.
Raaaaah !
On veut bien faire et on peut même pas, c’est insupportable !

Bref, encore une fois, comme je suis étrangère et que je suis seule, je ne pars pas sans handicap. Mais haut les cœurs, on y croit.

Je finis par trouver quelques endroits où je conviens… Je craque sur quelques chats…. Donc une superbe petite chatte grise que je me vois déjà appeler Lyanna (pour continuer sur ma lancée… Pour le nom de la chienne de ma maman, j’ai exigée de prendre une bâtarde pour l’appeler Snow, et ça perturbe tout le monde parce qu’elle est noire).
Je me vois déjà faire des câlins avec ma Lyanna Stark en me refaisant les 7 saisons de Game of Thrones et en chantant le générique à tue-tête.
Ma Lyannaaaaa !
Je contacte donc l’association qui organise des rencontres tous les dimanches.
Mais là, c’est le coup de grâce.

Nos paranos ne sont pas fous, et n’ont pas oublié le principal obstacle pour prendre un animal au Japon… SOIT QU’ILS SONT INTERDITS DANS QUASIMENT TOUS LES LOGEMENTS.

Ainsi, toutes les associations, quelles que soient leurs clauses en général, en auront une en commun, non négociable : fournir une copie du contrat de l’appartement, prouvant qu’il tolère les animaux.


I’m doomed.

Et c’est ainsi que, sur cette superbe clause, toutes mes chances d’adopter un animal via une association s’effrondre.
Pire, l’association que j’ai contactée – comme plusieurs autres sur Tokyo – me précise que non seulement je dois fournir une copie de mon bail pour prouver que les animaux ne sont pas interdits, mais aussi que c’est un membre de l’association qui viendra m’apporter la chatte en personne chez moi, visiter mon appartement et décider de valider définitivement ou non ma demande d’adoption.
Le truc super intrusif ! 

Le gusse vient visiter votre appartement et décide si votre animal sera heureux ou non.
Et s’il aime pas ma déco, il se passe quoi ?

Encore une fois je comprends parfaitement la bonne intention qui se cache derrière mais… Sérieux quoi…

Bref.
Comme de toute façon j’avais choisi la voie de la criminalité en prenant un appartement où les animaux ne sont pas tolérés, je pouvais éliminer direct l’option adoption en association.
Résultat de toutes ces recherches, non seulement je découvre que je ne suis pas éligible pour adopter, mais EN PLUS, je me rends compte que même de nombreux japonais finissent par abandonner.

En lisant de nombreux articles sur le sujet, j’ai découvert qu’à cause de ces conditions très strictes, les associations étaient surchargées et certaines d’entre elles ne pouvaient garder les animaux que 1 à 2 semaines avant de… Bah les euthanasier.
Avec toutes ces règles et conditions à la con, moins de 10% des animaux placés en association trouvent un foyer, et pour les 90% restant… Je vous laisse finir la fin de la phrase.

Après voilà, c’est mort pour moi, mais si quelqu’un passe par ici et est miraculeusement logé dans un appartement qui accepte les animaux, voici quelques détails en plus.
Adopter n’est pas gratuit, cela coûte en moyenne 15000 yens (un peu plus de 100 euros) pour leur rembourser les vaccins et les frais de dossier.
Parfois moins si le chat n’est pas vacciné, parfois plus si le chat a plus de 6 mois et qu’ils l’ont fait stériliser à leurs frais.
Bref, rien d’indécent ni d’anormal, on leur rembourse ce qu’ils ont déboursé pour l’animal.

Je vous laisse chercher les associations vous-même (il y en a dans a peu près chaque quartier) mais sinon il existe ce site, qui est une espèce de base de données de tous les animaux disponibles à l’adoption dans tout le pays et toutes les associations possibles : http://www.pet-home.jp/

Tiens, je vous conseille juste celui-là, situé dans le quartier de Nakano à Tokyo : Skuu.
Le concept était sympa car ils ont une partie « café », où on peut aller consommer une boisson et voir les animaux. Le côté café fait vivre l’association, et ça permet de passer un peu de temps avec les animaux avant de choisir celui avec lequel le feeling passe le mieux.
Et puis sur leur page d’accueil, il y a marqué LGBT Friendly et ça, ça fait plaisir.
Ça devrait être tellement normal qu’il ne devrait pas y avoir besoin de le préciser, mais le Japon a un sacré train de retard sur le sujet, donc c’est assez rare pour être souligné.

★Le beau monde de l’adoption à l’arrache

Bon, les animaleries, c’est mort.
Les associations, c’est mort.
Il ne me reste plus beaucoup d’options.

Je sais pour l’avoir vu sur certains forums que certains tournent dans les parcs et ramassent des chats errants car a priori, ce n’est pas ça qui manque au Japon.
Perso, je ne me voyais pas faire ça car dans le cas où c’est un chat adulte, certain sont entretenus par les passants et ne seraient pas forcément plus heureux d’être ramassé pour vivre en appartement, et pour les bébés, ils sont souvent tout petits dans des cartons et non sevrés.
Outre le côté très aléatoire d’aller courir les parcs dans le triste et cynique espoir de trouver un carton de chats abandonnés, je ne suis pas sûre que j’aurais les eu bons gestes ni que j’aurais supporté d’en prendre un et de laisser les autres et j’aurais certainement fini avec 6 bébés chats et ne pas savoir comment m’en occuper.

J’ai cherché sur des sites de particuliers à particuliers, mais ce n’était pas toujours très clair et j’avoue ne pas avoir tout saisi sur comment prendre en contact avec l’autre.
Sans compter que les gens ont tendance à ne vouloir garder les animaux que 2 ou 3 jours avant de les déposer en association et qu’ils ne sont pas forcément tous sur Tokyo, donc il faut avoir un peu de chance géographiquement parlant et aller vite.

Il y a aussi la possibilité d’aller voir les petites annonces dans les salles d’attente de vétérinaire, mais encore une fois, soit vous avez de la chance niveau timing, soit cela peut prendre plusieurs mois.

Finalement je teste sur un coup de tête les mots clés « adoption chaton » sur Twitter (子猫里親 ou子猫里親募集 ou encore 拡散希望 si vous ne précisez pas l’animal) et là, je tombe sur des centaines de tweets de Japonais essayant de refourguer leurs animaux au plus vite.
Parfois des chatons trouvés dans la rue mais la plupart du temps des portées non voulue… La plupart cherche des particuliers prêts à venir chercher l’animal avant qu’ils ne se sentent obligés d’aller les déposer en association (où je vous le rappelle, 90% finissent gazés… Donc quand on met un animal là-bas, faut essayer de rester optimiste pour se dire que l’animal trouvera une famille…).

Ironie : En réponse à la moitié de ces tweets, il y a des comptes d’associations qui viennent faire la police et engueuler les particuliers « ne refilez pas des animaux à n’importe qui, ils pourraient les abandonner ! Demandez le bail de l’appartement du candidat ! Ne donnez pas à une personne âgée ! Laissez-nous faire ! ».

Nan mais cassez-vous les rabat-joie avec vos règles discriminatoires et laissez les hors la loi du logement adopter tranquilles, merci.

Donc je continue mes recherches et fais le tri entre les comptes d’association et les personnes situées bien trop loin géographiquement.
Je me promets intérieurement de prendre le premier que je trouverai situé à une distance acceptable.
Ce ne sera certainement pas une jolie chatte grise du nom de Lyanna mais tant pis.
Après tout est-ce qu’il a le choix, lui ?
Non. Il m’aura moi, avec mes défauts et mes qualités, ma fâcheuse tendance à mettre de la musique à fond pour danser dans l’appartement et il sera obligé de faire avec.

Au bout de 2 3 jours à actualiser les recherches, je finis par tomber sur quelqu’un à Saitama (région au nord ouest de Tokyo), qui vient d’avoir un petite portée de deux chatons et ne peut se permettre de les garder.
Il compte les abandonner ou les mettre en association le plus rapidement possible, mais tente sa chance avec un tweet à la mer avant.

Les petits rats viennent de naître et ressemblent à ça :

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Un petit chaton blanc.
Je ne l’avais jamais imaginé tout blanc, mais ça y est, je me projette et l’aime déjà de tout mon cœur.
Un peu nerveuse, j’envoie un message à la personne, ayant peur qu’elle me refoule parce que je suis étrangère.
Que nenni, le mec n’en a rien à secouer. Il ne cherche même pas à poser des questions sur moi, il est pressé de trouver quelqu’un qui reprenne au moins un des chats et me demande mon LINE pour parler par messagerie.
On se présente et comme il a l’air pressé, très vite je lui demande quand il compte donner le chat.
Déjà je n’ai pas encore emménagé dans mon nouvel appartement, et surtout le chat est encore très jeune… !
Il me répond « Une fois qu’il aura appris à aller aux toilettes tout seul ! ».
Comme c’est mon premier chat, je ne sais pas trop quel âge ça représente mais j’approuve sur le fait qu’évidemment, maintenant c’est trop tôt.
Il m’explique où il habite (plus de 2h en train) et me demande si je pourrai me déplacer jusque là pour aller le chercher.
Finalement, il me propose de parler plutôt par téléphone pour aller plus vite.
Le mec m’appelle… Une façon de parler à la Yakuza à couper au couteau.
Tellement que pour la première fois depuis des années, j’ai du mal à comprendre ce qu’un Japonais me raconte.
Je comprends qu’il est plutôt jeune (la petite vingtaine), qu’il vit en colocation chez un de ses amis… Et qu’il est complètement à l’ouest.
Déjà, il me propose d’attendre une semaine ou deux avant de venir chercher le chat qui devrait être propre d’ici là.
Moi « Mais il n’aura que trois semaines ?! Le sevrage du lait se fait à 2 mois et le sevrage affectif se fait vers trois mois… »
Lui « Perso, j’ai toujours donné mes chats à 3 semaines ! »

…La mâchoire m’en tombe.

Ce n’est donc pas sa première fois. Il a une chatte, qu’il n’a pas fait opérer –je suppose par souci financier- et se contente de donner ou abandonner ses portées quand elle en a.
Direct, j’ai envie de me prendre la tête avec lui mais je ronge mon frein.
J’ai une sale tendance à être trop cash ces dernières années et ça me joue souvent des tours niveau côte de popularité.
Histoire de gagner 4 à 5 semaines, je lui dis que mon déménagement n’étant pas prévu avant un mois et que j’ai beaucoup de meubles à acheter et installer, il faudra attendre juillet.

Il me dit OK, me promet que j’aurai une photo des chatons tous les jours (en vrai j’ai galéré à en avoir une tous les 10 jours… Mais vu le personnage, c’est déjà pas mal ) et je raccroche.

Le jeune homme est donc dans mes contacts LINE et tous ses statuts et photos apparaissent dans mes notifications.
Du coup, je me retrouve très vite à connaître toute sa vie, car le jeune homme est virtuellement très bavard… C’est donc un host (un gigolo) d’une petite ville de Saitama, dépressif voire bipolaire, donc les statuts varient entre l’euphorie et la violence. Régulièrement, je vois des posts du genre : « Désolé pour tout ce que j’ai fait hier soir, j’étais vraiment bourré ! » ou « Bon je suis déchiré mais je prends la voiture quand même, peut-être à demain, peut-être à jamais ! » ou « J’étais bourré, j’ai pris la route à contre sens ! »… Sans parler des captures d’écran de ses sextos avec sa copine.
Il poste des selfies de lui, parfait cliché de la jeunesse perdue japonaise.
Cheveux coiffés en ananas peroxydé, bras plein de scarifications et de brûlures de cigarettes, langue fendue en deux… (Je vous épargne la fois où il a posté la photo du jour où il s’est fait fendre la langue avec la bouche en sang…)

Derrière mon écran, je commence sérieusement à me demander si mon chaton va bien et s’il va tenir le coup d’ici son sevrage.

J’essaie de prendre des nouvelles mais avec sa vie débridée, Langue Fourchue répond peu, et me donne finalement le LINE du « véritable propriétaire » des chats.
Comprenez par là, son colocataire, ou plutôt son pote qui le loge et le ramasse à la petite cuillère tous les deux soirs quand il est déchiré et en épisode dépressif.
Un garçon d’à peu près le même âge, un peu perdu lui aussi, mais largement plus responsable (on partait de très bas faut dire).
Il est ancien host et travaille maintenant sur les chantiers, et c’est lui qui loge les chats, l’autre host et parfois la copine du host pour leurs ébats rapportés en détails sur les réseaux sociaux.
Et comme nous aimons les blagues de (très) bon goût et qu’il loge tout le monde sans être très regardant, nous renommerons donc ce jeune homme Jawado pour cette histoire (oui avec un O, ça fait plus japonais).

Me remettre les coordonnées de Jawado est définitivement la meilleure idée qu’ait eu notre ami Langue Fourchue, car pas moins de 8 jours après, son Line ne répondait plus du tout et on apprenait dans les commentaires de ses publications qu’il s’était fait arrêter par la police et était en prison (d’où il n’est ressorti que 4 mois plus tard… Oui je connais toute la vie du mec car à force je finissais par m’inquiéter pour lui et checker sa page pour voir s’il était toujours vivant.).

Je reprends donc depuis le début avec Jawado qui m’appelle lui aussi pour reparler des détails.
Comme j’ai été la première à me manifester pour les chats et que je suis la plus « assidue », il me dit que je pourrai choisir entre les deux chatons celui que je préfère.
L’idéal serait de les rencontrer une première fois avant mais il est loin et nos emplois du temps ne s’accordent pas du tout.
Les deux sont tout blancs aux yeux bleus, les deux sont des mâles.

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Juste un des deux boite et a la queue cassée.
Sans hésiter, je décide de prendre celui-là.
Il était persuadé que j’allais décider de prendre l’autre et ne comprend pas mon choix. Justement Coco, s’il boîte et a la queue cassée, il a toutes les chances du monde que personne ne veuille de lui, c’est donc lui que je prends.

Il me dit que le chat est quasiment propre et que je peux venir le chercher quand je veux… Mais il n’a qu’un mois !
Comme je le sens un peu plus responsable que mon précédent interlocuteur, je décide de faire honneur à ma réputation de chieuse.
Je lui envoie des articles en japonais qui expliquent les conséquences si on sépare un petit chat trop tôt de sa mère. S’il ne peut pas le garder jusqu’à 3 mois tant pis, mais au moins attendre deux mois qu’il soit sevré du lait de sa maman (note : en France, c’est illégal de donner un chaton avant deux mois).
Je lui propose de payer si jamais les frais pour entretenir le chat d’ici là lui posent problème ou s’il a besoin d’aller au vétérinaire pour sa patte, voire de faire les déplacements pour le faire moi-même s’il faut, mais qu’il reste avec sa maman jusqu’au sevrage.

Il se laisse convaincre assez facilement (refuse l’argent) et décide donc d’attendre.

On fixe donc un âge de 9 semaines pour le petit chat, et pendant ce temps, moi j’emménage, transforme mon nouvel appartement en Disneyland pour chat et passe des heures à lire tous les sites et témoignages possibles pour être sûre de bien m’en occuper.

Je découvre au passage que les chats blancs sont recommandés contre la dépression (ça tombe bien !) mais aussi qu’ils ont une maladie congénitale qui font que la plupart sont sourds comme des pots.
Ah !
Si c’est un peu moins systématique pour les chats blancs aux yeux jaunes, les chats blancs aux yeux bleus ont plus d’une chance sur deux d’être complètement sourds.
Ni une ni deux, je complète mes recherches pour savoir comment m’occuper d’un chat sourd.
Je découvre aussi que les chats blancs sont sensibles au cancer de la peau et qu’il faut donc éviter des expositions prolongées au soleil.
Comme ce sera un chat d’appartement, a priori pas de problème, mais c’est toujours bon à savoir.

Et puis aussi, je me prends la tête sur son prénom.
C’est un mâle, donc adieu ma Lyanna.
Je peux toujours l’appeler Rhaegar, mais la série m’a tué le personnage avec son apparition dans la saison 7 où il apparaît avec le recyclage de la perruque dégueulasse de Viserys sur le crâne.
(Rhaegar était censé être THE beau gosse irrésistible de l’histoire, comment avez-vous pu lui faire ça D&D ? Comment ?! Je ne vous pardonnerai jamais).

Evidemment, en tant que fan de Sailor Moon, avec un chat blanc le premier nom qui me vient à l’esprit c’est Artémis.
Mais combien de chats blancs s’appellent déjà comme ça ?
Je veux que mon chatounet soit un peu unique, et puis surtout j’ai un problème avec mes animaux, il faut toujours qu’ils aient un nom sorti de Game of Thrones.

