Les MICI ? Non, mici.

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Un blog catégorie « drôle » écrit à 85% était censé pointer son nez sur ces pages bien avant cet article, qui lui sera un peu moins rigolo.
Mais tant pis, car je voulais poster celui-là le 19 mai.

Le 19 mai, c’est la journée mondiale des MICI.
Et comme je mettrais ma main au feu grégeois que les trois quarts de mes lecteurs penseront « les quoi ? », je me dis qu’un petit article ne pourrait pas faire de mal.
Je préviendrai avant de commencer que je ne serai certainement pas à la pointe des dernières découvertes puisque je ne me tiens pas vraiment au courant, que je ne suis dans aucune association, et que je vis un peu mon quotidien comme si ça ne me concernait pas…
Mon témoignage vaut ce qu’il vaut, mais s’il peut vous apprendre deux trois choses sur le sujet, ou aider des personnes concernées d’une quelconque manière, alors c’est toujours ça.

Les MICI c’est quoi ?

Que de suspense, n’est-ce pas ? Vous brûlez maintenant d’envie – ou pas – de tout savoir sur le sujet.
Alors, les MICI, ce sont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, qui regroupent deux maladies cousines, la maladie de Crohn (la plus connue des deux et dont vous avez sûrement entendu parler) et la recto-colite hémorragique (bon appétit).

Comme la plupart des gens, je n’avais pas entendu parler de ces maladies jusqu’à l’âge adulte.
Par contre, même si ça ne me concernait pas du tout, je me souviens comme si c’était hier de la première fois dont on m’en a parlé.

J’avais 20 ans, et comme tous les soirs à l’époque, une fois ma journée de cours terminée, je rentrais chez moi, allumais mon ordinateur, me connectais à MSN Messenger pour parler avec mes amis virtuels rencontrés sur des forums divers des vraies choses de la vie : Sailor Moon, Disney, le Seigneur des Anneaux et Harry Potter.
Remplacez le Seigneur des Anneaux par Game of Thrones, et vous obtiendrez plus ou moins le contenu de mes conversations plus de 10 ans plus tard… Je suis quelqu’un qui sait évoluer, que voulez-vous.

Ce soir-là, je parle avec une amie qui ne se sent pas bien et qui est en pleine crise de panique.
Depuis des semaines (des mois ?), elle a des douleurs abdominales violentes inexpliquées qui lui pourrissent la vie.
Après de nombreuses recherches et erreurs de diagnostique, ils ont finalement décidé de lui faire passer une coloscopie pour vérifier si ce n’est pas la maladie de Crohn.
Elle est terrorisée que ce soit le cas.
Elle me raconte alors que la maladie de Crohn est une maladie inflammatoire de l’intestin qui provoque des douleurs intestinales insupportables et des diarrhées incontrôlables qui peuvent s’éterniser sur des semaines ou des mois.
Qu’au long terme, si on a pas de chance, l’inflammation peut s’étendre aux articulations, se transformer en cancer du colon, en découpe de l’intestin, retrait du colon et/ou du rectum et finir à vivre sa vie avec une poche pour récupérer les selles et les gaz.
Elle me raconte son histoire de boucher et son angoisse de ne pas vivre une vie normale, et je suis horrifiée sur ma chaise.
J’ai peur pour elle, je me demande si elle devra réellement vivre comme ça toute sa vie, je n’ai pas les mots.

Quelques temps plus tard, elle a les résultats de ses examens.
Pas de MICI pour elle, tout va bien.
Je pousse un soupir de soulagement, sans me douter une seconde que deux ans plus tard, c’est à moi qu’on va diagnostiquer cette merde. 

Le début des réjouissances

Attention, comme mon blog sur les TCA, j’ai pas l’intention de vous enjoliver l’histoire. Donc si y’a des âmes sensibles des histoires de pipi-caca, je peux vous rediriger sur des pages plus légères et rigolotes de ce blog (comme ici).

La première diarrhée dont je garde un souvenir mémorable remonte à la première semaine de juillet 2004.
Je peux vous le dire aussi précisément parce que c’était la fête du cinéma, et qu’à l’époque c’était mon événement culturel préféré.
Je le faisais tous les ans seule, car mon trip, c’était de faire tous les films que j’avais pas pu voir pendant toute l’année et de me faire un gros marathon cinéma pendant 3 jours, à un rythme et un volume que peu étaient capables de suivre.
Regarder le programme des cinémas, créer mon petit emploi du temps, remplir le petit carnet fourni par les cinémas en écrivant le titre des films que j’avais vus et rédiger mon avis. J’attendais ce moment avec impatience à chaque début de l’été, surtout que je ne sais pas trop aujourd’hui vu que cela fait trop d’années que je ne vis plus en France et que tout augmente, mais à l’époque les séances étaient vraiment données pendant l’événement.

En général, je m’arrangeais pour aller aux cinémas du centre ville qui étaient desservis par les transports en commun, mais cette année-là, dans le cinéma en dehors de la ville –accessible qu’en voiture à l’époque- ils passaient une pépite –que dis-je, un chef-d’œuvre ! – que je REFUSAIS de rater…
Je parle bien entendu de Dirty Dancing 2.

Ouais ouais, c’est ça, riez !

Mais Dirty Dancing reste un classique pour ma génération, et le 2 se passe à Cuba avec de la salsa (oui, j’avais déjà un faible) avec des beaux garçons (qui ne ressemblent pas du tout à des cubains, mais c’est un autre débat…) qui bougent bien leur bassin et il s’inspire en plus d’une histoire vraie, donc ce choix était tout à fait justifié.

Bref, je rappelle qu’on est en 2004, le haut débit commence à peine à se démocratiser, Netflix n’existe pas et trouver des petits films de ce type, c’est pas toujours aisé.
Donc je n’avais pas d’autre choix que de faire chier ma mère pour qu’elle me dépose en voiture à ce cinéma, m’y laisse la journée pour que j’assouvisse mes plus bas instincts de midinette qui apprécie les navets et repasse me chercher en fin de journée.

Sauf qu’en plein film… Je me sens mal.

Des crampes au ventre insupportable. Je serre les dents, commence à transpirer… Même les beaux yeux du ténébreux Javier à l’écran (je parle pas du glandu de Koh Lanta et de son faux collier) n’arrivent pas à me détourner de mes intestins qui semblent participer eux aussi à la révolution cubaine.
Et je vous interdis les réflexions de type « c’est parce que le film est à chier », la vanne est bien trop facile et vous valez beaucoup mieux que ça.
Respectez-vous s’il vous plaît.

Bref, je suis obligée de quitter La Havane en trombe pour me précipiter dans les toilettes du cinéma où je me vide littéralement.
Je ne comprends pas d’où vient cette diarrhée. Je ne me sens pas malade.
Peut-être la chaleur ?
Se taper une tourista à Besançon, c’est quand même triste.

Quand je commence à me sentir mieux, je retourne me poser devant mon film, espérant que les danses et les rythmes cubains me feront oublier ce drôle d’épisode.
Je parviens à terminer le film, mais dois retourner aux toilettes juste après.
Je me sens tellement mal que je renonce à aller voir un second film et reste dans le café du cinéma à attendre que ça passe.