Ma chienne est une Snow, mon chat est blanc, il ne peut donc être que Targaryen.
Puis finalement j’ai l’illumination.
Il s’appellera Balerion.
Balerion, un des trois dragons d’Aegon le Conquérant lorsqu’il est parti à la conquête de Westeros. Le plus gros, le plus fort, le plus féroce.
Il est censé être noir, puisqu’il a été renommé La Terreur Noire, mais on s’en fiche. La Terreur Blanche, ça envoie du bois aussi. 
(Oui, vous m’avez complètement perdue dans mon délire de fangirl, je suis désolée. Je vais revenir à moi bientôt).


(Moi quand on se met à parler des bouquins de Game of Thrones)

…Voilà, je suis calmée.

Le nom est prêt, la litière, l’arbre à chat, les jouets et les cartons avec des vieux gilets à moi dedans aussi.
Je suis prête à transformer le petit boiteux en souverain de mon royaume.
Ça fait des semaines que je ne pense qu’à ça.
On est le dernier jeudi de juillet, et je peux enfin aller chercher mon chaton.

Que du bonheur !

La ville où je dois aller chercher notre futur Roi est située à plus de deux heures en train, mais à peine 1h10 en voiture via l’autoroute.
Mon meilleur ami et futur parrain du Roi conduit et se propose de louer une voiture pour aller le chercher en famille.
C’est donc ce que je fais, je loue la voiture et on part à trois, excités comme des puces (et avec un bon mal des transports pour moi) chercher mon petit bébé après le travail.

Jawado ne souhaite pas que je sache où il habite et me donne rendez-vous sur un parking de combini.
Il arrive en tong et pyjama, les deux chats terrifiés dans un panier de supermarché et me demande de choisir.
Les deux chats me regardent en miaulant à la mort et je me sens coupable de les séparer. Mais en prendre deux devient plus difficile à gérer au long terme pour moi (notamment pour quitter le Japon un jour) et apparemment l’autre a trouvé preneur aussi (enfin… quelqu’un qui refusait de venir le chercher si on lui payait pas le transport jusqu’à la ville en question, donc ça me paraissait mal parti mais bon), donc il n’y aura qu’un seul Roi pour moi.

Les deux sont quasiment identiques, mais je repère l’un des deux à peine plus chétif et à la queue tordue.
C’est lui.

Balerion Miyavi de Cheshire, dit Balerion la Terreur Blanche.
Souverain de mon Cœur.
Roi des Andals, Rhoynar et des Premiers Chats.
Seigneur des sept Arbres à Chats et Protecteur du Royaume.
L’Immaculé, Chasseur de cafards.
Briseur de Vaisselle et Rongeur de Câbles.

Rassurez-vous, le Roi est resté quelqu’un de simple malgré tout et tolère qu’on l’appelle tout simplement « Chat-Chat ».

On repart en voiture avec notre petit Roi miaulant tout azymut dans son panier, et je tente de le calmer en lui parlant tout doucement et en lui faisant sentir mon odeur pendant le trajet.

On me dépose, et je rentre seule avec mon Roi pendant que le parrain va rendre la voiture à l’agence (j’ai des amis merveilleux, soit dit en passant).

Je dépose le panier au centre de la pièce et l’ouvre, pour le laisser sortir à son rythme.

Mais le petit bébé est terrifié et refuse de sortir… Au bout de 30 minutes, il s’endort même en m’observant.

Finalement, je décide de l’avoir par le jeu et sors son premier jouet. Le caractère joueur du Roi est déjà bien affirmé et il n’hésite plus à sortir du panier.

Victoire !
Après ça, j’ai essayé de ne pas le brusquer et le laisser apprivoiser les lieux à son rythme.
Il a passé quasiment 24h caché dans le rideau…

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Puis très vite les rideaux, il leur a trouvé un tout autre intérêt…

Puis finalement à force de jouer, il a commencé à se rapprocher de moi, jusqu’à venir dormir entre mes jambes…

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Et à partir de là, il est devenu mon plus grand pot de colle au monde.

IMG_2608(Oui, c’est bien un T-shirt du Chat de Cheshire que je porte…)

Dès que je l’ai senti assez à l’aise, je l’ai emmené chez un vétérinaire pour vérifier que tout allait bien, notamment sa patte.
Il ne boitait quasiment plus, marchait juste un peu de travers quand il courait.
Mais au bout d’une semaine ou deux, ça avait complètement disparu, et très vite, c’est devenu un gros chat athlète qui a zéro problème de santé (et qui n’est pas sourd !).

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D’ailleurs, conseil d’amie, si vous avez un chat au Japon, ne tardez pas pour le faire assurer car encore une fois, les animaux sont un business ici, et les vétérinaires se touchent complètement sur les frais de consultation.
Vaccins et castration mis à part, je ne suis allée consulter qu’une seule fois, car le Roi avait décidé de bouffer des bouts de pulls et les avait vomi, et je n’avais aucune idée de si ça pouvait être grave ou non.
Rien que pour faire vérifier si tout allait bien, on m’a fait poireauter 2h car il y avait du monde, et j’ai payé 200 euros juste pour qu’on me dise que « Oui, ça va. »
Ça calme un peu.
Pour peu que votre chat ait un vrai problème un jour, ça partira vite dans des sommes astronomiques, donc l’assurance est vivement recommandée.

A part cette histoire de pull bouffé une fois qui finalement n’était pas grave car il l’a vomi, je n’ai jamais eu de souci jusqu’à présent avec mon chat.
Il a un caractère extrêmement sociable, et même la fois où ils l’ont pris 24h pour faire sa castration, le staff de la clinique animalière m’a dit que c’était le chat le plus gentil et affectueux qu’ils avaient jamais eu en garde et que tout le monde en était gaga.


(Maman fière).

Très vite, les tontons et les tatas défilent pour prêter allégeance au Roi.

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C’est un chat très curieux, très sociable, très câlin et qui a une demande d’attention CONSTANTE.
Le mythe du chat indépendant qui t’ignore sauf quand il veut ses croquettes, je ne connais pas.
Et puis surtout, l’histoire de jouer 15 minutes avec lui par jour, c’est du pipeau ! Le Roi est insatiable.
Je peux jouer plus de deux heures, je vais fatiguer avant lui. Dès que je m’arrête, il me croque déjà les orteils pour réclamer plus.
Au point que j’ai fini par lui acheter plein de jouets à piles qui bougent tout seul et l’occupent quand je dois travailler ou cuisiner pour avoir la paix.

Le bon point, c’est qu’il est joueur… Et c’est un chasseur !
Donc il traque le MOINDRE insecte chez moi.
J’ai eu un seul cafard en un an, Balerion avait a peine 3 mois, je l’ai lâchement enfermé dans la pièce avec l’indésirable (en criant « sauve moi chat-chaaaaat » comme une hystérique en pleurant)… et il l’a défoncé. Depuis je n’en ai pas revu l’odieuse couleur luisante de ces envahisseurs chez moi alors que j’en vois plein l’immeuble.
Et rien que pour ça, je fais des recherches sur youtube pour lui fabriquer de mes mimines son véritable trône de fer (parce que 230 dollars sur Etsy, ça fait mal aux fesses, quand même) et lui offrir le trône de Protecteur du Royaume qu’il a bien mérité.

Après, concrètement, il me ruine mes chaussettes :

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M’empêche de bosser

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De dessiner

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De jouer à la playstation

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De regarder un film

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De ranger mes fringues

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Et il a dû me mordiller pour jouer ou s’asseoir sur le clavier au moins 20 fois depuis que j’ai commencé cet interminable article et vous écrire n’importe quoi avec ses royales fesses.

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Mais il est la meilleure décision (voire la seule bonne) que j’ai prise depuis 3 ans.
Même quand je n’arrive pas à dormir la nuit parce qu’il danse la zumba dans mes pyjama ou qu’il vient sauter sur le plan de cuisine et me foutre ses poils dans mes salades, même quand je me tape une crise d’allergie que les médocs ont du mal à calmer… Mon chat, c’est que du bonheur.

Il sait quand ça va pas, il sait aussi quand ça va et qu’il peut se permettre d’être chiant.
Il vient se blottir contre moi la nuit.
Vient me lécher le bout du nez 30 fois par jour.
Court me rejoindre à la porte quand il m’entend rentrer à la maison.
C’est inestimable.

Avant de l’avoir, rentrer chez moi m’angoissait tellement que je restais bosser dans des cafés jusqu’à la fermeture et ne rentrais pas avant 23h ou minuit pour éviter de retrouver le silence de mon appart.
Je n’arrivais plus à lire ou même regarder un film car j’étouffais à cause de ce sentiment oppressant de vide et d’absence.
Aujourd’hui, ce sentiment a été divisé par 100 et pour la première fois depuis des années, j’arrive à rester chez moi et ne rien faire si je suis fatiguée, plutôt que de m’épuiser au reste en courant d’un bout à l’autre de la ville pour faire quelque chose et combler le vide.

Je ne sais pas si j’arrive à lui apporter autant qu’il m’apporte, mais je crois qu’il n’est pas malheureux avec moi et c’est déjà ça.
Notons que Jawado n’était pas un si mauvais bougre car il vient de temps en temps me demander des nouvelles du Roi et s’extasier sur sa beauté.
Mais ça, qui ne le ferait pas ?

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Ensemble pour toujours

Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en Enfer.

Quand j’ai pris mon chat, plusieurs personnes m’ont dit « Ben te voilà consignée au Japon pour au moins 15 ans alors ! ».
Non.
Quand je suis revenue au Japon, je savais d’avance que ce serait temporaire et pour pas plus de 3 à 5 ans, sauf si vraiment je trouvais le bonheur et la félicité qui me donneraient envie d’y finir mes jours (spoiler : non).
Donc en prenant un chat, je savais que la question « Comment le ramener en France avec moi ? » allait finir par se poser au bout d’un moment.
Car évidemment, je me suis engagée à vie avec ce petit être. Je me suis portée volontaire pour être responsable de sa vie, je ne vais pas m’en débarrasser une fois que j’en aurai ma claque et que je voudrai quitter le pays.
Je me suis donc renseignée avant de prendre la décision, et on m’a rassurée en me disant que du Japon à la France c’était le plus simple (manifestement beaucoup plus compliqué de la France au Japon…) et pas trop contraignant.

En fait, sur le papier, non en effet, ce n’est pas compliqué.
Il suffit :
-D’avoir pucé son chat.
-D’avoir tous les vaccins à jour, dont le vaccin contre la rage.
-D’avoir un certificat attestant qu’il est en bonne santé.

En demandant, on m’a répondu qu’Air France prenait les chats et les chiens sans problème pour 150 à 200 euros en supplément du billet, à condition qu’il soit en règle et qu’on fournisse la cage.
D’autres compagnies acceptent certainement les chats, mais je ne me suis renseignée que chez Air France puisque j’ai un compte avec mes miles chez eux, et que je n’ai pas envie d’imposer un transit et rallonger le voyage au chat en prenant une compagnie moins chère.

Après dans les faits, c’est quand même un peu plus prise de tête que sur le papier, car si les trois conditions ne sont pas compliquées, il n’y a AUCUNE explication détaillée nulle part sur comment les appliquer correctement.

J’ai donc fait ma petite enquête pour vous (et surtout pour moi) avec la liste de tous les liens (Ambassade, Air France, Aéroport, service de quarantaine de l’aéroport) en bas de l’article.
Donc cette partie de l’article risque d’ennuyer la plupart des lecteurs, mais gagner un maximum de temps aux gens concernés qui veulent ramener leur chat –ou leur chien – du Japon.

★La puce

Faire pucer son animal est extrêmement simple. On prend rendez-vous, on le puce, on paye 5000 yens environ et basta.
Sauf qu’en fait, il faut quand même faire attention, car il y a plusieurs type de puce !
Et par exemple, mon vétérinaire n’utilise que des puces utilisées au niveau national, alors qu’il est précisé sur le site de l’ambassade de France et ailleurs, qu’il faut une puce qui soit conforme à la norme ISO11784.
Et ça, mon vétérinaire, il avait pas.
Donc même si votre animal est déjà pucé, renseignez vous sur le type de puce et assurez vous qu’elle répond bien à la norme internationale, et pas seulement japonaise.

★Les vaccins à jour

Ça aussi, c’est facile. On va chez le véto, on prend rendez-vous, on fait les vaccins ou les rappels, et c’est fini.
Sauf que ça aussi il y a des conditions.
Déjà, si vous n’avez jamais vacciné votre chat, il faut savoir que certains vaccins se font en deux fois, avec un délai de deux à quatre semaines entre les deux injections.
Aussi, le site de l’ambassade précise bien que le vaccin contre la rage est obligatoire et qu’il doit être fait minimum 30 jours avant le départ.
Le vaccin contre la rage se fait en deux fois, avec un délai de deux semaines entre les deux piqûres.
Donc pour être sûr de ne pas vous faire bananer, ne faites pas tout à la dernière minute et inquiétez vous des vaccins au moins deux mois à l’avance pour être tranquille.

★Le certificat de santé

OK, mais qui le fait ce foutu certificat ?
Ça, ça a été la grande question, surtout que le formulaire à remplir téléchargeable sur le site de l’ambassade était entièrement en Français, donc autant dire que votre véto japonais fera un peu la gueule au moment de le remplir.
En demandant, il s’avère que c’est le service de quarantaine de l’aéroport du départ qui s’occupera de faire la visite médicale avant le départ et vous remettra le papier à donner à Air France.
J’appelle donc le service de quarantaine… Qui ne prend le rendez-vous qu’une fois qu’on lui a faxé un formulaire de santé (écrit en japonais et en anglais) au préalablement rempli par vous et votre vétérinaire.
Raaaah !
Tout le monde se renvoie la balle, c’est insupportable.

★Le billet d’avion

Donc a priori ça aussi c’est tout simple, mais quand on achète le billet d’avion, c’est indiqué NULLE PART où est-ce qu’on doit déclarer son animal et combien ça coûte.
Il y a bien une page sur le site d’Air France qui indique les conditions d’admission et les animaux interdits (par exemple, les chiens ou chat à nez retroussé sont interdits… Donc si vous avez misé sur un chien boxer, vous restez au sol) mais elle ne dit pas où se fait la réservation.
Pendant la réservation non plus, rien n’indique où déclarer son chat.
Je décide donc d’appeler le bureau d’Air France à Narita pour demander conseil : Ah bah coup de bol, la déclaration du chat se fait justement par téléphone.
Donc préparez votre numéro de réservation, les dimensions et le poids de la cage, la race et le poids de votre chat car ils vous le demanderont tout de suite au téléphone pour valider la réservation.
Ensuite, vous finissez toutes vos démarches, vous arrivez le jour J avec votre chat et vos papiers, ils vérifient que tout est en règle et vous payez à ce moment là.
Combien ? Le mystère reste entier à ce jour, je ne sais pas si le prix varie selon le poids ou non, donc surprise jusqu’au départ, mais a priori ce n’est pas plus de 200 euros.

ATTENTION : Avec Air France, il est formellement interdit de faire voyager son chat sous calmants. La raison invoquée est que cela peut rendre le chat malade et, dans le pire des cas, lui provoquer une crise cardiaque ou qu’il s’étouffe dans son vomi (j’avais lu d’ailleurs le témoignage d’une demoiselle qui avait voyagé je ne sais plus où avec un chat sous calmants et l’avait retrouvé dans sa cage couvert de vomi…).
Donc chaton devra prendre son mal en patience avec tous ses sens en éveil.