Quand on revient me chercher et qu’on me demande comment était ma journée, je réponds que j’ai eu une diarrhée inexpliquée qui m’a pourri la journée, mais on ne cherche pas plus loin.
Peut être la chaleur, peut-être un truc que j’ai mangé.

En septembre, je pars m’installer à Lyon pour entrer en fac de Japonais. Il m’arrive de temps en temps d’être reprise de diarrhée, je me souviens notamment d’une fois où je devais rentrer à Besançon un week-end et que j’ai finalement pris le train d’après car je me sentais mal.
A chaque fois, je ne m’en formalise pas, car c’est très ponctuel et il se passe des semaines (des mois ?) entre chaque.

C’est peut-être la gastro, c’est peut-être la bouffe, c’est peut-être Chirac Président, que sais-je.

Le fait est que, ça m’handicape sur le moment, mais après je reste tranquille et en forme suffisamment longtemps pour que je ne cherche pas plus loin.

En décembre, après une disparition de quelques jours, on retrouve ma tante décédée.
Si je ne l’exprime pas ouvertement autour de moi, je le vis très mal.
D’autant que l’enterrement aura lieu au moment de mes premiers partiels. Rentrer à Besançon me ferait en manquer plusieurs.
En France, sauf si ça a changé depuis, un décès ou une maladie ne change rien, une absence à un partiel, c’est être défaillant et un 0.

Je pourrais rentrer quand même et repasser des rattrapages en juin, mais à l’époque je ne sais pas si ça peut avoir des conséquences sur mes bourses, sur mon dossier (moi qui veut faire partie des sélectionnés pour être envoyée au Japon) et on me conseille de rester à Lyon passer mes examens tranquillement, que de toute façon je ne peux plus rien faire pour elle.

Je prends cette décision de rester pour terminer mes examens et ne pas aller à l’enterrement, mais je suis rongée par la culpabilité.
Je n’arrive pas à dormir, je n’ai pas envie de parler aux gens et passe mes soirées à jouer à Kingdom Hearts, en attendant que le temps passe et que les vacances viennent pour que je puisse rentrer chez moi.

C’est à ce moment-là que les diarrhées reprennent. Petit à petit, mais elles s’installent dans la durée, de plus en plus violentes.

On m’a souvent dit qu’un choc émotionnel ou un stress pouvaient être le facteur déclencheur. Je suppose que dans mon cas, ça a été cet épisode de ma vie.
Même si cela a pris encore quelques semaines avant que je m’inquiète réellement.

Les fêtes de fin d’années passent, je continue d’avoir des crampes aux ventres et des envies pressantes, mais encore une fois, je pense à la gastro…

C’est la saison, puis en plus on mange mal pendant les fêtes, c’est normal de se sentir barbouillé.
Je vais chez le médecin, mais à chaque fois, verdict qui n’a rien d’alarmant.

La diarrhée, ça arrive tout le temps, après tout.

Diagnostique

Arrive février.
J’ai toujours la diarrhée, maintenant tous les jours. Cela fait bientôt deux mois que ça dure.

Parfois, les douleurs sont tellement fortes, qu’elles me provoquent des nausées et je vomis en même temps. Je dois aller aux toilettes avec des sacs plastiques car ça part des deux côtés.
Je suis de plus en plus fatiguée, cette fois c’est trop long et trop fort pour que ce soit une simple gastro.
Je rentre à Besançon, et me réveille un matin le cou bloqué.

J’ai certainement dormi dans une mauvaise position mais ça commence à faire beaucoup de symptômes bizarres.
Je retourne une énième fois chez le médecin.
J’explique que mes diarrhées, non seulement ne sont pas passées, mais en plus de s’éterniser depuis des semaines, sont devenues tellement violentes que la douleur me provoque des vomissements. Que je dors peu, que je suis fatiguée, et que j’ai fini par me bloquer le cou.

Vomissements, raideur du cou… Et manque de bol, il y a eu des cas de méningite dans le coin quelques temps plus tôt.
Même si le reste de mes symptômes ne correspondent pas, on m’envoie aux urgences.

Ah, les urgences !

Cet endroit merveilleux où on vous fait attendre tellement longtemps en vous ignorant, qu’on finit par se demander si on ne vous a pas oublié dans un espace-temps parallèle et si vous n’allez par ressortir de cet enfer en l’an 2280.
Mon avantage, c’est que comme je suis potentiellement contagieuse, on me fout dans un lit en quarantaine. La VIP du CHU en quelque sorte.

Au bout d’un moment, on m’annonce la bonne nouvelle : je vais avoir droit à une ponction lombaire !
J’ai bien fait de venir, dites.
Allez c’est parti, anesthésie locale et aiguille de 10 cm dans le dos.
Ce n’est pas très douloureux mais extrêmement désagréable, et la sensation perdure longtemps après.
Les résultats viennent assez vite : point de méningite.
« En même temps, vous aviez pas vraiment tous les symptômes, la diarrhée ça n’a rien à voir. »
Oui bah je sais, c’est pas moi qui ai décidé de venir ici me faire charcuter le dos par plaisir.

Après une ponction lombaire, le patient est censé rester en position allongé pendant 6h afin d’assurer l’obturation de la brèche méningée provoquée par l’examen et éviter d’autres effets secondaires pas top.
Mais moi, je n’ai pas de méningite. Mon statut vient de passer de VIP à indésirable, et ça fait à peine une demi-heure, qu’on me demande de prendre mes cliques et claques et laisser la place aux vraies urgences.
Ma mère est soufflée qu’on me mette dehors alors que je peux à peine marcher, mais le verdict est tombé : cassez-vous.
Mode Mère-Courage, elle soutient sa fille plus grande qu’elle de plus de 20cm, clopin-clopant jusqu’à la voiture.
On rentre, et je reste couchée dans mon lit, un peu au bout du rouleau.

Je viens de passer une journée abominable, je me sens mal physiquement, un peu moins que rien psychologiquement, et je sais toujours pas ce que j’ai.

Je reprends les cours, les diarrhées continuent. Elles sont particulièrement fortes le matin et la nuit, avec une accalmie inexpliquée dans l’après-midi dont je profite autant que je peux.
Puis très vite, vient un petit plus : mes selles deviennent rouges.
Elles sont pleines de sang.

Autant j’ai tendance à ne pas beaucoup m’inquiéter pour moi-même, autant chier du sang, je vous le dis tout de suite, ça fait un drôle d’effet.
J’annonce cette évolution à ma mère qui évidemment se ronge les sangs (sans jeu de mots).

Cette fois, on prend mes histoires de caca au sérieux, on m’envoie faire des analyses plus poussées.
Les analyses sont marrantes : je dois leur donner un échantillon de mes selles.
Alors déjà quand tu fais des analyses d’urine, pisser dans un gobelet demande tout un art de maîtrise de soi et de dextérité…
Mais quand tu dois le faire pour la grosse commission, je vous laisse imaginer l’exercice.
Dans ma tête, c’est le branle-bas de combat pour trouver une technique safe de récupérer le paquet sans s’en mettre plein les doigts.

C’est là que commence le début de la perte de ma dignité.
Première aventure d’une longue série bien dégradante.
Après plusieurs essais ratés, je me retrouve donc à chier assise dans ma baignoire, au dessus d’un seau stérilisé. Puis à ramasser le tout à l’aide d’une cuillère et le mettre dans leur gobelet en verre à la con.

Mission accomplie, j’ai capturé la bête.
Je vais donc apporter mon superbe trophée au bureau d’analyses.
Peu de temps après, j’ai le résultat : Oui madame, vous avez bien du sang dans vos selles.

MERCI CAPTAIN OBVIOUS.

Je me sens un peu découragée sur le moment qu’on m’annonce un truc que je sais déjà, mais il paraît que c’est une avancée quand même.
On m’envoie donc chez le spécialiste des caca sanglants : le gastro-entérologue.
Il me pose des questions, m’ausculte, regarde mes résultats d’analyse et m’annonce qu’il me soupçonne d’avoir une Rectocolite ulcéro hémorragique.
Sur le coup, le nom m’emballe pas beaucoup.

Je ne situe pas, et il me demande si je connais la maladie de Crohn.
Je repense à la conversation que j’avais eue avec mon amie un an et demi plus tôt : oui, ça je connais.
Doc : « Hé bien c’est la maladie cousine. » 

Ah. Super.

Autant vous dire que je suis encore moins emballée par cette histoire.
Toutefois, ce n’est pas encore sûr.
Je vais avoir droit au test ultime : la coloscopie (accompagnée d’une endoscopie bonus, juste pour vérifier mon estomac après tous les vomissements).

Pour les épargnés de la vie qui ne savent pas ce que c’est, c’est prendre mon anus pour le tunnel sous la Manche et lui faire passer une longue sonde qui va aller se balader dans mon anus et mon intestin avec une petite caméra.
Un Secret Story de l’extrême, si vous voulez.

Personnellement, j’aurais préféré un week-end à Disneyland, mais puisque c’est la seule chose qu’on me propose, je n’ai pas bien le choix.
La date de l’intervention est fixée, je vais courir les anesthésistes et autres pour me préparer et la veille, je dois commencer le travail : me nettoyer les intestins.

Et non, pour ça je n’ai pas besoin d’un gant de toilettes et de savon de Marseille.

Mon intestin doit être vidé de toute matière fécale, et pour ça, je dois arrêter de manger et boire 2L d’un liquide dégueulasse et visqueux.

La mixture me donnera… bah la diarrhée, tiens.

Ca va, je commence à bien maîtriser le sujet.
Je suis ceinture noire de colique, même pas peur.

Sauf que cette fois, on parle de vider complètement mon intestin. Je passerai donc la nuit sur le trône, à avoir des diarrhées incontrôlables jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, que mes selles soient presque transparentes et le cul littéralement en feu tellement il est irrité.
Ma nuit est un enfer couplé par un autre putain de coup du sort.

J’ai mes règles.
Je les avais oubliées ces connes.

Ils vont aller m’enfiler des sondes de plusieurs dizaines de centimètre entre les guiboles alors que j’ai mes règles.
Si j’avais l’espoir de rester un minimum glamour, là c’est définitivement mort.
Je sais qu’à ce stade, je ne devrais pas m’inquiéter pour ça, mais quand même, ça me tue au reste.

Le lendemain j’arrive à la clinique, on me prend vite en charge.
Au moment de l’anesthésie générale, je me tourne vers le médecin, morte de honte.
« Je suis désolée, je me suis bien lavée, mais j’ai mes règles. »
Il me sourit : « Ne vous inquiétez pas, je suis médecin, j’ai l’habitude et j’en ai vu d’autres. »
Ces quelques mots murmurés avec bienveillance suffisent à me rassurer, on me fait respirer dans le tube et je m’endors bien tranquillement.

Quand je me réveille, tout est terminé et je suis parquée dans le fond d’une pièce.
On remarque que je ne dors plus et on demande à un infirmier de me déplacer.
Et là, stupeur… L’infirmier est un mec de mon quartier !
Ça fait bizarre de le voir en uniforme bleu et pas en casquette/chaussettes par dessus le jogging, mais je le reconnais.

Raaah !

Je suis nue sous ma blouse, l’œil hagard et le cheveux hirsute, avec la possibilité de me chier dessus ou de saigner à tout moment…
Et je retrouve face à un mec du quartier.
Les Dieux sont définitivement contre moi. Je maudis ce connard de Murphy et sa loi à la con.
Je pensais que le jeune homme ne me situait pas, mais pour une fois mon côté passe-partout m’a fait défaut et lui aussi me reconnaît.

Infirmier « Hé, salut ! Dis, t’étais pas au collège D. toi ? »
Moi : « Si si… »
Lui : « Haaan, trop fort ! Alors, qu’est-ce que tu deviens maintenant ? »

Incroyable, ma coloscopie se termine en retrouvailles façon copains d’avant.
Il ne se rend pas compte de mon malaise et me fait joyeusement la conversation, tout en poussant mon lit dans les couloirs.
Il est très sympathique, ce n’est pas le problème, c’est juste que j’ai un état d’esprit qui est à des années lumières de faire la causette là.
On arrive jusqu’à ma chambre, il me salut d’un « Ça m’a fait plaisir de te revoir ! » alors qu’il ne sait probablement pas comment je m’appelle, je lui renvoie la salutation, soulagée d’avoir évité tout incident sanglant ou fécal pendant cet échange.

Je me change, on vient me chercher, et je rentre chez moi.

 Très vite, je retourne voir le gastro-entérologue qui me donne les résultats : c’est confirmé, j’ai bien une rectocolite (ulcéro) hémorragique.
Il m’explique donc la différence entre la RCH et Crohn, car les maladies sont très similaires mais différentes à la fois.
La RCH, comme son nom l’indique, est plus sanglante, mais ne s’attaque qu’au rectum et au colon, contrairement à Crohn qui peut inflammer tout le système digestif, de l’anus à la bouche.
La maladie est chronique, et sera toujours rythmée de périodes de « poussées » (c’est comme ça qu’on appelle les crises de diarrhée dans le jargon) et des périodes de rémission.

Il n’y a pas de cadence précise. Mes poussées peuvent durer 2 semaines comme 3 mois, mes rémissions 1 mois comme 15 ans.

Il existe juste des traitements qui permettent de rallonger les périodes de rémission.

Si les médicaments ne font plus effet et que les poussées deviennent trop violentes, le seul moyen de « guérir » de la RCH, c’est de tout couper. On vit alors avec une stomie, soit un anus artificiel.

Si j’ai de la chance, mes poussées ne dureront pas et je profiterai de longues rémissions.
Dans le cas contraire, il faudra commencer à jouer au Dr Maboul dans mon anus.