★La Cage

Encore une fois, il ne s’agit pas de prendre la première cage qui vient, vendue en magasin.
Elle doit répondre à certaines normes pour résister à un voyage –longue durée dans ce cas – en avion.
Dans le doute, je pensais acheter la mienne directement chez Air France… jusqu’à voir les prix.
110 euros pour la cage la plus petite et… 158 euros de frais de port ! AH HA HA HA.
Non mais allez bien vous faire foutre.
Perdue, on me conseille de chercher sur Amazon Japan où je retrouve exactement les mêmes pour moins de 50 euros avec frais de port gratuits…
Notez que ces cages dures sont lourdes, et pèsent pour les plus petites entre 3,5 et 5 kilos.
Si vous voulez que votre chat voyage en cabine avec vous, il ne faut pas que le tout dépasse plus de 7kg, ce qui veut dire que si vous avez un chat adulte qui dépasse 3kg, ça me paraît difficile, à moins de trouver une cage répondant aux normes relativement légère.
Dans la plupart des cas, il devra donc voyager en soute.
Ce qui fait peur et rend triste, on préfère avoir son bébé avec soi… Mais je me demande aussi si ce n’est pas plus mal ?
Apparemment, l’animal est dans un espace isolé et chauffé, peut-être mieux qu’en cabine avec 350 personnes qui se baladent dans un espace très restreint et des bébés qui pleurent ?
Je ne me rends pas bien compte, mais je pense que cabine ou soute, les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Voilà, je récapitule les démarches à faire dans l’ordre : 

1 – Vous avez un chat de minimum 3 mois
2 – Deux mois avant le départ (pour être tranquille), vous allez chez le vétérinaire le mettre à jour dans ses vaccins, et faire le vaccin contre la rage (狂犬病ワクチン, kyōkenbyō wakuchin).
3 – Vous le faites pucer avec une puce répondant à la norme ISO11784 (une puce c’est マイクロチップ maikuro chippu).
4 – Vous prenez vos billets d’avion
5 – Vous appelez Air France pour déclarer que vous aurez un chat avec vous.
6 – Vous achetez votre cage dure pour le vol.
7 – Vous téléchargez sur le site de la Quarantaine de l’aéroport les formulaires de santé à faire remplir (par vous et le véto) pour le chat.
8 – Une fois fait, vous faxez au service de quarantaine les papiers pour prendre rendez-vous (minimum une semaine à l’avance, mais plus tôt c’est, mieux c’est.).
9 – Le jour J, vous allez à votre rendez vous avec le service animalier de l’aéroport pour faire la visite médicale et obtenir l’autorisation de monter dans l’avion.
10 – Vous allez à l’embarquement Air France comme d’habitude, donnez tous les papiers et votre chat.
11 – Vous passez 12 heures de vol à vous demander s’il va bien et culpabiliser de lui infliger un truc pareil.
12 – Vous récupérez votre animal aux « Bagages Spéciaux », à la sortie de Charles de Gaulle après avoir récupéré vos valises, juste avant la Douane.

En France, il n’y a pas de quarantaine à l’arrivée du Japon, donc vous pouvez récupérer votre animal sans attendre et partir directement avec lui sans démarche supplémentaire. Youpi.

Attention : Tout ce que je vous raconte, c’est valable pour un trajet Japon – France !
Mais les conditions sont pas les mêmes d’un pays de départ à un autre, d’une destination à une autre.
Tentez de faire France – Australie, et vous allez bien plus galérer, croyez-moi.
Donc ne suivez ce petit guide que si vous faites bien du Japon – France.
Je ne sais pas comment ça se passe pour France – Japon, je sais que c’est plus compliqué, et je sais aussi que plusieurs personnes dans mon entourage l’ont fait.
Si vous avez tout lu ce pavé et que vous avez 5 minutes en plus à donner pour les autres, vous êtes bienvenus pour témoigner sur comment faire le trajet inverse en commentaires.

Voilà, je pense avoir tout dit.
Personnellement, je n’ai trouvé des démarches précises et complètes nulle part, donc j’espère que si des personnes concernées passent sur ces longues pages, ce petit guide les aura aidées.
Après, comme je suis encore au Japon avec mon Roi, je n’ai pas fait l’expérience jusqu’au bout et peut-être qu’il manque des éléments, mais encore une fois, les plus expérimentés sont bienvenus pour me corriger.

Bref, vous voilà incollables sur comment ramener son bébé du pays du soleil levant.

J’espère que ce petit guide du chat-ponais aura un peu éclairé les lanternes de personnes qui ont un chat ici où se posent la question d’en adopter un ou non.
Si au contraire vous avez lu tout ça alors que vous n’en aviez rien à secouer, je vous demande pardon en postant cette dernière photo en compensation…

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Longue vie au Roi !

LIENS UTILES

◼︎ Le plus utile de tous : L’instagram du Roi Balerion

◼︎ Qu’est-ce que la dévocalisation et ses risques ? (en français)

◼︎ Le Pet Business au Japon (en français)

◼︎ Le sort des animaux invendus en pet shop (en japonais)

◼︎ L’Euthanasie des chats au Japon (en japonais)

◼︎ Fait divers de l’animalerie à Tochigi (en japonais)

◼︎ Pourquoi les chats blancs sont-ils sourds ? (en français)

◼︎ Entrer en France avec un animal provenant du Japon (Site Ambassade de France)

◼︎ Voyager avec son chien ou son chat avec Air France

◼︎ Conditions d’acceptation d’un chat ou d’un chien sur Air France

◼︎ Démarche avec le Service de Quarantaine de l’Aéroport au Japon

Les MICI ? Non, mici.

      18 commentaires sur Les MICI ? Non, mici.

Un blog catégorie « drôle » écrit à 85% était censé pointer son nez sur ces pages bien avant cet article, qui lui sera un peu moins rigolo.
Mais tant pis, car je voulais poster celui-là le 19 mai.

Le 19 mai, c’est la journée mondiale des MICI.
Et comme je mettrais ma main au feu grégeois que les trois quarts de mes lecteurs penseront « les quoi ? », je me dis qu’un petit article ne pourrait pas faire de mal.
Je préviendrai avant de commencer que je ne serai certainement pas à la pointe des dernières découvertes puisque je ne me tiens pas vraiment au courant, que je ne suis dans aucune association, et que je vis un peu mon quotidien comme si ça ne me concernait pas…
Mon témoignage vaut ce qu’il vaut, mais s’il peut vous apprendre deux trois choses sur le sujet, ou aider des personnes concernées d’une quelconque manière, alors c’est toujours ça.

Les MICI c’est quoi ?

Que de suspense, n’est-ce pas ? Vous brûlez maintenant d’envie – ou pas – de tout savoir sur le sujet.
Alors, les MICI, ce sont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, qui regroupent deux maladies cousines, la maladie de Crohn (la plus connue des deux et dont vous avez sûrement entendu parler) et la recto-colite hémorragique (bon appétit).

Comme la plupart des gens, je n’avais pas entendu parler de ces maladies jusqu’à l’âge adulte.
Par contre, même si ça ne me concernait pas du tout, je me souviens comme si c’était hier de la première fois dont on m’en a parlé.

J’avais 20 ans, et comme tous les soirs à l’époque, une fois ma journée de cours terminée, je rentrais chez moi, allumais mon ordinateur, me connectais à MSN Messenger pour parler avec mes amis virtuels rencontrés sur des forums divers des vraies choses de la vie : Sailor Moon, Disney, le Seigneur des Anneaux et Harry Potter.
Remplacez le Seigneur des Anneaux par Game of Thrones, et vous obtiendrez plus ou moins le contenu de mes conversations plus de 10 ans plus tard… Je suis quelqu’un qui sait évoluer, que voulez-vous.

Ce soir-là, je parle avec une amie qui ne se sent pas bien et qui est en pleine crise de panique.
Depuis des semaines (des mois ?), elle a des douleurs abdominales violentes inexpliquées qui lui pourrissent la vie.
Après de nombreuses recherches et erreurs de diagnostique, ils ont finalement décidé de lui faire passer une coloscopie pour vérifier si ce n’est pas la maladie de Crohn.
Elle est terrorisée que ce soit le cas.
Elle me raconte alors que la maladie de Crohn est une maladie inflammatoire de l’intestin qui provoque des douleurs intestinales insupportables et des diarrhées incontrôlables qui peuvent s’éterniser sur des semaines ou des mois.
Qu’au long terme, si on a pas de chance, l’inflammation peut s’étendre aux articulations, se transformer en cancer du colon, en découpe de l’intestin, retrait du colon et/ou du rectum et finir à vivre sa vie avec une poche pour récupérer les selles et les gaz.
Elle me raconte son histoire de boucher et son angoisse de ne pas vivre une vie normale, et je suis horrifiée sur ma chaise.
J’ai peur pour elle, je me demande si elle devra réellement vivre comme ça toute sa vie, je n’ai pas les mots.

Quelques temps plus tard, elle a les résultats de ses examens.
Pas de MICI pour elle, tout va bien.
Je pousse un soupir de soulagement, sans me douter une seconde que deux ans plus tard, c’est à moi qu’on va diagnostiquer cette merde. 

Le début des réjouissances

Attention, comme mon blog sur les TCA, j’ai pas l’intention de vous enjoliver l’histoire. Donc si y’a des âmes sensibles des histoires de pipi-caca, je peux vous rediriger sur des pages plus légères et rigolotes de ce blog (comme ici).

La première diarrhée dont je garde un souvenir mémorable remonte à la première semaine de juillet 2004.
Je peux vous le dire aussi précisément parce que c’était la fête du cinéma, et qu’à l’époque c’était mon événement culturel préféré.
Je le faisais tous les ans seule, car mon trip, c’était de faire tous les films que j’avais pas pu voir pendant toute l’année et de me faire un gros marathon cinéma pendant 3 jours, à un rythme et un volume que peu étaient capables de suivre.
Regarder le programme des cinémas, créer mon petit emploi du temps, remplir le petit carnet fourni par les cinémas en écrivant le titre des films que j’avais vus et rédiger mon avis. J’attendais ce moment avec impatience à chaque début de l’été, surtout que je ne sais pas trop aujourd’hui vu que cela fait trop d’années que je ne vis plus en France et que tout augmente, mais à l’époque les séances étaient vraiment données pendant l’événement.

En général, je m’arrangeais pour aller aux cinémas du centre ville qui étaient desservis par les transports en commun, mais cette année-là, dans le cinéma en dehors de la ville –accessible qu’en voiture à l’époque- ils passaient une pépite –que dis-je, un chef-d’œuvre ! – que je REFUSAIS de rater…
Je parle bien entendu de Dirty Dancing 2.

Ouais ouais, c’est ça, riez !

Mais Dirty Dancing reste un classique pour ma génération, et le 2 se passe à Cuba avec de la salsa (oui, j’avais déjà un faible) avec des beaux garçons (qui ne ressemblent pas du tout à des cubains, mais c’est un autre débat…) qui bougent bien leur bassin et il s’inspire en plus d’une histoire vraie, donc ce choix était tout à fait justifié.

Bref, je rappelle qu’on est en 2004, le haut débit commence à peine à se démocratiser, Netflix n’existe pas et trouver des petits films de ce type, c’est pas toujours aisé.
Donc je n’avais pas d’autre choix que de faire chier ma mère pour qu’elle me dépose en voiture à ce cinéma, m’y laisse la journée pour que j’assouvisse mes plus bas instincts de midinette qui apprécie les navets et repasse me chercher en fin de journée.

Sauf qu’en plein film… Je me sens mal.

Des crampes au ventre insupportable. Je serre les dents, commence à transpirer… Même les beaux yeux du ténébreux Javier à l’écran (je parle pas du glandu de Koh Lanta et de son faux collier) n’arrivent pas à me détourner de mes intestins qui semblent participer eux aussi à la révolution cubaine.
Et je vous interdis les réflexions de type « c’est parce que le film est à chier », la vanne est bien trop facile et vous valez beaucoup mieux que ça.
Respectez-vous s’il vous plaît.

Bref, je suis obligée de quitter La Havane en trombe pour me précipiter dans les toilettes du cinéma où je me vide littéralement.
Je ne comprends pas d’où vient cette diarrhée. Je ne me sens pas malade.
Peut-être la chaleur ?
Se taper une tourista à Besançon, c’est quand même triste.

Quand je commence à me sentir mieux, je retourne me poser devant mon film, espérant que les danses et les rythmes cubains me feront oublier ce drôle d’épisode.
Je parviens à terminer le film, mais dois retourner aux toilettes juste après.
Je me sens tellement mal que je renonce à aller voir un second film et reste dans le café du cinéma à attendre que ça passe.

Quand on revient me chercher et qu’on me demande comment était ma journée, je réponds que j’ai eu une diarrhée inexpliquée qui m’a pourri la journée, mais on ne cherche pas plus loin.
Peut être la chaleur, peut-être un truc que j’ai mangé.

En septembre, je pars m’installer à Lyon pour entrer en fac de Japonais. Il m’arrive de temps en temps d’être reprise de diarrhée, je me souviens notamment d’une fois où je devais rentrer à Besançon un week-end et que j’ai finalement pris le train d’après car je me sentais mal.
A chaque fois, je ne m’en formalise pas, car c’est très ponctuel et il se passe des semaines (des mois ?) entre chaque.

C’est peut-être la gastro, c’est peut-être la bouffe, c’est peut-être Chirac Président, que sais-je.

Le fait est que, ça m’handicape sur le moment, mais après je reste tranquille et en forme suffisamment longtemps pour que je ne cherche pas plus loin.

En décembre, après une disparition de quelques jours, on retrouve ma tante décédée.
Si je ne l’exprime pas ouvertement autour de moi, je le vis très mal.
D’autant que l’enterrement aura lieu au moment de mes premiers partiels. Rentrer à Besançon me ferait en manquer plusieurs.
En France, sauf si ça a changé depuis, un décès ou une maladie ne change rien, une absence à un partiel, c’est être défaillant et un 0.

Je pourrais rentrer quand même et repasser des rattrapages en juin, mais à l’époque je ne sais pas si ça peut avoir des conséquences sur mes bourses, sur mon dossier (moi qui veut faire partie des sélectionnés pour être envoyée au Japon) et on me conseille de rester à Lyon passer mes examens tranquillement, que de toute façon je ne peux plus rien faire pour elle.

Je prends cette décision de rester pour terminer mes examens et ne pas aller à l’enterrement, mais je suis rongée par la culpabilité.
Je n’arrive pas à dormir, je n’ai pas envie de parler aux gens et passe mes soirées à jouer à Kingdom Hearts, en attendant que le temps passe et que les vacances viennent pour que je puisse rentrer chez moi.

C’est à ce moment-là que les diarrhées reprennent. Petit à petit, mais elles s’installent dans la durée, de plus en plus violentes.

On m’a souvent dit qu’un choc émotionnel ou un stress pouvaient être le facteur déclencheur. Je suppose que dans mon cas, ça a été cet épisode de ma vie.
Même si cela a pris encore quelques semaines avant que je m’inquiète réellement.

Les fêtes de fin d’années passent, je continue d’avoir des crampes aux ventres et des envies pressantes, mais encore une fois, je pense à la gastro…

C’est la saison, puis en plus on mange mal pendant les fêtes, c’est normal de se sentir barbouillé.
Je vais chez le médecin, mais à chaque fois, verdict qui n’a rien d’alarmant.

La diarrhée, ça arrive tout le temps, après tout.

Diagnostique

Arrive février.
J’ai toujours la diarrhée, maintenant tous les jours. Cela fait bientôt deux mois que ça dure.

Parfois, les douleurs sont tellement fortes, qu’elles me provoquent des nausées et je vomis en même temps. Je dois aller aux toilettes avec des sacs plastiques car ça part des deux côtés.
Je suis de plus en plus fatiguée, cette fois c’est trop long et trop fort pour que ce soit une simple gastro.
Je rentre à Besançon, et me réveille un matin le cou bloqué.

J’ai certainement dormi dans une mauvaise position mais ça commence à faire beaucoup de symptômes bizarres.
Je retourne une énième fois chez le médecin.
J’explique que mes diarrhées, non seulement ne sont pas passées, mais en plus de s’éterniser depuis des semaines, sont devenues tellement violentes que la douleur me provoque des vomissements. Que je dors peu, que je suis fatiguée, et que j’ai fini par me bloquer le cou.

Vomissements, raideur du cou… Et manque de bol, il y a eu des cas de méningite dans le coin quelques temps plus tôt.
Même si le reste de mes symptômes ne correspondent pas, on m’envoie aux urgences.

Ah, les urgences !

Cet endroit merveilleux où on vous fait attendre tellement longtemps en vous ignorant, qu’on finit par se demander si on ne vous a pas oublié dans un espace-temps parallèle et si vous n’allez par ressortir de cet enfer en l’an 2280.
Mon avantage, c’est que comme je suis potentiellement contagieuse, on me fout dans un lit en quarantaine. La VIP du CHU en quelque sorte.

Au bout d’un moment, on m’annonce la bonne nouvelle : je vais avoir droit à une ponction lombaire !
J’ai bien fait de venir, dites.
Allez c’est parti, anesthésie locale et aiguille de 10 cm dans le dos.
Ce n’est pas très douloureux mais extrêmement désagréable, et la sensation perdure longtemps après.
Les résultats viennent assez vite : point de méningite.
« En même temps, vous aviez pas vraiment tous les symptômes, la diarrhée ça n’a rien à voir. »
Oui bah je sais, c’est pas moi qui ai décidé de venir ici me faire charcuter le dos par plaisir.