Ma vie de malade de MICI

Maintenant que c’est officiel, je devrai être soumise à un régime sans fibre (ou régime sans résidu) pendant chaque poussée et, laissez-moi vous le dire, cette connerie est pire que Dukan : on a quasiment rien le droit de bouffer.
Si vous voulez un aperçu du programme alimentaire, cela consiste à :

Pas de graines, noix, ou céréales complètes.
Pas de fruits.
Pas de légumes.
Pas de graisses cuites ou de friture.
Pas de sauces, ni de charcuterie.
Pas de poissons en saumures ou fumés.
Pas de viandes grasses (en gros viande blanche et steak dégraissés ok, pour le reste non.)
Pas d’œuf, selon le patient.
Pas de laitage, sauf fromages à pâte cuite (gruyère, emmental, comté…).
Pas de féculents dits complets (riz complet, semoule complète etc.).
Aucune matière grasse pendant les cuissons : donc tout bouilli, cuit à l’eau, à la vapeur, ou grillé (en collant joyeusement à la poêle, du coup).

En gros, reste pas grand chose à part des pâtes natures et des cailloux.

Je dois également prendre un traitement tous les jours, un anti-inflammatoire du nom de Pentasa.
Quand j’ai de la chance, on le trouve en comprimés, mais la plupart du temps, je l’ai sous forme de granulés. Un sachet de mini billes que je dois avaler 2 fois par jour.
Le seul souci, c’est que sous forme de granulés… On les expédie après digestion toujours sous leur forme de petite billes, qui se coincent dans les plis de l’anus et des fesses et que ça irrite fortement au point que vous avez envie de vous arracher la peau du cul.
(Sonyan, à votre service pour toujours plus de glamour.)

Je ne suis donc pas fan, mais le médicament a le mérite d’être efficace, très vite ma poussée se calme, et pour la première fois depuis des mois, je retrouve une vie normale.

Personne n’est au courant de tout ça à part mes très proches, j’arrive à terminer mon année scolaire sans trop de difficulté malgré les absences.

La vie reprend son court.
Quelques mois.

Puis ça revient peu après la rentrée scolaire.
Quand je sens les maux de ventre et vois mes selles rouges dans les toilettes, j’ai envie de pleurer.
C’est reparti.

Encore une fois, les poussées sont très fortes le matin et la nuit, et s’accompagnent de vomissements tant les douleurs sont fortes.

Je recommence à manquer les cours. Je refuse les sorties, soit parce que j’ai peur de ne pas trouver des toilettes quand ça me prendra, soit parce que ce sont des restau et que je ne pourrai pas manger 99% de ce qu’il y a à la carte.
Surtout que j’ai 22 ans, je suis déjà obèse complexée et très mal dans ma peau… Je n’ose pas dire aux gens qu’encore en plus, j’ai une maladie qui fait que je dois chier sans prévenir 10 fois par jour et vomir en même temps.
J’ai déjà l’impression d’être une sombre mocheté qui ne vaut rien et sors depuis peu des moqueries du collège-lycée, je n’ai pas envie de me mettre une étiquette de « pause-caca » encore en plus.

Je l’annonce juste à un ami, qui au début ne mesure pas vraiment la gravité du truc et à quel point c’est handicapant… et je me sens incomprise et me renferme encore un peu plus.

Donc je ne dis rien à personne, et comme c’est une maladie invisible, personne ne remarque rien. Je passe juste pour quelqu’un de lunatique et grognon, la fille pas drôle qui, par période, ne veut jamais rien faire.

C’est reparti pour les rendez-vous chez le gastro-entérologue.
On augmente le pentasa.
Ça ne marche pas.
On passe à l’étape suivante : la cortisone.

Cette merde infâme.

Je pense que toutes les personnes qui ont suivi un traitement à la cortisone seront d’accord avec moi, ce médicament est le bras droit de Belzébuth.
Non vraiment, se soigner à la cortisone, c’est un peu comme vendre son âme au Diable.
La maladie s’en va oui, mais à quel prix ?
Insomnie, mal de tête, tics nerveux, crampes dans les jambes… and last but not least : prise de poids.
On gonfle comme un putain de ballon sans aucun contrôle.

Et je vous parle de moi là : déjà obèse et mortifiée de l’être depuis 1989.

En plus des problèmes de diarrhée qui me font manquer les cours ou courir d’un toilettes public à un autre, en plus de la fatigue, en plus du régime extrêmement restreint et sec qui me donne l’impression de me nourrir de gravier… Ajouter à cela des problèmes de poids qui s’accélèrent.
A cause des diarrhées et des vomissements, je fonds comme neige au soleil… S’en suit un passage sous cortisone où ma tête gonfle en ballon de basket et mon corps en montgolfière, puis la rémission… Où je dégonfle, mais prends du poids quand même car je digère enfin normalement.
Les effets yoyo et les transformations physiques s’enchaînent.

Mon ami peu réceptif de l’an dernier a été témoin de quelques crises et de mes changements de corps et prend un peu plus la chose au sérieux. Il se montre plus présent et à l’écoute.
Pour les autres, je continue de ne rien dire.
Si aujourd’hui je n’en ai plus rien à secouer, à l’époque je suis morte de honte d’avoir cette maladie.
Dans ma tête et celle de beaucoup de gens encore, le caca c’est comme les règles, c’est tabou, on en parle pas.

 Surtout qu’il finit par m’arriver le pire qui puisse arriver à un malade de MICI.
Ce qu’on redoute le plus, une honte dont on ne se remet pas au bout de deux jours.

Je rentre à Besançon, et pour une fois, pour une raison que j’ai oubliée, ma douce maman ne peut pas venir me chercher à la gare. Ce n’est pas grave, je prendrai le bus.
Je fais le trajet en train où je dors pendant les 2h30, sans incident particulier.
Puis on arrive en gare de notre petite capitale comtoise, je descends du train… Et là, je sens que ça vient.

Les crampes sont violentes, je sais qu’il faut que j’aille aux toilettes dans la minute sinon c’est mort pour moi.
Je cours jusqu’aux toilettes… Payants.

Je fouille nerveusement dans mon porte-feuille, AUCUNE PUTAIN DE PIECES DE 50 CENTIMES !
Pas de dame pipi, personne pour me faire de la monnaie.
J’aimerais courir jusqu’aux guichets, mais il y a la queue, et je sens que je n’ai plus le temps.
Sérieusement, ça va m’arriver là ? Comme ça ?
Juste en face de la porte des toilettes désespérément fermée sous mon nez ? Alors que j’ai la main sur la poignée ?

Oui.
C’est arrivé comme ça.
Je me suis littéralement chié dessus dans cette gare maudite, parce que j’avais 1 euro, 2 euros, mais pas de pièce de 50 centimes.

Je m’effondre.

En pleurs, je vais demander à une dame dans la queue d’échanger ma pièce de 1 euro contre deux de 50 centimes.
Elle doit se dire que je suis bien sensible pour chialer pour une pièce.

J’ai l’impression que tout le monde sait ce qu’il vient de m’arriver.
Je cours ouvrir cette foutue porte, me déshabille.
J’ai au moins la chance d’être « en voyage » et donc d’avoir un sac de sport avec des affaires pour me changer.
Je n’ai pas de lingette, donc ma toilette est très sommaire, mais je peux au moins changer de sous-vêtements et de pantalon et ne pas rester patauger dans ma merde et dans mon sang.
Je prends le bus, encore marquée parce qu’il vient de se passer, l’odeur de mes vêtements souillés qui flotte impitoyablement autour de mon sac de sport.
Je pleure tout le long du trajet, rentre chez moi et continue de pleurer toute la journée dans mon lit, humiliée.

Ca fait plus de 10 ans et je m’en souviens encore comme si c’était hier.
Je maudis depuis ce jour chaque WC payant que je vois.
Et encore, dans mon malheur, j’ai de la chance.
J’ai une amie, atteinte de la maladie de Crohn, qui à cause de ce problème est devenue agoraphobe et n’est pas sortie de chez elle pendant des années, poussées ou non.
Terrorisée à l’idée que ça arrive, et il lui a fallu au moins 5 ans pour avoir de nouveau une vie normale.(Une pensée pour toi si tu passes par ici.)
Sans tomber dans l’agoraphobie, moi aussi, je n’osais plus sortir à une période, et m’isolais de plus en plus.

Le premier semestre se finit tant bien que mal. J’en enchaîné poussées et petites rémissions, et traitements à la cortisone.
Arrive le début de l’année 2006.
Année décisive pour moi puisque c’est l’année des sélections pour envoyer une partie des élèves étudier au Japon.
J’ai choisi l’université Lyon III pour ça, parce que c’est celle qui a le plus d’accord avec les universités japonaises et que je rêvais de cette année universitaire au pays des sushi.
Mes notes ne sont pas dégueulasses et j’ai encore toutes mes chances d’y aller.
Ma mère évite un peu le sujet, car je suppose qu’elle ne voit pas trop comment je pourrais partir à l’autre bout du monde si je suis dans cet état.

Mais j’ai décidé que tout ira bien, donc tout ira bien.

Je passe les entretiens, au deuxième semestre, j’ai ma réponse : je fais partie des sélectionnés pour partir, et dans l’université de mon choix.
Si je valide ma deuxième année lors des seconds partiels, je pourrai partir.
Mon rêve que je prépare depuis deux ans.

Maintenant, y’a plus qu’à !

Sauf que mes intestins ne sont pas d’accord. Ils décident de mettre le niveau de difficulté à Expert, et commence alors la pire poussée que j’ai jamais eue.

Le Pentasa ne me fait plus aucun effet, on dirait que mon corps s’y est habitué.
On hésite à me remettre sous cortisone car j’y ai déjà longtemps été ces derniers mois, et que ça commence à craindre un petit peu.

Les poussées restent extrêmement fortes le matin et la nuit avec un moment plus tranquille l’après-midi, donc je rate quasiment tous les cours qui ont lieu avant 13 heures.
La plupart sont des cours magistraux où on ne vérifie pas les absents, donc si ce n’est que je commence à être à la ramasse dans les cours, administrativement parlant, ce n’est pas trop compliqué.
Je rate quelques TD aussi, mais mon médecin traitant me fait des certificats médicaux couvrant toutes les périodes d’absence quand je rentre à Besançon.
Mais la crise s’éternise.

Je suis extrêmement fatiguée et tiens à peine debout.
Je vomis beaucoup aussi.

Je vis en colocation avec une Japonaise qui s’occupe beaucoup de moi et s’inquiète, mais je me sens mal et affreusement coupable. J’ai l’impression de lui pourrir la vie et son expérience en France.

Comme je peux à peine marcher, elle et mon ami m’accompagnent chez un médecin lyonnais près de la maison pour savoir ce que je peux faire en urgence.
Ce dernier me dit d’aller consulter un certain gastro-entérologue de Lyon, réputé pour être un des meilleurs de France, puisque je ne peux pas consulter celui qui me suit depuis le début pour l’instant.

Qu’il me fasse un certificat pour une absence prolongée pour ne pas avoir de problèmes avec mes bourses scolaires, et que je reste alitée le plus longtemps possible pour ne plus me fatiguer et éviter le moindre mouvement de mes intestins.

Je me rends donc chez la star des Gastro-entérologues, que nous appellerons le Dr Clounet.
Pour franciser, what else.

Le bougre m’accueille comme une porte de Guantanamo. Raide comme un piquet sur sa chaise, j’ai l’impression d’être un cafard sur un plan de cuisine.
Dr Clounet « Et vous voulez que je vous fasse un certificat médical pour une absence ? »
Moi : Oui, j’ai raté presque toute la semaine, et je ne suis pas en état d’y retourner avant un moment… Mon traitement ne fait plus effet.
Dr Clounet : Et vous vomissez, vous dites ?
Moi : Oui.
Dr Clounet : Ça ne fait pourtant pas partie des symptômes des MICI, une inflammation de l’intestin c’est des diarrhées possiblement sanglantes, pas de vomissements.
Moi : Ben moi je vomis. Parce que les douleurs sont trop fortes.

C’est évident, il ne me croit pas du tout.
Il n’a pas envie de me faire un justificatif d’absence, ça se sent. Il a l’impression que je me fous de sa gueule pour rater les cours ou quelque chose comme ça.
En tous cas, je ne me sens vraiment pas du tout comprise, et sur ma chaise, j’ai l’impression d’être une criminelle qu’on essaie de faire avouer.

Il me dit qu’il va m’ausculter et me demande de me déshabiller et de me mettre à quatre pattes sur la table d’examen.
Je déchante complètement.

Déjà qu’il ne me met pas du tout à l’aise, je sens que l’examen qu’il va me faire ne va pas me plaire.
Euphémisme.

Cul nu, à quatre pattes sur une table, je le sens m’enfoncer un long cône en métal dans l’anus.
Le toucher rectal version Premium.
Le résultat est sans appel, crampe abdominale, giclée de sang et je vomis tout ce que j’ai dans l’estomac sur sa table d’examen.

Allez hop, ça c’est fait.
Je lui dis que je sens la diarrhée venir et que je dois aller aux toilettes.
Il me laisse me rhabiller rapidement et courir jusqu’aux toilettes où à peu près tout le cabinet m’entend me vider et vomir mes tripes.
Je ressors blanche comme un linge, et quand je retourne dans la pièce, le médecin est devenu une toute autre personne.
Cette fois, il est inquiet et me dit que l’inflammation est violente et que vu mon état, je dois être hospitalisée, voire envisager une première intervention chirurgicale.

Quand il me dit ça, c’est la panique dans ma tête.
Des images d’anus artificiel, de poche et autre dansent dans ma tête. Je m’étais préparée à ce que ça m’arrive un jour, mais pas à 22 ans, c’est trop tôt.
Et puis je dois réussir mon année pour partir au Japon, je ne peux pas être hospitalisée des semaines.
Et puis je ne veux pas être hospitalisée seule à Lyon.

Bordel, il va pas me foutre dans un hôpital des semaines pour me découper et ruiner mes efforts pour partir au Japon.
Je refuse.