Après une ponction lombaire, le patient est censé rester en position allongé pendant 6h afin d’assurer l’obturation de la brèche méningée provoquée par l’examen et éviter d’autres effets secondaires pas top.
Mais moi, je n’ai pas de méningite. Mon statut vient de passer de VIP à indésirable, et ça fait à peine une demi-heure, qu’on me demande de prendre mes cliques et claques et laisser la place aux vraies urgences.
Ma mère est soufflée qu’on me mette dehors alors que je peux à peine marcher, mais le verdict est tombé : cassez-vous.
Mode Mère-Courage, elle soutient sa fille plus grande qu’elle de plus de 20cm, clopin-clopant jusqu’à la voiture.
On rentre, et je reste couchée dans mon lit, un peu au bout du rouleau.

Je viens de passer une journée abominable, je me sens mal physiquement, un peu moins que rien psychologiquement, et je sais toujours pas ce que j’ai.

Je reprends les cours, les diarrhées continuent. Elles sont particulièrement fortes le matin et la nuit, avec une accalmie inexpliquée dans l’après-midi dont je profite autant que je peux.
Puis très vite, vient un petit plus : mes selles deviennent rouges.
Elles sont pleines de sang.

Autant j’ai tendance à ne pas beaucoup m’inquiéter pour moi-même, autant chier du sang, je vous le dis tout de suite, ça fait un drôle d’effet.
J’annonce cette évolution à ma mère qui évidemment se ronge les sangs (sans jeu de mots).

Cette fois, on prend mes histoires de caca au sérieux, on m’envoie faire des analyses plus poussées.
Les analyses sont marrantes : je dois leur donner un échantillon de mes selles.
Alors déjà quand tu fais des analyses d’urine, pisser dans un gobelet demande tout un art de maîtrise de soi et de dextérité…
Mais quand tu dois le faire pour la grosse commission, je vous laisse imaginer l’exercice.
Dans ma tête, c’est le branle-bas de combat pour trouver une technique safe de récupérer le paquet sans s’en mettre plein les doigts.

C’est là que commence le début de la perte de ma dignité.
Première aventure d’une longue série bien dégradante.
Après plusieurs essais ratés, je me retrouve donc à chier assise dans ma baignoire, au dessus d’un seau stérilisé. Puis à ramasser le tout à l’aide d’une cuillère et le mettre dans leur gobelet en verre à la con.

Mission accomplie, j’ai capturé la bête.
Je vais donc apporter mon superbe trophée au bureau d’analyses.
Peu de temps après, j’ai le résultat : Oui madame, vous avez bien du sang dans vos selles.

MERCI CAPTAIN OBVIOUS.

Je me sens un peu découragée sur le moment qu’on m’annonce un truc que je sais déjà, mais il paraît que c’est une avancée quand même.
On m’envoie donc chez le spécialiste des caca sanglants : le gastro-entérologue.
Il me pose des questions, m’ausculte, regarde mes résultats d’analyse et m’annonce qu’il me soupçonne d’avoir une Rectocolite ulcéro hémorragique.
Sur le coup, le nom m’emballe pas beaucoup.

Je ne situe pas, et il me demande si je connais la maladie de Crohn.
Je repense à la conversation que j’avais eue avec mon amie un an et demi plus tôt : oui, ça je connais.
Doc : « Hé bien c’est la maladie cousine. » 

Ah. Super.

Autant vous dire que je suis encore moins emballée par cette histoire.
Toutefois, ce n’est pas encore sûr.
Je vais avoir droit au test ultime : la coloscopie (accompagnée d’une endoscopie bonus, juste pour vérifier mon estomac après tous les vomissements).

Pour les épargnés de la vie qui ne savent pas ce que c’est, c’est prendre mon anus pour le tunnel sous la Manche et lui faire passer une longue sonde qui va aller se balader dans mon anus et mon intestin avec une petite caméra.
Un Secret Story de l’extrême, si vous voulez.

Personnellement, j’aurais préféré un week-end à Disneyland, mais puisque c’est la seule chose qu’on me propose, je n’ai pas bien le choix.
La date de l’intervention est fixée, je vais courir les anesthésistes et autres pour me préparer et la veille, je dois commencer le travail : me nettoyer les intestins.

Et non, pour ça je n’ai pas besoin d’un gant de toilettes et de savon de Marseille.

Mon intestin doit être vidé de toute matière fécale, et pour ça, je dois arrêter de manger et boire 2L d’un liquide dégueulasse et visqueux.

La mixture me donnera… bah la diarrhée, tiens.

Ca va, je commence à bien maîtriser le sujet.
Je suis ceinture noire de colique, même pas peur.

Sauf que cette fois, on parle de vider complètement mon intestin. Je passerai donc la nuit sur le trône, à avoir des diarrhées incontrôlables jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, que mes selles soient presque transparentes et le cul littéralement en feu tellement il est irrité.
Ma nuit est un enfer couplé par un autre putain de coup du sort.

J’ai mes règles.
Je les avais oubliées ces connes.

Ils vont aller m’enfiler des sondes de plusieurs dizaines de centimètre entre les guiboles alors que j’ai mes règles.
Si j’avais l’espoir de rester un minimum glamour, là c’est définitivement mort.
Je sais qu’à ce stade, je ne devrais pas m’inquiéter pour ça, mais quand même, ça me tue au reste.

Le lendemain j’arrive à la clinique, on me prend vite en charge.
Au moment de l’anesthésie générale, je me tourne vers le médecin, morte de honte.
« Je suis désolée, je me suis bien lavée, mais j’ai mes règles. »
Il me sourit : « Ne vous inquiétez pas, je suis médecin, j’ai l’habitude et j’en ai vu d’autres. »
Ces quelques mots murmurés avec bienveillance suffisent à me rassurer, on me fait respirer dans le tube et je m’endors bien tranquillement.

Quand je me réveille, tout est terminé et je suis parquée dans le fond d’une pièce.
On remarque que je ne dors plus et on demande à un infirmier de me déplacer.
Et là, stupeur… L’infirmier est un mec de mon quartier !
Ça fait bizarre de le voir en uniforme bleu et pas en casquette/chaussettes par dessus le jogging, mais je le reconnais.

Raaah !

Je suis nue sous ma blouse, l’œil hagard et le cheveux hirsute, avec la possibilité de me chier dessus ou de saigner à tout moment…
Et je retrouve face à un mec du quartier.
Les Dieux sont définitivement contre moi. Je maudis ce connard de Murphy et sa loi à la con.
Je pensais que le jeune homme ne me situait pas, mais pour une fois mon côté passe-partout m’a fait défaut et lui aussi me reconnaît.

Infirmier « Hé, salut ! Dis, t’étais pas au collège D. toi ? »
Moi : « Si si… »
Lui : « Haaan, trop fort ! Alors, qu’est-ce que tu deviens maintenant ? »

Incroyable, ma coloscopie se termine en retrouvailles façon copains d’avant.
Il ne se rend pas compte de mon malaise et me fait joyeusement la conversation, tout en poussant mon lit dans les couloirs.
Il est très sympathique, ce n’est pas le problème, c’est juste que j’ai un état d’esprit qui est à des années lumières de faire la causette là.
On arrive jusqu’à ma chambre, il me salut d’un « Ça m’a fait plaisir de te revoir ! » alors qu’il ne sait probablement pas comment je m’appelle, je lui renvoie la salutation, soulagée d’avoir évité tout incident sanglant ou fécal pendant cet échange.

Je me change, on vient me chercher, et je rentre chez moi.

 Très vite, je retourne voir le gastro-entérologue qui me donne les résultats : c’est confirmé, j’ai bien une rectocolite (ulcéro) hémorragique.
Il m’explique donc la différence entre la RCH et Crohn, car les maladies sont très similaires mais différentes à la fois.
La RCH, comme son nom l’indique, est plus sanglante, mais ne s’attaque qu’au rectum et au colon, contrairement à Crohn qui peut inflammer tout le système digestif, de l’anus à la bouche.
La maladie est chronique, et sera toujours rythmée de périodes de « poussées » (c’est comme ça qu’on appelle les crises de diarrhée dans le jargon) et des périodes de rémission.

Il n’y a pas de cadence précise. Mes poussées peuvent durer 2 semaines comme 3 mois, mes rémissions 1 mois comme 15 ans.

Il existe juste des traitements qui permettent de rallonger les périodes de rémission.

Si les médicaments ne font plus effet et que les poussées deviennent trop violentes, le seul moyen de « guérir » de la RCH, c’est de tout couper. On vit alors avec une stomie, soit un anus artificiel.

Si j’ai de la chance, mes poussées ne dureront pas et je profiterai de longues rémissions.
Dans le cas contraire, il faudra commencer à jouer au Dr Maboul dans mon anus.

Ma vie de malade de MICI

Maintenant que c’est officiel, je devrai être soumise à un régime sans fibre (ou régime sans résidu) pendant chaque poussée et, laissez-moi vous le dire, cette connerie est pire que Dukan : on a quasiment rien le droit de bouffer.
Si vous voulez un aperçu du programme alimentaire, cela consiste à :

Pas de graines, noix, ou céréales complètes.
Pas de fruits.
Pas de légumes.
Pas de graisses cuites ou de friture.
Pas de sauces, ni de charcuterie.
Pas de poissons en saumures ou fumés.
Pas de viandes grasses (en gros viande blanche et steak dégraissés ok, pour le reste non.)
Pas d’œuf, selon le patient.
Pas de laitage, sauf fromages à pâte cuite (gruyère, emmental, comté…).
Pas de féculents dits complets (riz complet, semoule complète etc.).
Aucune matière grasse pendant les cuissons : donc tout bouilli, cuit à l’eau, à la vapeur, ou grillé (en collant joyeusement à la poêle, du coup).

En gros, reste pas grand chose à part des pâtes natures et des cailloux.

Je dois également prendre un traitement tous les jours, un anti-inflammatoire du nom de Pentasa.
Quand j’ai de la chance, on le trouve en comprimés, mais la plupart du temps, je l’ai sous forme de granulés. Un sachet de mini billes que je dois avaler 2 fois par jour.
Le seul souci, c’est que sous forme de granulés… On les expédie après digestion toujours sous leur forme de petite billes, qui se coincent dans les plis de l’anus et des fesses et que ça irrite fortement au point que vous avez envie de vous arracher la peau du cul.
(Sonyan, à votre service pour toujours plus de glamour.)

Je ne suis donc pas fan, mais le médicament a le mérite d’être efficace, très vite ma poussée se calme, et pour la première fois depuis des mois, je retrouve une vie normale.

Personne n’est au courant de tout ça à part mes très proches, j’arrive à terminer mon année scolaire sans trop de difficulté malgré les absences.

La vie reprend son court.
Quelques mois.

Puis ça revient peu après la rentrée scolaire.
Quand je sens les maux de ventre et vois mes selles rouges dans les toilettes, j’ai envie de pleurer.
C’est reparti.

Encore une fois, les poussées sont très fortes le matin et la nuit, et s’accompagnent de vomissements tant les douleurs sont fortes.

Je recommence à manquer les cours. Je refuse les sorties, soit parce que j’ai peur de ne pas trouver des toilettes quand ça me prendra, soit parce que ce sont des restau et que je ne pourrai pas manger 99% de ce qu’il y a à la carte.
Surtout que j’ai 22 ans, je suis déjà obèse complexée et très mal dans ma peau… Je n’ose pas dire aux gens qu’encore en plus, j’ai une maladie qui fait que je dois chier sans prévenir 10 fois par jour et vomir en même temps.
J’ai déjà l’impression d’être une sombre mocheté qui ne vaut rien et sors depuis peu des moqueries du collège-lycée, je n’ai pas envie de me mettre une étiquette de « pause-caca » encore en plus.

Je l’annonce juste à un ami, qui au début ne mesure pas vraiment la gravité du truc et à quel point c’est handicapant… et je me sens incomprise et me renferme encore un peu plus.

Donc je ne dis rien à personne, et comme c’est une maladie invisible, personne ne remarque rien. Je passe juste pour quelqu’un de lunatique et grognon, la fille pas drôle qui, par période, ne veut jamais rien faire.

C’est reparti pour les rendez-vous chez le gastro-entérologue.
On augmente le pentasa.
Ça ne marche pas.
On passe à l’étape suivante : la cortisone.

Cette merde infâme.

Je pense que toutes les personnes qui ont suivi un traitement à la cortisone seront d’accord avec moi, ce médicament est le bras droit de Belzébuth.
Non vraiment, se soigner à la cortisone, c’est un peu comme vendre son âme au Diable.
La maladie s’en va oui, mais à quel prix ?
Insomnie, mal de tête, tics nerveux, crampes dans les jambes… and last but not least : prise de poids.
On gonfle comme un putain de ballon sans aucun contrôle.

Et je vous parle de moi là : déjà obèse et mortifiée de l’être depuis 1989.

En plus des problèmes de diarrhée qui me font manquer les cours ou courir d’un toilettes public à un autre, en plus de la fatigue, en plus du régime extrêmement restreint et sec qui me donne l’impression de me nourrir de gravier… Ajouter à cela des problèmes de poids qui s’accélèrent.
A cause des diarrhées et des vomissements, je fonds comme neige au soleil… S’en suit un passage sous cortisone où ma tête gonfle en ballon de basket et mon corps en montgolfière, puis la rémission… Où je dégonfle, mais prends du poids quand même car je digère enfin normalement.
Les effets yoyo et les transformations physiques s’enchaînent.

Mon ami peu réceptif de l’an dernier a été témoin de quelques crises et de mes changements de corps et prend un peu plus la chose au sérieux. Il se montre plus présent et à l’écoute.
Pour les autres, je continue de ne rien dire.
Si aujourd’hui je n’en ai plus rien à secouer, à l’époque je suis morte de honte d’avoir cette maladie.
Dans ma tête et celle de beaucoup de gens encore, le caca c’est comme les règles, c’est tabou, on en parle pas.

 Surtout qu’il finit par m’arriver le pire qui puisse arriver à un malade de MICI.
Ce qu’on redoute le plus, une honte dont on ne se remet pas au bout de deux jours.

Je rentre à Besançon, et pour une fois, pour une raison que j’ai oubliée, ma douce maman ne peut pas venir me chercher à la gare. Ce n’est pas grave, je prendrai le bus.
Je fais le trajet en train où je dors pendant les 2h30, sans incident particulier.
Puis on arrive en gare de notre petite capitale comtoise, je descends du train… Et là, je sens que ça vient.

Les crampes sont violentes, je sais qu’il faut que j’aille aux toilettes dans la minute sinon c’est mort pour moi.
Je cours jusqu’aux toilettes… Payants.

Je fouille nerveusement dans mon porte-feuille, AUCUNE PUTAIN DE PIECES DE 50 CENTIMES !
Pas de dame pipi, personne pour me faire de la monnaie.
J’aimerais courir jusqu’aux guichets, mais il y a la queue, et je sens que je n’ai plus le temps.
Sérieusement, ça va m’arriver là ? Comme ça ?
Juste en face de la porte des toilettes désespérément fermée sous mon nez ? Alors que j’ai la main sur la poignée ?

Oui.
C’est arrivé comme ça.
Je me suis littéralement chié dessus dans cette gare maudite, parce que j’avais 1 euro, 2 euros, mais pas de pièce de 50 centimes.

Je m’effondre.

En pleurs, je vais demander à une dame dans la queue d’échanger ma pièce de 1 euro contre deux de 50 centimes.
Elle doit se dire que je suis bien sensible pour chialer pour une pièce.

J’ai l’impression que tout le monde sait ce qu’il vient de m’arriver.
Je cours ouvrir cette foutue porte, me déshabille.
J’ai au moins la chance d’être « en voyage » et donc d’avoir un sac de sport avec des affaires pour me changer.
Je n’ai pas de lingette, donc ma toilette est très sommaire, mais je peux au moins changer de sous-vêtements et de pantalon et ne pas rester patauger dans ma merde et dans mon sang.
Je prends le bus, encore marquée parce qu’il vient de se passer, l’odeur de mes vêtements souillés qui flotte impitoyablement autour de mon sac de sport.
Je pleure tout le long du trajet, rentre chez moi et continue de pleurer toute la journée dans mon lit, humiliée.

Ca fait plus de 10 ans et je m’en souviens encore comme si c’était hier.
Je maudis depuis ce jour chaque WC payant que je vois.
Et encore, dans mon malheur, j’ai de la chance.
J’ai une amie, atteinte de la maladie de Crohn, qui à cause de ce problème est devenue agoraphobe et n’est pas sortie de chez elle pendant des années, poussées ou non.
Terrorisée à l’idée que ça arrive, et il lui a fallu au moins 5 ans pour avoir de nouveau une vie normale.(Une pensée pour toi si tu passes par ici.)
Sans tomber dans l’agoraphobie, moi aussi, je n’osais plus sortir à une période, et m’isolais de plus en plus.