 Je lui dis que je veux rentrer chez moi, et tenter encore un peu le traitement.
Il me fait promettre que si d’ici une certaine période (je ne me souviens plus exactement du délais qu’il m’a donné) je ne vais pas mieux, alors je devrai me faire hospitaliser.
Je promets.
Il me redonne pentasa, cortisone, me fait un justificatif pour une longue absence et je retourne me coucher.

Je ne veux pas rester à Lyon seule à pourrir ma coloc dans cet état, mais je ne suis pas assez vaillante pour prendre le train.
Aussi dévouée que jamais, ma mère prend son super bolide (sa fidèle clio) et se tape 500 km aller-retour pour venir me chercher.
Un trajet retour difficile où je suis couchée à l’arrière, où elle doit rouler doucement et s’arrêter en urgence de temps à autre pour que je puisse donner un peu d’engrais à Mère Nature, cachée entre deux portières.

Ah, le bon vieux temps.

 Une fois rentrée chez moi, je suis restée alitée longtemps. Je ne me souviens plus exactement.
Je me souviens juste que j’avais perdu près de 15kg en 3 semaines, et que quand mon père m’a vue, pour la première fois de ma vie, je l’ai vu pleurer.
Une des seules preuves que j’ai eue à ce jour qu’il y avait un petit cœur sensible qui battait sous ces bouclettes.

Couchée dans un lit à regarder des disney, pour ne me lever que pour manger des trucs secs et sans fibre, prendre mon traitement et, bien sûr, aller aux toilettes.

Je ne sais plus combien de temps ça a pris, mais la poussée est passée.

Pile pour la fin d’année et que je puisse aller passer mes examens.
Hors de question que je rate mon année bien partie et mon année au Japon pour cette merde.
Je buche, je buche, je buche.
Je vais pleurer les cours à des personnes de ma promo.
La plupart n’ont aucune idée de ce qui m’est arrivé et certainement rien remarqué, mais certains ont remarqué que j’avais un peu une tête de fantôme et sont venus me demander si j’avais des soucis de santé.

Arrive le jour de mon partiel de linguistique japonaise, un cours qui avait lieu de 8h à 10h pendant l’année, soit l’horaire où les poussées étaient les plus fortes, et donc où je n’avais quasiment jamais mis les pieds.
La prof, japonaise, distribue les sujets, et s’arrête en me voyant.
« Vous êtes dans ma classe, vous ? 
– Oui.
– Eh bien vous vous êtes pas beaucoup fatiguée pendant l’année. L’horaire était trop tôt peut-être ? A ce stade, vous n’êtes pas obligé de passer l’examen. »

Je n’ai pas relevé la pique et me suis dit qu’heureusement que les examens étaient anonymes, que sinon je me ferais sûrement lyncher.

Mais cette petite dame n’était pas indispensable à mon savoir, qu’elle le sache.
J’avais acheté son bouquin de linguistique qui reprenait mot pour mot ses cours, et j’ai eu 18 à son partiel à la con.


In your face, bitch.

Malgré toutes ces absences et péripéties, l’année se termine bien, je passe les partiels sans trop de difficulté, obtiens mon année tranquille Emile, et mon départ à Osaka pour un échange scolaire est confirmé.

A la grande inquiétude de tout le monde : est-ce raisonnable ?

 Mon principal argument étant que la RCH était une maladie chronique dont les poussées pouvaient être déclenchées par du stress, de la fatigue ou autre état psychologique négatif, si j’allais au Japon, je serais heureuse et bien dans mes pompes, donc j’aurais pas de poussée.

On y croit ou on y croit pas, ma grand-mère était une barreuse de feu.
Une sorte de magnétiseuse, si vous voulez.
Personnellement, je ne sais même pas si j’y crois moi-même, mais le fait est que petite, ma grand-mère m’avait déjà soignée des choses où les médicaments n’avaient rien fait.
Elle a voulu me barrer avant mon départ au Japon pour que je n’y sois pas malade.
Comme de toute façon il n’y a rien à perdre et que la pensée positive peut toujours avoir un effet sur le corps, je l’ai fait.

 Et je n’ai pas été malade pendant cette année au Japon.
Mieux, je n’ai pas été malade pendant dix ans.
Une belle rémission de dix ans.

Où j’ai oublié que j’étais malade. Où je ne prends plus mon traitement depuis longtemps, parce qu’à le prendre en continue, il ne faisait plus effet et qu’on était obligé de jouer la surenchère pendant les poussées.
Qu’à cause de ça j’ai été sous cortisone des mois et suis passée à deux doigts de l’opération chirurgicale.

C’est peut-être inconscient, mais à partir du moment où je ne suis pas malade et que je ne me sens pas en danger, je continue de faire comme je l’ai décidé.
Je préfère avoir un corps sevré des anti-inflammatoires et qu’ils fassent réellement effet le jour où j’ai de nouveau une poussée violente.
Je ne suis pas médecin, peut-être que ma décision est la mauvaise et je ne conseille à personne de faire pareil.
Mais  personnellement je n’ai pas eu à m’en plaindre pendant 10 ans. 

10 ans de rémission après cet enfer.
10 ans, où j’ai fait tellement de choses.
Le Japon, les Etats-Unis, la Corée, l’Australie, la Nouvelle-Zélande… Tant de vadrouilles, tant d’aventures où j’ai sincèrement oublié que j’avais cette épée de Damoclès au dessus de la tête.

Pour être honnête, mes poussées ont repris très légèrement depuis mai l’année dernière.
J’ai eu un gros passage à vide à la fin du printemps, et pendant 2 mois, mes diarrhées ont repris le matin.
Ensuite elles sont parties, et sont revenues en pointillé depuis fin janvier cette année.
Mais pas de sang, et rien d’ingérable, donc je vous avoue que ça ne m’empêche pas de vivre, et que personne n’est au courant (bon, maintenant si, si les gens ont vraiment eu la foi de lire 16 pages parlant de caca).
Je n’en parle pas, pas parce que j’en ai honte comme avant –concrètement, depuis mon coming-out sur les TCA en 2013, je n’ai plus honte de rien niveau maladie -, mais juste parce que je ne me considère même plus comme malade.
Je l’oublie la plupart du temps et je ne le vis pas mal.

Quand ça arrive, je fais attention à ce que je mange, je me repose, et voilà.
L’an dernier j’ai hésité à aller consulter car ça a duré quand même longtemps, mais au Japon je ne savais pas trop où aller (bon je ne me suis pas renseignée non plus… J’ai une capacité à ne pas m’occuper de moi-même qui est assez impressionnante).
Il n’y avait pas de sang, la poussée est passée, donc je n’ai pas cherché plus que ça.

D’autant qu’on peut reprocher au Japon beaucoup de choses, mais c’est le pays rêvé des personnes atteintes de MICI : des toilettes partout, publiques, et non payantes.
Donc quand ça vient, dans les 20 secondes je suis sûre de trouver des toilettes et ça ne m’handicape pas plus que ça.

Après, comme je sens que les envies impromptues reprennent de temps en temps depuis un an, je réfléchis à reprendre un suivi, pas me faire surprendre comme la première fois et me retrouver alitée du jour au lendemain.

Le mot de la fin

Voilà mon témoignage sur les « joies » des MICI.
Il vaut ce qu’il vaut, et je ne sais pas s’il vous a appris quoi que ce soit.

Le principal souci des MICI c’est que ce sont des maladies invisibles et complètement imprévisibles.
Comme on ne voit rien, sauf dans les cas graves où on perd beaucoup de poids et autre, on a tendance à ne pas comprendre la gravité d’une poussée d’un malade.
Aussi, je sais que les gens ont souvent eu du mal à comprendre que je puisse être dans un état lamentable entre 5h du matin et 13h, et me sentir très bien à partir de 14h jusqu’en fin de journée.
Je sais que j’ai pu passer, parfois, pour quelqu’un qui me sert d’une maladie pour sécher les cours que le matin alors que je ne suis pas si malade que ça.

Pour ceux qui viennent d’être diagnostiqués et qui, comme moi, ont imaginé le pire et paniquent, ben je peux juste vous dire que même quand on a vécu des épisodes violents, ils peuvent passer, et qu’on peut vivre une vie tout à fait normale et faire plein de choses sans rester bloqué toute sa vie dans ses chiottes. Il y a encore de bons moments à venir.
D’autant plus maintenant où les traitements sont de plus en plus efficaces.
Profitez des moments de rémissions au maximum, et vous découragez pas quand ça revient.

Je sais qu’on est pas tous égaux face à cette maladie et que certains ont des épisodes plus nombreux et plus violents que d’autres, mais dans ma grande impuissance, c’est tout ce que je peux vous dire.

Ah, et si un politicien passe par là : AUGMENTEZ LE NOMBRE DE VOS PUTAIN DE CHIOTTES ET LAISSEZ PASSER LES GENS MALADES.

Voilà.

Bisous magiques et paillettes sur vous les amis.
Sur ce, merci d’avoir –peut-être – tout lu.
Je vous laisse retourner regarder le Royal Wedding du Prince Harry.

18 thoughts on “Les MICI ? Non, mici.

  1. Myriam

    Je ne connaissais pas le terme MICI. J’aime tes articles, humoristiques même quand ils sont hyper sérieux. Je comprends ce que tu ressens. Je n’ai pas ces maladies, mais je connais les diarrhées surprises et abondantes. On vient de me diagnostiquer intolérante au gluten et souffrant du colon irritable, mais pas la forme qui constipe l’autre. Dommage ça aurait fait contrepoids avec les diarrhées provoquées par l’ingestion de gluten. Malheureusement la Belgique ce n’est pas le Japon et les toilettes publiques sont pour ainsi dire inexistantes. Je ne sais même pas s’il y en a dans ma ville. Comme toi régime sans résidus mais en plus sans gluten. Youpiii!!! Et comme toi, cortisone et autre médocs qui font gonfler. D’un côté du perds du poids en te vidant, de l’autre tu en prends en te soignant. Devine quel côté est le grand gagnant? J’espère que la rechute que tu as depuis un an, ne va pas trop s’aggraver et surtout qu’elle va de nouveau s’endormir. N’hésite surtout pas à te faire soigner et suivre, et renseigne toi éventuellement sur de nouvelles avancées niveau traitement vu que tu dis que cela fait 10 ans que cela s’était calmé. Peut-être y-a-t-il des nouveautés? Pourquoi pas l’homéopathie? On ne sait jamais, ils ont peut-être quelque chose pour cette maladie? En tout cas je te souhaite beaucoup de courage. Gros bisous. PS : je ne retourne pas regarder le Royal Wedding, je vais essayer de passer mon foutu niveau sur Assasin’s Creed.

    Reply
    1. Sonyan Post author

      Oui, la maladie de Crohn est relativement connue de nom, mais le terme de MICI et la RCH sont eux encore peu connus du grand public, même si malheureusement, ce sont des maladies de plus en plus fréquentes.
      Et même si je n’ai pas encore visité le plat pays, j’ai une amie Belge atteinte de Crohn, et je sais que le non accès aux toilettes publiques est une véritable plaie, au même titre qu’en France.
      Dans mes commentaires sur mon compte FB perso, on me parlait d’acupuncture.
      Pourquoi pas ?
      Quand la médecine « dure » ne fait plus effet, je pars toujours du principe que les médecines douces ou tout autre thérapie de bien être ne peuvent qu’aider.
      Ou en tous cas ne pas faire de mal.

      Pas encoure essayé Assassin’s Creed, il est bien ? 😉

      Reply
      1. Myriam

        Je viens seulement de voir ta réponse. Concernant Assassin’s Creed, j’aime bien. C’est le premier jeu de ce genre auquel je joue, vu que j’étais complètement nulle avec une manette en main et que même mon petit fils à 3 ans se débrouillait mieux que moi. Un ami me l’a fait découvert pour me faire sortir un peu des Sims, oui j’avoue je joue aux Sims, et j’ai accroché tout de suite. Maintenant, vu que c’est mon premier jeu de ce genre, sauf les Call of Duty et jeux de ce style de mon ex mari, où j’étais tuée à peine sortie de la jeep, je ne suis pas une experte et peut-être que tu le trouveras nul. J’aime son côté jeu, j’adore remplir des missions d’assassin, ça défoule, et j’aime son côté historique qui te permet d’en apprendre un peu plus.

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  2. MULLER Michèle

    le seul mot qui me vient à l’esprit, là, dans l’immédiat, princesse ….c’est respect ! un profond respect pour les souffrances aussi bien physiques que morales endurées pendant toutes ces années ……sans connaître ce côté sombre, je te considérais déjà comme une superbe nana ….mais après cette confession d’ordre intime, j’en viens à te baiser les pieds !!!! courageuse princesse Sonia !!! bisous

    Reply
    1. Sonyan Post author

      Et pourtant, j’ai l’impression que mon côté sombre est bien plus important que mon côté lumineux… Même si je le cache bien (je mérite bien deux trois oscars 😀 ).
      Comme je disais ailleurs, j’échange le baisage de pieds car je suis chatouilleuse pour un gros câlin la prochaine fois qu’on se voit.

      Reply
  3. Julie

    Coucou toi…
    Comme d’habitude tu es toujours aussi agréable à lire, tu arrives à me faire sourire alors que je suis en train de pleurer à grosses larmes xp
    Ton récit me fait penser à une période de ma vie où j’ai eu des crises de diarrhée qui ressemblent à ce que tu décrit, vomissement compris, me retrouver juste arrivée au supermarché et me rendre compte qu’il me faut des toilettes là tout de suite… Devoir rentrer à pied chez moi en me figeant tous les 30m le temps que les spasmes passent et craquer alors que je viens d’entrer la clef dans ma porte…
    Quand j’en au parlé à mon généraliste de l’époque j’ai eu l’impression de le géner avec mes histoires de caca. Les crises se sont espacées, j’en ai encore quelques unes de temps en temps, mon bide est plutôt douloureux au quotidien et je fais super attention à ce que je mange. J’ai dû expliquer ça à une diététicienne que j’étais allée consulter parce que je suis en obésité morbide maintenant et elle a rien pigé au problème.
    J’espere que ton état va rester stable et que tu trouveras toujours des toilettes en cas de besoin. Des bisous !