Le premier semestre se finit tant bien que mal. J’en enchaîné poussées et petites rémissions, et traitements à la cortisone.
Arrive le début de l’année 2006.
Année décisive pour moi puisque c’est l’année des sélections pour envoyer une partie des élèves étudier au Japon.
J’ai choisi l’université Lyon III pour ça, parce que c’est celle qui a le plus d’accord avec les universités japonaises et que je rêvais de cette année universitaire au pays des sushi.
Mes notes ne sont pas dégueulasses et j’ai encore toutes mes chances d’y aller.
Ma mère évite un peu le sujet, car je suppose qu’elle ne voit pas trop comment je pourrais partir à l’autre bout du monde si je suis dans cet état.

Mais j’ai décidé que tout ira bien, donc tout ira bien.

Je passe les entretiens, au deuxième semestre, j’ai ma réponse : je fais partie des sélectionnés pour partir, et dans l’université de mon choix.
Si je valide ma deuxième année lors des seconds partiels, je pourrai partir.
Mon rêve que je prépare depuis deux ans.

Maintenant, y’a plus qu’à !

Sauf que mes intestins ne sont pas d’accord. Ils décident de mettre le niveau de difficulté à Expert, et commence alors la pire poussée que j’ai jamais eue.

Le Pentasa ne me fait plus aucun effet, on dirait que mon corps s’y est habitué.
On hésite à me remettre sous cortisone car j’y ai déjà longtemps été ces derniers mois, et que ça commence à craindre un petit peu.

Les poussées restent extrêmement fortes le matin et la nuit avec un moment plus tranquille l’après-midi, donc je rate quasiment tous les cours qui ont lieu avant 13 heures.
La plupart sont des cours magistraux où on ne vérifie pas les absents, donc si ce n’est que je commence à être à la ramasse dans les cours, administrativement parlant, ce n’est pas trop compliqué.
Je rate quelques TD aussi, mais mon médecin traitant me fait des certificats médicaux couvrant toutes les périodes d’absence quand je rentre à Besançon.
Mais la crise s’éternise.

Je suis extrêmement fatiguée et tiens à peine debout.
Je vomis beaucoup aussi.

Je vis en colocation avec une Japonaise qui s’occupe beaucoup de moi et s’inquiète, mais je me sens mal et affreusement coupable. J’ai l’impression de lui pourrir la vie et son expérience en France.

Comme je peux à peine marcher, elle et mon ami m’accompagnent chez un médecin lyonnais près de la maison pour savoir ce que je peux faire en urgence.
Ce dernier me dit d’aller consulter un certain gastro-entérologue de Lyon, réputé pour être un des meilleurs de France, puisque je ne peux pas consulter celui qui me suit depuis le début pour l’instant.

Qu’il me fasse un certificat pour une absence prolongée pour ne pas avoir de problèmes avec mes bourses scolaires, et que je reste alitée le plus longtemps possible pour ne plus me fatiguer et éviter le moindre mouvement de mes intestins.

Je me rends donc chez la star des Gastro-entérologues, que nous appellerons le Dr Clounet.
Pour franciser, what else.

Le bougre m’accueille comme une porte de Guantanamo. Raide comme un piquet sur sa chaise, j’ai l’impression d’être un cafard sur un plan de cuisine.
Dr Clounet « Et vous voulez que je vous fasse un certificat médical pour une absence ? »
Moi : Oui, j’ai raté presque toute la semaine, et je ne suis pas en état d’y retourner avant un moment… Mon traitement ne fait plus effet.
Dr Clounet : Et vous vomissez, vous dites ?
Moi : Oui.
Dr Clounet : Ça ne fait pourtant pas partie des symptômes des MICI, une inflammation de l’intestin c’est des diarrhées possiblement sanglantes, pas de vomissements.
Moi : Ben moi je vomis. Parce que les douleurs sont trop fortes.

C’est évident, il ne me croit pas du tout.
Il n’a pas envie de me faire un justificatif d’absence, ça se sent. Il a l’impression que je me fous de sa gueule pour rater les cours ou quelque chose comme ça.
En tous cas, je ne me sens vraiment pas du tout comprise, et sur ma chaise, j’ai l’impression d’être une criminelle qu’on essaie de faire avouer.

Il me dit qu’il va m’ausculter et me demande de me déshabiller et de me mettre à quatre pattes sur la table d’examen.
Je déchante complètement.

Déjà qu’il ne me met pas du tout à l’aise, je sens que l’examen qu’il va me faire ne va pas me plaire.
Euphémisme.

Cul nu, à quatre pattes sur une table, je le sens m’enfoncer un long cône en métal dans l’anus.
Le toucher rectal version Premium.
Le résultat est sans appel, crampe abdominale, giclée de sang et je vomis tout ce que j’ai dans l’estomac sur sa table d’examen.

Allez hop, ça c’est fait.
Je lui dis que je sens la diarrhée venir et que je dois aller aux toilettes.
Il me laisse me rhabiller rapidement et courir jusqu’aux toilettes où à peu près tout le cabinet m’entend me vider et vomir mes tripes.
Je ressors blanche comme un linge, et quand je retourne dans la pièce, le médecin est devenu une toute autre personne.
Cette fois, il est inquiet et me dit que l’inflammation est violente et que vu mon état, je dois être hospitalisée, voire envisager une première intervention chirurgicale.

Quand il me dit ça, c’est la panique dans ma tête.
Des images d’anus artificiel, de poche et autre dansent dans ma tête. Je m’étais préparée à ce que ça m’arrive un jour, mais pas à 22 ans, c’est trop tôt.
Et puis je dois réussir mon année pour partir au Japon, je ne peux pas être hospitalisée des semaines.
Et puis je ne veux pas être hospitalisée seule à Lyon.

Bordel, il va pas me foutre dans un hôpital des semaines pour me découper et ruiner mes efforts pour partir au Japon.
Je refuse.

 Je lui dis que je veux rentrer chez moi, et tenter encore un peu le traitement.
Il me fait promettre que si d’ici une certaine période (je ne me souviens plus exactement du délais qu’il m’a donné) je ne vais pas mieux, alors je devrai me faire hospitaliser.
Je promets.
Il me redonne pentasa, cortisone, me fait un justificatif pour une longue absence et je retourne me coucher.

Je ne veux pas rester à Lyon seule à pourrir ma coloc dans cet état, mais je ne suis pas assez vaillante pour prendre le train.
Aussi dévouée que jamais, ma mère prend son super bolide (sa fidèle clio) et se tape 500 km aller-retour pour venir me chercher.
Un trajet retour difficile où je suis couchée à l’arrière, où elle doit rouler doucement et s’arrêter en urgence de temps à autre pour que je puisse donner un peu d’engrais à Mère Nature, cachée entre deux portières.

Ah, le bon vieux temps.

 Une fois rentrée chez moi, je suis restée alitée longtemps. Je ne me souviens plus exactement.
Je me souviens juste que j’avais perdu près de 15kg en 3 semaines, et que quand mon père m’a vue, pour la première fois de ma vie, je l’ai vu pleurer.
Une des seules preuves que j’ai eue à ce jour qu’il y avait un petit cœur sensible qui battait sous ces bouclettes.

Couchée dans un lit à regarder des disney, pour ne me lever que pour manger des trucs secs et sans fibre, prendre mon traitement et, bien sûr, aller aux toilettes.

Je ne sais plus combien de temps ça a pris, mais la poussée est passée.

Pile pour la fin d’année et que je puisse aller passer mes examens.
Hors de question que je rate mon année bien partie et mon année au Japon pour cette merde.
Je buche, je buche, je buche.
Je vais pleurer les cours à des personnes de ma promo.
La plupart n’ont aucune idée de ce qui m’est arrivé et certainement rien remarqué, mais certains ont remarqué que j’avais un peu une tête de fantôme et sont venus me demander si j’avais des soucis de santé.

Arrive le jour de mon partiel de linguistique japonaise, un cours qui avait lieu de 8h à 10h pendant l’année, soit l’horaire où les poussées étaient les plus fortes, et donc où je n’avais quasiment jamais mis les pieds.
La prof, japonaise, distribue les sujets, et s’arrête en me voyant.
« Vous êtes dans ma classe, vous ? 
– Oui.
– Eh bien vous vous êtes pas beaucoup fatiguée pendant l’année. L’horaire était trop tôt peut-être ? A ce stade, vous n’êtes pas obligé de passer l’examen. »

Je n’ai pas relevé la pique et me suis dit qu’heureusement que les examens étaient anonymes, que sinon je me ferais sûrement lyncher.

Mais cette petite dame n’était pas indispensable à mon savoir, qu’elle le sache.
J’avais acheté son bouquin de linguistique qui reprenait mot pour mot ses cours, et j’ai eu 18 à son partiel à la con.


In your face, bitch.

Malgré toutes ces absences et péripéties, l’année se termine bien, je passe les partiels sans trop de difficulté, obtiens mon année tranquille Emile, et mon départ à Osaka pour un échange scolaire est confirmé.

A la grande inquiétude de tout le monde : est-ce raisonnable ?

 Mon principal argument étant que la RCH était une maladie chronique dont les poussées pouvaient être déclenchées par du stress, de la fatigue ou autre état psychologique négatif, si j’allais au Japon, je serais heureuse et bien dans mes pompes, donc j’aurais pas de poussée.

On y croit ou on y croit pas, ma grand-mère était une barreuse de feu.
Une sorte de magnétiseuse, si vous voulez.
Personnellement, je ne sais même pas si j’y crois moi-même, mais le fait est que petite, ma grand-mère m’avait déjà soignée des choses où les médicaments n’avaient rien fait.
Elle a voulu me barrer avant mon départ au Japon pour que je n’y sois pas malade.
Comme de toute façon il n’y a rien à perdre et que la pensée positive peut toujours avoir un effet sur le corps, je l’ai fait.

 Et je n’ai pas été malade pendant cette année au Japon.
Mieux, je n’ai pas été malade pendant dix ans.
Une belle rémission de dix ans.

Où j’ai oublié que j’étais malade. Où je ne prends plus mon traitement depuis longtemps, parce qu’à le prendre en continue, il ne faisait plus effet et qu’on était obligé de jouer la surenchère pendant les poussées.
Qu’à cause de ça j’ai été sous cortisone des mois et suis passée à deux doigts de l’opération chirurgicale.

C’est peut-être inconscient, mais à partir du moment où je ne suis pas malade et que je ne me sens pas en danger, je continue de faire comme je l’ai décidé.
Je préfère avoir un corps sevré des anti-inflammatoires et qu’ils fassent réellement effet le jour où j’ai de nouveau une poussée violente.
Je ne suis pas médecin, peut-être que ma décision est la mauvaise et je ne conseille à personne de faire pareil.
Mais  personnellement je n’ai pas eu à m’en plaindre pendant 10 ans. 

10 ans de rémission après cet enfer.
10 ans, où j’ai fait tellement de choses.
Le Japon, les Etats-Unis, la Corée, l’Australie, la Nouvelle-Zélande… Tant de vadrouilles, tant d’aventures où j’ai sincèrement oublié que j’avais cette épée de Damoclès au dessus de la tête.

Pour être honnête, mes poussées ont repris très légèrement depuis mai l’année dernière.
J’ai eu un gros passage à vide à la fin du printemps, et pendant 2 mois, mes diarrhées ont repris le matin.
Ensuite elles sont parties, et sont revenues en pointillé depuis fin janvier cette année.
Mais pas de sang, et rien d’ingérable, donc je vous avoue que ça ne m’empêche pas de vivre, et que personne n’est au courant (bon, maintenant si, si les gens ont vraiment eu la foi de lire 16 pages parlant de caca).
Je n’en parle pas, pas parce que j’en ai honte comme avant –concrètement, depuis mon coming-out sur les TCA en 2013, je n’ai plus honte de rien niveau maladie -, mais juste parce que je ne me considère même plus comme malade.
Je l’oublie la plupart du temps et je ne le vis pas mal.

Quand ça arrive, je fais attention à ce que je mange, je me repose, et voilà.
L’an dernier j’ai hésité à aller consulter car ça a duré quand même longtemps, mais au Japon je ne savais pas trop où aller (bon je ne me suis pas renseignée non plus… J’ai une capacité à ne pas m’occuper de moi-même qui est assez impressionnante).
Il n’y avait pas de sang, la poussée est passée, donc je n’ai pas cherché plus que ça.

D’autant qu’on peut reprocher au Japon beaucoup de choses, mais c’est le pays rêvé des personnes atteintes de MICI : des toilettes partout, publiques, et non payantes.
Donc quand ça vient, dans les 20 secondes je suis sûre de trouver des toilettes et ça ne m’handicape pas plus que ça.

Après, comme je sens que les envies impromptues reprennent de temps en temps depuis un an, je réfléchis à reprendre un suivi, pas me faire surprendre comme la première fois et me retrouver alitée du jour au lendemain.

Le mot de la fin

Voilà mon témoignage sur les « joies » des MICI.
Il vaut ce qu’il vaut, et je ne sais pas s’il vous a appris quoi que ce soit.

Le principal souci des MICI c’est que ce sont des maladies invisibles et complètement imprévisibles.
Comme on ne voit rien, sauf dans les cas graves où on perd beaucoup de poids et autre, on a tendance à ne pas comprendre la gravité d’une poussée d’un malade.
Aussi, je sais que les gens ont souvent eu du mal à comprendre que je puisse être dans un état lamentable entre 5h du matin et 13h, et me sentir très bien à partir de 14h jusqu’en fin de journée.
Je sais que j’ai pu passer, parfois, pour quelqu’un qui me sert d’une maladie pour sécher les cours que le matin alors que je ne suis pas si malade que ça.

Pour ceux qui viennent d’être diagnostiqués et qui, comme moi, ont imaginé le pire et paniquent, ben je peux juste vous dire que même quand on a vécu des épisodes violents, ils peuvent passer, et qu’on peut vivre une vie tout à fait normale et faire plein de choses sans rester bloqué toute sa vie dans ses chiottes. Il y a encore de bons moments à venir.
D’autant plus maintenant où les traitements sont de plus en plus efficaces.
Profitez des moments de rémissions au maximum, et vous découragez pas quand ça revient.

Je sais qu’on est pas tous égaux face à cette maladie et que certains ont des épisodes plus nombreux et plus violents que d’autres, mais dans ma grande impuissance, c’est tout ce que je peux vous dire.

Ah, et si un politicien passe par là : AUGMENTEZ LE NOMBRE DE VOS PUTAIN DE CHIOTTES ET LAISSEZ PASSER LES GENS MALADES.

Voilà.

Bisous magiques et paillettes sur vous les amis.
Sur ce, merci d’avoir –peut-être – tout lu.
Je vous laisse retourner regarder le Royal Wedding du Prince Harry.

Le blog de l’année !

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Le blog de l’année.
J’aimerais pouvoir vous dire que c’est parce que c’est le meilleur, mais c’est plus parce qu’il n’y en a qu’un par an…

Après des mois sans y avoir mis les pieds, je reviens, comme chaque année, dépoussiérer ce blog mort.

Un peu parce que vous me manquez, un peu parce que j’en ai envie, et aussi parce qu’OVH vient, comme chaque année, réclamer ses deniers pour me laisser le droit de laisser mourir ce blog sur la place publique.
D’habitude, je mets la main à la carte bleue sans réfléchir pour renouveler l’abonnement, mais je dois avouer que cette fois-ci, je me pose la question.

Est-ce que je dois vraiment renouveler encore une fois, peut-être pour rien ? Est-ce que je ne ferais pas mieux de m’épargner 70 euros l’année pour un site où je ne mets plus les pieds ?

Remise en question

Comme j’en ai déjà parlé récemment, ceux qui me suivent sur Twitter savent que je vis ma petite crise existentielle des réseaux sociaux et de ma présence virtuelle en ce moment.
J’ai réalisé ces derniers mois que j’avais une sorte d’autocensure chronique sur le fait de poster un truc ou un autre.
Une des raisons étant que mes comptes ne sont depuis longtemps plus du tout anonymes. Avant, je n’avais qu’une petite poignée de gens de mon entourage parmi les gens qui suivaient mes aventures, pour une grosse poignée d’inconnus. Maintenant j’ai l’impression que c’est le contraire.
Des contacts professionnels, des amis d’amis, des personnes que j’ai rencontrées dans un cadre précis, et qui font que, pour une raison ou pour une autre, je ne vais plus oser dire telle ou telle chose.
Il y a une certaine liberté dans le fait d’être complètement anonyme. On peut se permettre d’arrêter de suivre une personne qui nous ennuie, alors que quand il y a une connexion avec le réel, le geste a parfois des conséquences. Il y a tous ces nouveaux outils de « mute », de filtrage et compagnie, mais dans le fond le trouve ça un peu hypocrite aussi.
D’un côté c’est bête, j’ai appris depuis longtemps qu’on ne pouvait pas plaire à tout le monde et je suis bien assez grande pour écrire ce qui me plaît et n’interagir qu’avec les personnes qui m’intéressent. Mais je crois qu’il faut une phase d’adaptation pour pouvoir dépasser ça, et je n’ai pas encore suffisamment apprivoisé mon je-m’en-foutisme.

Donc voilà, il y a une certaine liberté dans le fait d’être complètement anonyme qui me manque un peu.

Au delà du côté auto-censure, j’ai parfois du mal avec le fait d’être hyper connectée tout le temps avec tout plein de gens « du réel » dont on a pas forcément envie d’avoir des news ou connaître les états d’âme toutes les 5 minutes.
Je ne sais pas si c’est Black Mirror qui me monte à la tête, mais je trouve notre façon de communiquer en permanence avec les gens qu’on connait un peu tordue, et malsaine parfois. 
Attention, je suis la première utilisatrice de tous ces moyens de communication, et je trouve merveilleux qu’on puisse rester en contact avec des personnes qui ont partagé ne serait-ce qu’un court instant de notre parcours de vie, etc. C’est juste que parfois, je trouve les limites difficiles à délimiter pour que ça ne devienne pas étouffant.
Je vais sonner comme une vieille avant l’heure, mais avant les réseaux sociaux, il y avait (en tout cas pour ma part) une véritable séparation entre ma vie réelle et ma vie virtuelle.
Les gens que je voyais en cours, au boulot, dans mes activités extra-scolaires, et ceux avec qui je parlais sur les forums que je fréquentais et les sites que j’administrais étaient complètement différents, nos sujets de discussions aussi.
Aujourd’hui, tout est un peu mélangé, il n’y a plus de limite précise. Et l’objet de nos publications est bien souvent la mise en scène de nos propres vies. 
Je fais partie de ce système, je le nourris, et pourtant moi aussi parfois, il m’épuise et j’ai besoin d’une pause.

A l’époque où mon blog était mis à jour et un peu populaire, c’était même parfois malaisant. Très régulièrement, je pouvais croiser des gens de mon entourage qui me disaient « J’ai vu que tu avais blogué, mais désolé(e), je n’ai pas encore lu. »

Deux fois, je suis tombée sur des personnes qui me disaient «Je lis tout ce que tu écris ! Tous les articles ! J’adore ! » alors que ce n’était manifestement pas vrai.
Une fois, je ne sais plus exactement le propos, mais j’ai répondu en faisant une allusion à mon tristement célèbre article sur les TCA.
XX : TCA ? C’est quoi ?
Moi : Troubles du comportement alimentaire… ?
XX : Oh. Je lis tout sans faute, donc j’ai dû le lire il y a longtemps mais tes blogs sont tellement longs, je ne me souviens pas de tout par coeur !

Oui, alors… Pour le coup, permettez-moi de douter très fort qu’on puisse oublier celui-là si on l’a vraiment lu.

Pourquoi mentir, je ne demande pas de compte, moi ?
Je veux dire… Pas de malaise, hein ? Je ne fais pas d’interrogations surprises, je le promets. Concrètement, je ne force personne à lire ou commenter ce que j’écris. Se connaître IRL ou même être amis ne pousse à aucune obligation.
Je ne me définis même pas comme blogueuse. Ici, c’est juste un défouloir quand j’en ai l’envie, le temps ou l’inspiration.

Je suis contente si on me lit ou si on me dit un petit mot, les encouragements qui boostent le moral ont un effet salvateur, je ne vous le cache pas. Mais ça me touche si on le fait parce qu’on en a envie et qu’on passe un vrai bon moment sur ces pages, sinon je m’en fiche pas mal, et je ne me définis pas seulement par un article écrit tous les 4 mois en période de grande forme. 
Si ça peut vous déculpabiliser, sachez que moi, je ne lis quasiment aucun blog des gens que je connais, et pour le coup, je ne culpabilise pas une seconde.

Bref, je ne sais pas, à un moment donné, ce blog avait légèrement biaisé la relation que j’avais avec les gens IRL. A fortiori une fois revenue au Japon, puisque c’est dans la communauté nippophile que mes articles ont le plus été lus.
Entre ceux qui croyaient  tout connaître de moi grâce à mes articles (spoiler : non), ceux qui avaient une image très précise de moi qui ne correspondait pas forcément à la réalité avant de me rencontrer, et certaines personnes déjà proches qui se sentaient obligés de lire ou suivre par loyauté…
A une période, j’avoue avoir trouvé ça un peu oppressant et je dois avouer que je n’avais pas envie qu’on me parle de mon blog en dehors du moment où j’étais en ligne pour m’en occuper.
Je sais que souvent ces personnes n’avaient aucune mauvaise intention donc ce n’est pas un reproche, c’est juste que comme tout le monde faisait un peu pareil, ça revenait régulièrement pour moi et a fini par me mettre un peu mal à l’aise. 
Mais le problème vient de moi, car j’ai la chance jusqu’ici d’être relativement épargnée par les haters, donc pour le coup, je ne peux pas dire qu’on m’ait dit des choses désagréables.

Et dire que je me plains de la pression en ayant eu que quelques milliers de lecteurs à un moment donné, heureusement que je ne suis pas EnjoyPhoenix, car je ne sais manifestement pas gérer le fait d’avoir un petit auditoire (et je n’y connais rien en produits de beauté de toute façon).

Je n’arrive pas à savoir si ce que je dis est ingrat ou non… ? 

En un sens oui, on est toujours heureux d’avoir des gens qui vous suivent et qui vous lisent.
Et je reçois bien souvent des messages bienveillants qui font aussi chaud au coeur (et pour lesquels je vous remercie du fond du coeur).
Mais je n’ai pas bien su gérer la partie IRL et la partie virtuelle, que ce soit ici ou sur Twitter, et à un moment donné tout s’est mélangé et je n’ai plus ressenti la même liberté qu’avant pour m’exprimer.

Crise de confiance 

Au delà de ça, ces dernières années ont été un peu compliquées, l’année 2017 particulièrement difficile, et j’y ai laissé quelques plumes.
Je vous ai souvent teasé à propos d’un projet que je préparais depuis plusieurs années et qui était la raison de mon retour coup de théâtre au Japon.

Et bah patatatra, ce projet ne verra jamais le jour.

En tout cas, pas avec moi et pas au Japon (c’est ballot).

Et mon ressenti vis à vis de ça est extrêmement complexe.
Je vous passerai les raisons troubles de ce terrible échec humain (une histoire qui pourtant vous passionnerait puisqu’elle inclut courses poursuites en voitures de police dans les montagnes japonaises avec girophares arc-en-ciel, fratricide, coup d’état, violence, sexe, drogues et Benjamin Castaldi en crocs sur une plage de Normandie), mais le fait est que ça a été un gros coup de pied dans le château de cartes fragile de ma vie.

D’un côté, je sens au fond de moi que c’est une bonne chose. Car comme je n’étais pas seule dans cette histoire, j’avais tendance à m’oublier et mettre de côté mes propres désirs pour ça, voire à ressentir une certaine culpabilité si j’avais d’autres envies et ne plus oser à 100% faire des activités rien que pour moi.
Aujourd’hui, mon destin m’appartient de nouveau, et si on essaie d’être positif, c’est plutôt une bonne nouvelle.

Le problème, c’est que moi qui suis à la base quelqu’un qui aime travailler seule, j’ai réfléchi et fonctionné à deux pendant trois ans où j’ai eu tendance – inconsciemment – à bloquer mes envies personnelles et mes besoins.

Aussi, avant d’aller en Australie, je sortais d’une relation amoureuse avec une personne qui s’est avérée très toxique et qui avait déjà salement cassée mon estime de moi (déjà qu’elle vole pas bien haut de base).

Résultat, j’arrive à une période charnière de ma vie, où je dois me relever seule, m’écouter, savoir ce que je veux et croire en moi pour y arriver.
La belle affaire.

Parce que quand sur les quatre dernières années, on vous a détruit psychologiquement et que vous avez fait l’erreur de vous reconstruire non pas seule mais en binôme et en vous reposant sur cette personne, c’est devenu quelque chose de super difficile.

Pour la première fois depuis des années, j’ai l’impression d’être seule avec moi-même et de ne plus être capable de rien.
Il y a un côté d’exaltant dans le fait d’être de nouveau maître de ses envies et cette impression que tout est possible… Mais c’est aussi terrifiant de se dire que cette fois on ne suit plus personne, car dans le fond « je ne suis qu’une merde et je ne vaux rien. »

Cela fait des années que je ne dessine plus, que je n’écris plus, que je ne créé plus rien. Que je n’ai rien fait de valorisant complètement seule.
Rien qui n’appartienne qu’à moi et qui aurait pu m’aider à reconstruire l’estime de moi envolée aux quatre vents.

Ça a pris une éternité mais ces derniers mois l’inspiration est revenue. L’envie aussi.
Mais la confiance n’est plus là. Et au moment de me mettre à l’attaque, je me sens moins que rien, et rien ne sort.

Je me rends compte que je me sens vivante et légitime d’exister que quand je fais quelque chose de vraiment extraordinaire : faire le tour d’Australie seule, sauter d’un avion pour un skydiving (alors que je tremble de vertige sur un escabeau…), nager avec des raies manta ou plier ma langue en forme de U.
Alors je suis fière et j’ai de l’estime pour moi et je me sens capable.
Cinq minutes.

Et puis tout s’écroule de nouveau.

Je suis devenue incapable de garder cet esprit de conquérante au quotidien. Je vais regarder un clavier ou une feuille blanche en me disant « j’ai envie » et ressentir un immense blocage que je n’avais pas avant.
Et plus mon envie est forte, plus ce blocage devient frustrant et démoralisant.

  

Aussi, j’ai eu l’opportunité de devenir manager du service international d’une entreprise cet été.
Je n’en avais aucune envie, déjà parce qu’après trois ans à bosser à la maison en pyjama, dans des cafés en musique ou en road trip à l’autre bout du monde, revenir m’enfermer 9h par jour dans un open space me donnait envie de me tirer une balle. Aussi, parce que ne plus travailler avec des Japonais c’était un peu ce qui m’avait réconcilié avec le Japon, et j’avais peur que devoir de nouveau rentrer dans le moule du travail japinois me tape sur le système nerveux assez rapidement (spoiler : oui).
J’ai finalement accepté parce qu’avec l’échec de mon projet, je n’avais plus aucune visibilité sur mon avenir et sur ce dont j’avais envie et que j’avais besoin d’un coup de pied au cul.
Je me suis dit qu’au lieu de broyer du noir, devoir être obligée de me lever tous les matins pour rendre des comptes à un patron serait un bon stimulant. Et puis, je me suis dit que diriger une équipe, apprendre à analyser des chiffres et des budgets pourrait m’apprendre des choses et que ça me servirait pour mes projets futurs.
C’est le cas, moi qui n’ai qu’une formation littéraire et culturelle, j’apprends, malgré mon amateurisme, plein de choses.

Mais ce qu’on ne m’avait pas dit avant, c’est que si on cherchait un manager d’urgence, c’était parce que l’entreprise était en train de se casser la gueule et qu’il fallait très vite quelqu’un pour recadrer le truc et empêcher le Titanic de couler.
En fait, plus que manager, j’ai été embauchée dans le rôle de rustine.

 

Donc autant vous dire que mon retour dans le monde standard du travail aurait pu être plus joyeux et moins stressant, et que comme il fallait mettre les bouchées doubles, les premiers mois ont été terribles, avec de nombreuses journées au bureau jusqu’à minuit ou une heure du matin.
Résultat, plus le temps d’aller au sport, plus le temps d’aller danser la salsa (tristesse, j’écris ton nom), le cul posé sur une chaise 14h par jour, stressée H24, peu de sommeil…
→PRISE DE 20 KILOS EN SIX MOIS.

Bim.

 

Voilà voilà.
En plus, je suis la professionnelle des kilos émotionnels : dès que quelque chose ne va pas dans ma vie, que je garde quelque chose pour moi, que je me sens mal dans mes pompes, je continue de gonfler comme un putain de ballon sans raison.

Vous commencez à me connaître, je vous laisse imaginer mon état psychologique actuel et mon désespoir face à un miroir.

Et donc, énième prise de poids, détestation de sa personne et de son image, baisse d’estime de soi, s’il en reste.
Le cercle vicieux s’accélère.

Ajoutez à cela d’autres soucis de la vie, une période générale de creux dans tous les domaines et une année épuisante derrière soi, et ça vous donne une Sonyan qui a le pelage rose en berne.
Je n’ai pas le moral, j’ai du mal à retrouver l’envie (qu’on me donne l’enviiiie, l’envie d’avoir enviiiiie… Voilà, mon hommage à Johnny moi aussi), à m’amuser pour de vrai, à rire de bon cœur et à accepter le fait que je doive vivre seule et pour moi.

J’ai l’impression de jouer la comédie la plupart du temps où je suis en société, pour m’effondrer dès que je suis rentrée chez moi.
Alors comme toujours, j’essaie de m’occuper pour ne pas penser. Ces derniers temps je décore un peu mon appartement qui ressemblait un peu à une chambre d’hôpital, et je me bas avec mon chat qui détruit au fur et à mesure ce que je fais.
Enfoiré.

Un peu de positif, bordel !

 

Bref, on vient de passer 5 pages à chialer dans les chaumières, on va peut-être s’arrêter là et passer à autre chose.
Non, 2017 n’a pas été un bon cru. Une petite piquette de bas étage, tout au mieux.

Mais ça ne change rien au fait que je crois que la chance ne vient pas, et qu’on la crée soi-même.
Alors c’est ce que j’ai fait.

En 2017, j’ai commencé l’année en fanfare en faisant le tour de la Nouvelle-Zélande pendant un mois (île nord et sud), et avant de m’enfermer dans les bureaux de l’entreprise, je suis aussi allée crapahuter dans le sud de Taïwan.
Deux beaux voyages qui m’en ont mis plein les mirettes.
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IMGP3152

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IMGP5018
IMGP5080
IMGP5112

Aussi, comme j’en avais envie depuis très longtemps, et que je souffre terriblement de la solitude, j’ai adopté un chat.
Comme je pourris UN PEU mon snapchat de sa perfection immaculée, je pense que pas mal d’entre vous le savait déjà.
IMGP4480
(D’ailleurs, pour éviter le spam trop intensif, mon roi a son propre instagram : @king.balerion) 

Cet être diabolique pourri mes nuits en me sautant sur le visage et bousille mes murs pour faire sa manucure (oui il a un arbre à chat, oui je lui ai acheté des trucs de cartons et autres, et oui, j’ai des mis des protections sur mes murs, BUT STILL è_é), mais je l’aime plus que tout au monde.

Il a changé ma vie.

Déjà, je n’ai plus aucune chaussette sans trou puisqu’il adore jouer au foot avec et les décortiquer.  Donc j’ai régulièrement les doigts de pieds au frais.
(Quand je vous disais que c’était un enfoiré).
Mais surtout, je n’ai plus ces crises d’angoisses quand je rentre à la maison le soir et qu’il n’y a personne.
Cela faisait des années que je ne rentrais pas chez moi avant 23h ou minuit pour éviter de me retrouver seule, des années que j’avais des insomnies, des années que je n’arrivais plus à apprécier un film et une série car le sentiment de solitude une fois rentrée à la maison était tellement oppressant qu’il me rendait impossible le moindre moment de détente en solo.

Résultat, j’ai des années de séries en retard, et une amie m’a donné son compte Netflix.


Adieu vie sociale

Maintenant, limite il me tarde de rentrer chez moi le soir pour le retrouver, l’instant glandouille devant une série avec lui qui ronronne dans mon cou est le meilleur moment de la journée, et si je ne dors pas la nuit, c’est seulement parce que ce fifrelin a décidé qu’il était l’heure de me mordiller les doigts de pieds.

 

Voilà, je suis passée du côté obscur des vieilles à chats, gaga de leur boule de poils.
Cliché de la trentenaire célibataire, je suppose.

Sinon, j’ai décidé que mon expérience à temps plein dans le monde de l’entreprise avait assez duré, mais comme je voulais conserver mon travail, un salaire, et mon titre de manager pour plus tard, j’ai demandé à ne travailler plus que le matin dans les bureaux. 

Je viens le matin, je fais le tour des chiffres, de ce qu’il y a à faire, je fais le point, et je me casse ensuite pour faire ma vie. Je travaille tranquille sans bruit de gens qui machouillent la bouche ouverte où se râcle le fond de gorge toutes les deux secondes, et si j’ai besoin de faire une pause d’une heure ou deux pour aller marcher, courir, faire une course ou autre, hé bien je le fais.

Je dois encore apprivoiser ce nouveau rythme, mais ne plus rester enfermée dans un bocal dans le même bureau avec les mêmes personnes du matin au soir me fait déjà du bien.

En 2017, j’ai fait une immense peinture d’1m50 sur 3m qui a pris un bon mois à réaliser, à deux.
Bon, ce n’était pas pour moi donc ce n’était pas sur un sujet qui me parle beaucoup (le portrait d’une équipe de foot…), mais moi qui n’avais jamais peint avant, je me suis peut-être découvert un autre hobby.
C’était vraiment relaxant de rentrer chez soi le soir, et peindre en musique.

Si j’arrive à vaincre ce foutu blocage, j’aimerais bien recommencer pour quelque chose de plus personnel et ancré dans mon univers cette fois.

En 2017, j’ai battu mon record de concerts de Miyavi sur l’année. Ils étaient tous merveilleux (la question ne se pose même pas), et je remets ça dès le mois de mars.
J’ai ainsi achevé en beauté ma 14ème année de fangirl.

En 2017, j’ai déménagé dans un appartement plus grand, et pour la première fois depuis plus de 10 ans que j’ai quitté le cocon familial, j’ai un vrai appartement qui n’est ni une coloc, ni un petit studio. Enfin un grand espace pour moi (enfin je veux dire pour le chat, il a la gentillesse de me laisser squatter les lieux).

En 2017, j’ai retrouvé des idées, des objectifs personnels, et des projets.

Oui, des projets

Après des années à avancer avec en tête un objectif qui a disparu, ça a été vraiment le trou noir.
Que faire de ma vie ?

J’ai eu au moins raison sur un truc dernièrement, c’est que revenir en entreprise m’a un peu remise sur les rails.
Je recommence à délimiter ce que je n’ai pas envie de faire (travailler) et ce que j’ai envie (danser nue sur la plage un mojito à la main).
A avoir de vrais projets (si si), qui m’appartiennent.

Le seul problème, c’est ce que je vous écrivais plus haut.
Arriver à surmonter le blocage qui s’est créé ces dernières années, ce manque de confiance.

Alors comme on me l’a conseillé, je vais essayer de commencer petit à petit.
Avec des choses anodines. Recommencer à lire, à faire des photos. A tenter un dessin par là, peut-être encore une peinture.
A écrire.
(Le sachiez-tu : j’ai trois articles de blogs entamés sur ce disque dur jamais achevés « parce que c’est nul ». Tss.).

Peut-être qu’en faisant ça, j’arriverai à ressentir un peu de satisfaction à faire quelque chose de valorisant et arriverai à reprendre confiance.

Arriver aussi à surmonter mes problèmes de gestion de mes passe-temps virtuels qui empiètent un peu sur mes interactions IRL.
Pour l’instant, je suis un peu en ON et OFF.
Quand j’ai envie de poster quelque chose, je le poste.
Quand j’ai besoin de souffler et de me déconnecter de la vie des autres et qu’on m’oublie un peu, alors je désactive tout quelques jours ou quelques semaines.

Je suis en train d’envisager de reprendre un blog de créations (critiques de lectures, écritures de fictions, dessins, etc) que j’avais à un moment sous un autre pseudo.
Pour ce blog-là, peut-être que j’arriverai à finir ceux que j’avais entamés (faut que je paye OVH aussi…)
Je regarde aussi des stages et bootcamp divers à l’étranger dans des domaines qui me parlent et qui me feraient du bien.

Bref.
Petit à petit.
Pierre par pierre.
On va essayer.

Si vous entendez parler de moi cette année, c’est que j’ai réussi. Si je continue d’apparaître en pointillée, c’est que je me débats encore dans mon labyrinthe. 

Plus qu’un blog de nouvelles, ceci est un blog d’auto persuasion.
Tout écrire pour le graver quelque part, se motiver.

Aussi pour rappeler à ceux qui en ont besoin aussi que votre pire ennemi, c’est vous même.
Votre propre prison, c’est vous même.
Qu’il faut se battre, tout le temps. 
Même si des fois, on s’en sent plus la force.

 Allez 2018, on y croit.
Plein de bonnes ondes, des bisous, des câlins et bon courage pour vous aussi.

COMMENT LE JAPON M’A RENDUE NATURISTE !

      17 commentaires sur COMMENT LE JAPON M’A RENDUE NATURISTE !

Ah bah oui.
En me permettant de vous envoyer sur les monts venteux pendant plus d’un an sans un seul billet, il fallait bien au moins un bon titre putaclic pour vous faire revenir sur ce blog poussiéreux.
Les techniques de communication sur le web ont évolué, je m’adapte, que voulez-vous.

Bref, vous allez être déçus, je ne suis pas plus naturiste que Geneviève De Fontenay (Quoique… Après tout, on ne sait pas tout.)
Même si c’est vrai que depuis 2016, je me mets régulièrement à poil en public, mais je reviendrai plus en détails sur ce point plus bas.
(Et non, je ne suis pas devenue stripteaseuse non plus. Tu lis et tu arrêtes de m’interrompre, merci.)

Donc déjà un an que je n’ai pas blogué.

Je ne vais pas vous refaire en détails mes vœux de nouvelle année, car pour être honnête, ils ressembleraient ligne pour ligne à ce que je vous ai écrit l’an dernier.
Croyez en vos rêves, faites vous des listes de choses à accomplir, de la plus insignifiantes à la plus démesurée, et réalisez ce que vous pouvez sur le chemin. Et à la fin de l’année, malgré toutes les galères que vous avez eues, malgré les possibles maladies, les déceptions, le climat politique de plus en plus MERDIQUE (et franchement, le mot est faible), hé bien c’est ce que vous avez accompli que vous retiendrez. Et c’est aussi ça qui donnera à votre vie cette petite saveur spéciale qui la rend digne d’être vécue.
Moi c’est comme ça que je fonctionne. J’oublie tout ce qui ne va pas dans ma vie (et malgré les apparences, la liste est longue) en m’offrant tout ce que je peux m’offrir en expériences et en défis.
Et ça me rend triste quand je vois des gens qui rêvent en voyant la vie des autres sans oser.
Donc je recycle ma vieille rengaine, 2017 est vôtre, OSEZ FAIRE CE QUE VOUS VOULEZ.

Aussi, cela fait un an déjà que je suis retournée au Japon.
Et ça a été une année bien chargée.

Honnêtement, je ne saurais vous dire si ça a été une bonne année ou non. A la fin de l’année, j’avais tendance à dire que ça avait été une année de merde bien comme il faut, mais je crois que c’est surtout le climat anxiogène actuel du monde qui me donne ce ressenti.
D’un point de vue personnel, ça n’a pas toujours été une année confortable psychologiquement, mais je pense encore une fois en avoir bien profité, et avoir beaucoup avancé dans mes projets et mon travail sur moi-même.

Beaucoup m’ont demandé pendant l’année qu’est-ce que ça me faisait de retourner au Japon après deux ans et demi d’absence. Je vais en profiter pour vous faire un peu le point là-dessus.

J’ai déçu pas mal de personnes avec cette réponse, mais je dois avouer que ça ne m’a pas bouleversée plus que ça en fait.
J’ai été contente de retrouver certaines choses, d’autres me gavent toujours autant, et voilà. Je pense que j’y ai vécu trop longtemps et en ai été absente trop peu de temps pour vivre une véritable nostalgie. D’autant plus que j’y étais revenue 3 semaines en 2014 donc la coupure n’a pas été aussi nette que ça.

Donc non, je n’ai pas eu cette émotion qui vous prend aux tripes que beaucoup ont cru que j’aurais, j’ai juste eu l’impression d’être revenue à la maison après des vacances. 
Certaines choses ont changé, pas mal de mes adresses préférées n’existent plus, mais pas dans des proportions assez importantes pour que je me sente perdue.

Par contre, mon rapport avec le Japon en lui-même a lui beaucoup changé, et donc mon état d’esprit au quotidien aussi. Je pense ne plus du tout avoir la même vie que celle que je menais il y a 3 ans, et je ne vis plus du tout le même Japon qu’à l’époque. Et je pense que c’est pour le mieux.
Certains vont peut-être trouver ça triste, mais je n’ai plus cette passion du Japon, il ne me fait plus vibrer.
Ne vous méprenez pas, ça ne veut pas du tout dire que je n’aime plus le Japon, je l’aime toujours et je l’aimerai toujours. Il représente une partie bien trop énorme de ma vie pour devenir insignifiant un jour.
Mais il ne me passionne plus. Je ne lis plus beaucoup de littérature japonaise, je ne regarde plus trop de films japonais, je ne regarde plus de drama, niveau musique je n’ai aucune idée de ce qui passe à la radio… Et surtout, je ne cherche plus du tout à avoir des amis Japonais, à vivre à la Japonaise, ou à vouloir rester dans ce pays à n’importe quel prix.
Et c’est ce qui fait toute la différence.

Déjà, je ne serais pas revenue si ce n’était pas les conditions dans lesquelles je suis aujourd’hui. Je travaille seule, à mon compte, sans être obligée d’aller à l’entreprise. C’est un mode de vie très isolé et faut vraiment se sortir les doigts du cul faire des efforts pour arriver à se créer une vie sociale mais c’est aussi une liberté qui n’a pas de prix. Je ne me coltine plus les rush hour, les open space, les horaires fixes et compagnie.
Je vais à l’entreprise une fois par semaine pour un meeting d’une heure et point barre. Et même si j’aime bien cette entreprise, je suis heureuse comme ça et je n’ai pas envie d’y retourner.
A côté, j’ai mes loisirs et des projets qui m’appartiennent et m’épanouissent autant que possible.
Je ne serais plus capable d’accepter un job de merde, pour une paye de merde, avec des conditions de merde, juste pour avoir un visa comme je l’ai fait entre 2011 et 2012.
Je ne regrette pas de l’avoir fait plus jeune car c’était une étape à passer, et que ça a fait de moi qui je suis aujourd’hui. Mais je sais aussi ce que ça coûte psychologiquement à côté et que ça peut juste vous dégoûter de ce pays (ou de n’importe quel pays d’ailleurs).
Avant, parce que j’avais envie de m’intégrer, parce que je voulais améliorer mon Japonais, et parce que j’étais passionnée, je voulais avoir un entourage exclusivement Japonais.
Aujourd’hui, en toute honnêteté, ça me passe complètement au dessus. Je m’en fiche. J’ai toujours quelques amis Japonais, j’en rencontre aussi via mes loisirs, mais je ne cherche plus à tout prix à créer de liens. Ils se créent naturellement, ou non. Et soyons honnête, bien souvent c’est non.
Résultat, je n’ai plus toutes les déconvenues que j’ai pu vivre avant, et les fameux « Oh oui, il faut trop qu’on se revoit !!! » et ne jamais revoir la personne malgré moult invitations.

Aussi, je dois avouer que vivre en Australie m’a énormément changée. Retrouver un mode de vie occidental m’a redonné le goût des rencontres spontanées.
Peut-être par lassitude, je joue de moins en moins le jeu des conversations codifiées des Japonais et leurs figures imposées qu’on retrouve à chaque fois :
「どこから来たんですか?」« D’où est-ce que tu viens ? »,   「ええ、日本語うまいですね!」« Oooh, que tu parles bien le Japonais. », 「日本の何が好きですか?」 « Mais qu’est-ce que tu aimes au Japon ? » , 「日本料理が好きですか」 « Tu aimes la cuisine japonaise ? » et j’en passe…
Ca fait dix ans que j’ai cette conversation en boucle à chaque rencontre, que je réponds les mêmes choses et que j’obtiens exactement les mêmes réponses à la virgule près.
Je ne jette pas la pierre aux Japonais, cela fait partie de leur culture de communication que d’approcher l’autre avec ces questions neutres qui reviennent à chaque PUTAIN DE fois.
Et les premières années, quand on ne parle pas très bien la langue, quand on cherche à rencontrer de nouvelles personnes, quand on ne sait pas trop quoi dire pour ne pas faire de faux pas, ces conversations formatées sont rassurantes.
Mais au bout de dix ans, elles sont devenues –en ce qui me concerne- gonflantes.
Alors j’ai tendance à ne plus faire d’efforts pour entretenir ces conversations bateaux quasi obligatoires et les Japonais avec qui j’arrive à tisser des liens ont soit vécu longtemps à l’étranger, soit sont un peu perchés et sortent des cases.

Ces quelques détails ont changé ma vie, en mieux.

Je ne vis pas à la Japonaise, mon entourage n’est pas exclusivement Japonais, le Japon ne me fait plus rêver comme avant.
Et paradoxalement, j’en profite plus qu’avant.
J’ai plus de temps pour moi et je n’ai plus une paye qui m’enterre sous le seuil de pauvreté.

Alors je voyage. Rien qu’en 2016, je suis allée à Hokkaido, pour la première fois à Okinawa et à Kyushu, et plusieurs fois dans le Kansai.
Je sors beaucoup plus qu’avant dans certains quartiers ou jardins pour y faire de la photo, je tente de nouvelle expériences culturelles (comme une soirée épique au théâtre Nô… Il faut que je vous en parle un jour, j’ai failli en faire pipi dans ma culotte), parfois au musée (et me transforme en Samurai au passage).

image1 (2)Que trépasse si je faiblis !

Donc paradoxalement, le Japon ne me fait plus vibrer, mais j’en profite beaucoup plus qu’avant. Je ne me mets aucune pression pour y rester à tout prix, pour avoir des amis Japonais, un mari Japonais (mon discours depuis 2012 et mes blogs sur le petit ami japonais n’a pas changé, je passe mon tour sur ce point et je vous les laisse) et « devenir Japonaise ».
J’en profite et j’apprends à redécouvrir le Japon en tant que pays d’accueil, sans me dire que je veux y rester, sans me déraciner… Et c’est la formule qui marche le mieux pour moi aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a changé d’autre ?

– Je suis devenue une Roppongi-Girl.

Quelle horreur. Sachez que le moi du passé me jette actuellement une grosse pierre bien aiguisée en me jugeant, les sourcils froncés.

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Roppongi, le quartier que je déteste le plus par excellence. Le quartier glauque où quasi à chaque fois que j’y vais, je vois des mecs complètement bourrés se foutre sur la gueule, le quartier qui te rappelle la France avec son harcèlement de rue de merde, le quartier dégueulasse des rabatteurs qui te tirent sur le bras vers son boui-boui louche en te disant « Hey Baby ! Come in my bar !», le quartier qui sent le graillon avec ses Kebab tous les 2 mètres et le vendeur qui te crie inlassablement à chaque passage « No Kebab, No life !  No Kebab, No Life !».
Gros, j’ai rien contre les kebabs mais là il est minuit, j’ai mis mes habits de lumière pour faire ma belle sur le dancefloor, j’ai moyen envie de m’enfiler un Kebab au risque de baptiser ma nouvelle robe H&M de mayonnaise et avoir l’haleine qui pue l’oignon jusqu’au matin. Merci de ta compréhension.

C’est aussi, à d’autres heures de la journée, le quartier des boutiques de luxe et des restaurants hors de prix, mais ce n’est pas spécialement mon délire donc ça ne rattrape pas forcément les choses à mes yeux.

Bref, je n’aime tellement pas ce quartier qu’en ayant vécu 5 ans au Japon avant, j’avais dû y aller environ 2 ou 3 fois à tout casser. Dont deux fois sous la contrainte.
Et maintenant, j’y vais presque toutes les semaines. Pardon à tout ceux que j’ai déçu, je comprends… *se flagelle*
Pourquoi un tel revirement ? Parce que vivre avec des Colombiens en Australie a changé ma vie et que je me suis mise en tête d’apprendre la salsa et la bachata en 2016. Que c’est devenue ma passion et que les seuls endroits sympas où je peux aller danser toute la nuit sur un air latino, bah c’est Roppongi.
Alors je me maudis à chaque fois que je traverse ce triste quartier et qu’on me tire sur le bras, qu’on me fait un commentaire dégueulasse ou que je slalome entre deux âmes perdues qui font connaissance à coups de poings… Jusqu’à ce que je passe la porte d’entrée et que les rythmes endiablés d’Amérique Latine m’accueillent en me disant que finalement, ça valait la peine de faire la traversée des Enfers.

Donc oui, depuis que je suis revenue à Tokyo, la danse latine a pris une place immense dans ma vie. C’est pas très Japonais me direz-vous, mais c’est fort épanouissant et vu comme je suis mordue, ça ne risque pas de s’arranger.

  • Je me fous régulièrement à poil en public

Nous y voilà.
Je sais bien que c’est ce que vous attendiez de savoir depuis le début, bande de dégoûtants ! Pardon, la réalité est clairement moins croustillantes que le titre.
Mais habituez-vous, la vie est souvent comme ça. 

Bref, comme ceux qui me lisent depuis longtemps le savent, je suis la personne la plus complexée du monde.

En 2017, j’en suis toujours là, je hais mon corps. 

Expliquez-moi comment on apprend à s’aimer, parce que moi je commence à perdre espoir. Je ne pige pas quel est le secret de l’acceptation de soi (et pourtant j’en ai fait des trucs) et je ne sais toujours pas me regarder dans une glace sans éprouver un profond dégoût.
De ce fait, j’ai bien du mal à me déshabiller, voyez-vous.

L’Australie m’a réconciliée – un peu – avec le maillot de bain. Cela faisait plus de dix ans que j’évitais un maximum de me mettre en maillot pour me baigner. Au point que sur les 15 dernières années, je peux vous citer précisément les deux fois où je me suis mise en maillot en public sur une plage.
En Australie, même si j’ai été loin d’en profiter autant qu’une personne qui n’a pas ce problème, j’ai bravé le regard des autres avec mon deux pièces sur la plage quelques fois.
Les premières fois n’ont pas été faciles (surtout sur Bondi Beach où tout le monde semble être choisi sur casting…), mais j’ai fini par me faire violence.

Voyez qu’avec ce niveau, j’étais loin de pouvoir profiter d’un des plus grands avantages de la culture japonaise : les onsens.
Hé oui. Depuis la première fois où j’ai foutu les pieds au Japon en 2003, je n’avais jamais baqué mon cul dans les célèbres sources d’eau chaude qui font la fierté du pays du soleil levant.
Je me suis toujours cachée derrière l’excuse du « Je suis tatouée, je peux pas »pour éviter ce supplice.(Alors que concrètement, en cherchant, il y a des onsens où ça passe… Et il y a aussi les auberges avec bain privé, mais ça j’avais pas les moyens, ce qui est un autre problème) 

Mais ça m’a toujours titillé.
C’est que tout le monde a l’air d’adorer ça. Et que ça fait partie des « must-do » au Japon.
Imaginez l’effarement des gens quand je leur sors qu’après plus de 10 ans de Japon, je n’ai jamais essayé.

Et puis, comme je suis la douce @_Alicedelice_ sur Twitter ou Instagram, ambassadrice officielle des Sento (bains publics japonais) et de loin la personne la plus passionnée par les bains que je connaisse, ma curiosité n’a fait que s’amplifier.
Surtout qu’en partie grâce à son influence, la communauté française au Japon fréquente de plus en plus les bains publics et en vantent les mérites.
Donc j’ai commencé à me dire que j’avais envie d’essayer. Mais diantre, se foutre à poil en public quoi…
Résultat, les premières fois où des amies m’ont invitée à aller au sento, je me suis toujours défilée.
Pas prête.

Et puis finalement, en mars, avec une  amie nous avons décidé d’aller à Hokkaido… et de prendre un hôtel avec onsen.
Je me suis dit que c’était l’occasion rêvée. Je suis loin, je suis avec une des personnes avec qui je me sens le plus à l’aise au monde et en qui j’ai confiance…
Bref, pour la plupart des gens, aller au onsen pour la première fois est anecdotique, pour moi ça a été la plus grande révolution personnelle qui soit.

Je ne me suis pas dégonflée et je l’ai fait.

Même si pour être tout à fait honnête, au moment où je me suis déshabillée et que je me suis retrouvée nue, j’avais envie que la terre s’ouvre sous mes pieds et m’enterre à jamais. J’avais les larmes aux yeux, je me sentais mal, et j’avais envie de mourir.
Rien que ça.
Tout le passage de la douche avant de passer dans le bain a été un supplice, recroquevillée sur mon petit tabouret (oui, les Japonais se lavent assis, les bougres), me savonnant machinalement pendant que mon esprit sombrait complètement dans un sentiment d’humiliation complètement fabulé.
Comme quoi, tu peux accomplir tout ce que tu veux dans la vie, avoir été la risée de l’école à cause de tes bourrelets te poursuit toujours un peu. 

On est entrées dans le premier bain en intérieur, ce qui m’a soulagée car on me voyait moins, mais ce n’était pas encore l’éclate.
Donc autant vous dire que les 15-20 premières minutes de cette expérience ont été franchement une épreuve et que je ne voyais pas encore l’intérêt de m’infliger tout ça.

Et puis finalement, on a décidé de passer au bain extérieur.
Aller dehors nue comme un vers quand il fait -10 degrés. Concept.

Mais à peine a-t-on ouvert la porte, que l’expérience s’est métamorphosée.
Le bain charmant et son petit jardin, ses petites cascades, les pierres, les lanternes, la fumée qui s’échappe du bain, et la vue sur les montagnes enneigées…
La chaleur de l’eau dans le froid de l’hiver provoque une petite buée qui fait qu’on ne se voit pas trop les uns et les autres, il fait si froid que si plonger est un délice. La neige qui tombe sur le visage et les épaules pour te rafraîchir.
Et très vite, les minéraux rendent la peau douce et lisse…
Le bonheur.
Très vite, on s’en fiche d’être à poil. Surtout que, concrètement, les Japonais s’en foutent.

Personne ne te regarde, chacun kiffe son bain tranquille, et la magie de l’eau chaude qui détend chacun de tes muscles fait le reste.

J’ai tellement apprécié que j’ai voulu recommencer dès le lendemain. Impensable.

En rentrant de voyage, je me suis renseignée sur les sento de mon quartier et me suis dit qu’il fallait battre le fer pendant qu’il était encore chaud.
Donc j’ai commencé à y aller de temps en temps seule, après une longue journée de travail. Les bains chauds, les bains au citron, les bains massants, les bains en plein air avec vue sur petit jardin…
COMMENT J’AI FAIT POUR VIVRE SANS ?!

En juin, je me suis inscrite à la salle de sport. Et j’adore ponctuer ma séance par un petit sauna.
Mais le sauna au Japon, même combat, tout le monde à poil (hommes et femmes séparés, bien entendu). Alors en avant Guingamp, on fait tomber le T-shirt et le jogging trempés de sueur. 
Le moment de me déshabiller me coûte toujours un peu, mais il n’y a plus cette détresse, cette envie de pleurer, cette envie de mourir. Il ne me reste plus que ma pudeur.

Et c’est ainsi que moi qui ai évité les maillots de bain pendant plus de dix ans… ai fini en 2016 par me mettre complètement nue en public 4 à 5 fois par semaine.
Je connais tellement de gens à Tokyo pour qui ça ne pose strictement aucun problème, que ça paraît peut-être ridicule, mais je vous jure, pour moi c’est énorme.
Un petit pas pour l’homme, un saut de l’ange pour Sonia.

C’est aussi une excellente thérapie, car jamais de ma vie je n’ai vu autant de corps de femmes.
Et vous savez quoi ?
Ils sont tous imparfaits.

Bourrelets, cellulite, ventre rond ou qui pend, cicatrices, fesses plates, seins tombants ou inexistants… Au sento ou au sauna, personne n’est photoshopé.
On vient tous avec nos défauts. Et on se rappelle qu’on est normal.

Alors voilà, mon corps ne me plaît toujours pas. Je déteste mon ventre, mes cuisses, mon gras.
Si je pouvais signer un contrat avec Ursula en échange de ma voix pour m’en débarrasser, je mets mon nom direct.

ursulaL’une rêve d’être un squelette et l’autre cherche une amourette, et moi qu’est-ce que je dis ? JE DIS OUI !

Mais le fait est que maintenant le problème est purement personnel et je le sais. Je ne me pose plus la question du regard des autres, car finalement les autres, avec leurs corps différents, elles sont quand même comme moi. Donc je me fiche pas mal de ce qu’elles pensent, et d’ailleurs, très certainement qu’elles ne pensent rien. Elles ne me regardent même pas.
Le problème est avec moi-même, les autres ne me stressent plus.

Et voilà qu’aujourd’hui, même avec toutes les casseroles que je me traîne, me mettre nue en public ne me pose plus tant de problème. 
J’ai toujours des réserves à y aller avec des personnes que je connais, je préfère être avec des inconnus, mais le fait est que quelque chose qui m’a été impensable pendant une décennie fait partie de mon quotidien aujourd’hui.
Et quel pied, parce que ça fait tellement de bien ces moments de détente dont je me suis privée si longtemps !

Une si belle découverte que j’ai bien envie de vous écrire un jour sur le sujet des onsens/sento plus en détails, donc si ça vous intéresse n’hésitez pas à me le dire et je creuserai un peu le sujet pour vous en parler en plus de mon expérience personnelle.
En attendant, n’hésitez pas à suivre Dame Stéphanie ici pour en découvrir un peu plus.

  • Les menus en anglais

Les jeux olympiques de 2020 se rapprochent à grands pas et ça se sent ! De plus en plus de choses sont mises en place – à Tokyo en tous cas – pour faciliter la vie des étrangers touristes au Japon. Dont, de l’anglais un peu partout.
Quand je repense à mon premier Tokyo d’il y a 13 ans où tout était en Japonais partout et démerde-toi, c’est vraiment le jour et la nuit.
Et donc, j’ai eu la surprise de constater à mon retour que maintenant, la plupart des restaurants et des cafés ont un deuxième menu entièrement en anglais.
Donc évidemment, quand mon visage pâle entre dans un nouvel établissement, on me refourgue bien souvent le menu en anglais.
Bon personnellement je ne m’en offusque pas, ce n’est pas marqué sur mon front que j’habite ici et que je lis le japonais, alors menu anglais ou japonais, peu importe.

Sauf qu’à chaque fois que je commande avec leur menu en british, il se passe une couille.
Le guss comprend pas ce que je commande, ou bien ne se souvient plus à quoi ça correspond en japonais et ne m’apporte pas ce que j’ai commandé. En résulte des situations un peu loufoques où je me mets à commander en anglais avec le meilleur accent japonais possible ou que je tente de traduire moi-même le nom du plat pour être sûre d’avoir ce que je veux.
Bref, l’intention est là mais nos amis japinois ne sont pas au point et va peut-être falloir prendre quelques cours du soir pour paufiner tout ça…
En attendant, bah je fais mon arrogante et finis par leur demander le menu écrit en Japonais quand je vois la personne me tendre le menu anglais, les mains tremblantes et la sueur au front en mode « Pourquoi c’est tombé sur moiiiii ? ».

(Ils ne sont pas tous comme ça, mais en rajouter est ma marque de fabrique.)

– La France fait moins rêver.

Combien de fois sur ce blog me suis-je plaint que les Pimponais me gavaient à résumer la France à un sac à main Vuitton et à la fantasmer romantique, propre et élégante (qu’elle est parfois, mais pas toujours, admettez.).
Autrefois, quand on me demandait d’où je venais et que je répondais que j’étais Française, on me répondait par 「おぉ、フランスはおしゃれですね!」(« Oh, comme la France est raffinée ! ») ou 「素敵です!」(« C’est merveilleux ! ») et je devenais le sommet de l’élégance sans même avoir rien fait.
Aujourd’hui, la réponse est toujours systématique d’une rencontre à une autre, mais a changé de registre.
Maintenant j’ai droit à 「テロは大変でしたね 」(« C’était terrible, vos attaques terroristes. »).
Hé oui, après Charlie Hebdo, le Bataclan et Nice, on est passé du luxe et du raffiné au terrorisme.
Je ne suis plus au sommet de l’élégance mais une pauvre enfant de la guerre.

Les deux fois où je suis rentrée en France en 2016, j’ai eu à chaque fois un ou deux gugusses pour me dire  d’un air malheureux「テロは気をつけてね。頑張って!」 « Fais attention au terrorisme ! Courage ! ».
Merci coco de me casser mon groove alors que j’étais au taquet de retrouver ma mère et mon chien.
Bon, je ne le prends pas vraiment mal car je sais que ça part d’un bon sentiment mais… On ne vit pas encore sous les bombes non plus.
Et j’aimerais bien qu’on m’explique comment on fait attention à pas se retrouver dans un attentat. Le principe d’une attaque terroriste c’est que c’est surprise-surprise. Je vais peut-être pas aller au géant casino acheter mon fromage de chèvre avec un gilet par balles, un casque et des chaussures de sécurité. (On y viendra peut-être ceci dit.)
Je ne leur jette pas la pierre, Pierre, mais c’est vrai que passer d’un truc réducteur à un autre sans transition me blase un peu, surtout que je ne sais pas toujours quoi répondre à leur air grave et désolé.
Et ce que je dois prendre un air triste ? Est-ce que je dois balayer le sujet avec un sourire avec un « Ca va aller ! » ?

Surtout quand on m’enchaîne des commentaires du type 「イスラムは怖いですね。日本はそういう問題がないので、ここに来てよかったね!」 (« L’Islam, ça fait peur, hein ? Au Japon on a pas ce genre de problèmes, donc heureusement que t’es venue ! » ou 「昔のフランスの方がよかったなぁ…」(« La France, c’était mieux avant… »).

Bref, encore une fois je sais que ça ne part pas d’un mauvais sentiment et que la complexité du problème leur passe un peu au dessus, mais je ne sais jamais vraiment quoi répondre à chaque fois qu’on me fait ces réflexions. Et je ne sais pas si c’est encore moi qui ai pas de chance, mais j’ai ce genre de réflexions de plus en plus souvent.
 
Voilà en gros pour les choses qui ont changé dans ce nouveau Japon que j’expérimente depuis un an.
Sinon, il reste fidèle à lui-même…

Les sushis, c’est la vie.
La pollution sonore est insupportable, le bruit dans les gares me stresse (mention spéciale à Shinjuku) et me donne parfois envie de me taper la tête contre les murs.
On se sent en sécurité et personne ne m’emmerde dans la rue et ça n’a pas de prix.
Il y a trop de monde partout et les fils électriques qui gâchent 95% des paysages me dépitent.
Tout est super pratique et à portée de main.
Les cafards sont toujours au rendez-vous.
On trouve tout, à n’importe quelle heure et c’est génial. 
La plupart des bâtiments sont moches.
Le Fuji est si majestueux qu’il me donne envie de pleurer à chaque fois que je l’aperçois.
Il faut faire la queue pour chaque truc sympa.
Les massages du crâne chez le coiffeur sont un cadeau des dieux.
Les Japonaises parlent avec le nez.

Bref, du bon, du moins bon, du génial, de l’horripilant, de la détente et du stress.
Le Japon dans toutes ces extrêmes et ses nuances.

Ainsi s’est passé 2016.

Et ainsi commence 2017. Ou presque.
Puisque si vous me suivez sur les réseaux sociaux (Twitter, Instagram, Snapchat… Non je n’ai pas de vie, oui je suis dépendante de mon téléphone), vous savez que j’ai passé tout le mois de janvier en Nouvelle-Zélande pour accomplir ma quête de l’anneau unique.
Je rentre à peine au Japon en fait.

Je vous ai promis plusieurs fois en 2016 le retour du blog et en bonne politicienne, j’ai menti à chaque fois. Mais j’ai vraiment travaillé comme une dingue jusqu’en automne avec un petit burn-out des familles début d’été tellement j’étais pressée comme un citron et que je n’en pouvais plus.
Depuis j’ai fait embaucher 3 personnes et mon travail a été divisé par 4 donc autant vous dire que ma vie a littéralement changé, mais j’avais tellement plus de jus et j’en avais tellement marre d’être assise devant mon ordinateur que dès que j’avais fini de travailler, je le fuyais… Pas pratique pour bloguer me direz-vous.
J’ai mis toute la fin d’année à récupérer, retrouver l’envie et me réorganiser.

Aujourd’hui ça va, et j’arrive petit à petit à redébloquer un peu de temps pour moi et pour mes loisirs.
Et comme écrire me manque, ce blog fait partie de mon Top 3 des choses à faire cette année.

Alors j’espère que ce ne sont pas des promesses dans le vent, surtout que je vous dois toujours certains sujets et que j’en ai d’autres sur le feu.
Et si vous avez des requêtes, je suis toute ouïe.

Croisons les doigts pour que je ne retombe pas dans mes vieux travers du surmenage et que j’arrive à reprendre mon clavier en main.

C’est le dernier jour de janvier donc j’ai encore le droit : Je vous souhaite une excellente année 2017.
Elle sera pourrie, bien entendu (regardez les news pour en être convaincus) alors n’hésitez pas à la prendre en main vous-même pour vous créer votre propre bonheur au milieu de toute cette merde.
N’attendez pas le bonheur, allez le chercher.

Je vous embrasse et remercie aussi toutes les âmes bienveillantes qui m’envoient régulièrement des petits mots réconfortants alors que je n’écris rien.

A très vite.
Avant 2018.
Promis.