    Reply
    1. Sonyan Post author

      Bonjour Julie 🙂

      Ton témoignage n’est pas anodin, tu as peut-être une piste à explorer si jamais tes crises reprennent.
      Je trouve les médecins généralistes souvent très mal formés sur la question, la diarrhée est un mal tellement « anodin » qu’on a bien du mal à les prendre au sérieux.
      Je veux dire, c’était quand même mon symptôme principal depuis des semaines et c’est mon torticoli qu’on a pris au sérieux en soupçonnant une méningite…
      En gros, je n’aurais jamais eu de sang dans mes selles, je ne sais pas combien de temps encore je serais restée sans suivi.

      Si ça te reprend, n’hésite pas à aller voir un gastro-entérologue.

      Reply
  4. ClaraBaffe

    Punaise… Déjà j’étais ébahi par ton courage pour les TCA mais là… Tu as vraiment du courage et de la volonté, à ta place je sais pas si j’aurais eu le courage de faire tout ce que tu as fait… En tout cas tu as tout mon respect !

    Reply
    1. Sonyan Post author

      De la volonté peut-être, mais du courage, j’avoue que je ne pense pas.
      Quand on est malade, finalement ça vous tombe un peu dessus et on a pas d’autre choix que de vivre avec et se battre pour retrouver sa liberté de vivre normalement.
      Bizarrement, la volonté de se sortir de là donne une force qu’on ne soupçonnerait pas normalement.
      Je suis sûre que j’aurai lu ce témoignage d’un autre, j’aurais pensé « moi je n’aurais jamais pu ». Mais quand on est dedans, finalement on se découvre de la ressource. 🙂

      Reply
  5. Mila

    Je laisse juste un petit mot pour dire que j’ai tout lu, et que je suis contente que ça ne te pourrisse plus la vie comme avant, et que tu puisses en parler. Comme toujours, tu es un plaisir à lire, même sur les sujets difficiles, et même si j’ai failli fondre en larmes quinze fois dans l’article, principalement pendant ce foutu épisode des toilettes (j’ai connu la diarrhée traumatisante sur soi-même… dans un bus, pour ma part, et en direction vers la coloscopie.. j’ai dû passer tout le trajet assise sur le siège, sale, à retenir mes larmes, et c’était… enfin bref), je suis contente que tu aies réussi à tout sortir (no pun intended, promis).

    ♥ En espérant que la maladie te laisse tranquille aussi souvent que possible ♥

    Reply
    1. Sonyan Post author

      Pardonne moi d’en plaisanter -tu connais mon humour douteux-, mais PRENDRE LES TRANSPORTS EN COMMUN APRES AVOIR BU LE LIQUIDE PRE-COLOSCOPIE ?!
      Tu es une guerrière où je ne m’y connais pas, je m’y serais jamais lancée xD

      Blague inappropriée à part -je me doute bien que tu n’avais pas le choix- tu as toute ma compassion suite à cette expérience mortifiante.
      Quand on a déjà une estime de soi au ras des pâquerettes, c’est le coup fatal.

      Je t’embrasse bien fort et t’espère en bonne santé aussi.

      Reply
  6. Aslan

    Un simple petit mot d’une lectrice anonyme de longue date qui admire ton parcours, ta capacité à vivre tes rêves, ton humour, qui adoooooore tes longs articles de 20 pages et qui te souhaite un torrent de bonheur !!
    Prends bien soin de toi !

    Reply
    1. Sonyan Post author

      J’attends le torrent de bonheur avec impatience, mais en attendant je prends les doux messages encourageants avec plaisir.
      Merci et bonheur à toi, jeune inconnu(e).

      Reply
  7. Lily

    Je suis totalement admirative de ton courage, de capacité à te sortir d’épreuve complètement folle, et en plus d’en parler publiquement !

    Je suis à bordeaux dans une association qui se bas pour l’accès à l’eau potable et aux toilettes dans le monde. On se bas à bordeaux, notamment pour les SDF et les personnes vivants en squat et bidonville. La plus part des maire limite volontairement le nombre de toilettes et de fontaines pour faire fuir ces populations. Maintenant, je ais que l’on se bas également pour les personnes atteinte de MICI. Merci de ton témoignage !

    Reply
    1. Sonyan Post author

      Et moi je suis totalement admirative des gens qui se battent pour des causes et se lancent dans la vie associative.
      Je suis une révoltée de première qui aimerait mener mille et un combats, et je n’en mène aucun activement, je me trouve un peu lâche ou égoiste pour ça.

      Je sais qu’en France, repousser les SDF, les personnes en squats et les toxicomanes est la « bonne excuse » pour limiter l’accès aux toilettes.
      Mais je me dis que ça reste une première nécessité, et que le problème pourrait certainement être pensé autrement…

      Je sais qu’il y a des associations (AFA ?) qui militent pour un accès plus facile aux toilettes aux gens malades ont créé une carte d’accès prioritaire (je ne crois pas que ça existait « de mon temps »), mais finalement peu de malades sont au courant et la paperasse doit être refaite chaque année.
      Ils ont également fait une application qui recense les toilettes publiques à proximité.

      Reply
  8. Mimiloute

    Je me suis sentie presque coupable de rire de tes jeux de mots quand on ressent toute la souffrance que ça a pu être pendant une partie de ta vie… J’ai énormément de respect pour toi, je te trouve vraiment formidable. Je sais ce que c’est que d’avoir des maladies invisibles, et de ne pas être comprise quand on essaie d’en parler. Je pense que les gens ne savent pas trop comment réagir, en général. J’ai adopté la même méthode que toi, j’ai décidé de ne pas laisser mes maladies m’empêcher de faire ce que je voulais, et d’arrêter des traitements parfois trop lourds pour des bénéfices minimes, et curieusement, j’ai eu très peu de crises depuis.
    Dans tous les cas, continue à être toi-même, je pense que tu ne réalises pas à quel point tu es une source d’inspiration pour beaucoup de personnes. C’est en lisant un de tes blogs que je me suis décidée à partir au Japon, du jour au lendemain, et c’est une expérience que je n’ai jamais regrettée. Et tout ça grâce à toi.
    Merci de continuer à nous offrir de temps en temps tes blogs, qui me font rire et pleurer en même temps.

    Reply
    1. Sonyan Post author

      Au contraire, il vaut mieux en rire, on va pas se laisser abattre ! (Même si c’est plus facile d’en rire après coup… J’en conviens.)

      Merci beaucoup pour ton message très touchant. Mais si je t’ai peut-être donné « l’inspiration » je t’assure que c’est toi qui as eu la force et le courage de te lancer à l’eau et vivre tes rêves.
      Et ça, tu ne le dois qu’à toi-même 😉
      Et c’est peut-être un peu utopique, mais je pense vraiment que se sentir bien dans sa tête aide à faire reculer la maladie et pas toujours des traitements assomant au long terme…

      Bon courage pour tes propres combats et merci pour le petit mot.
      Des bisous !

      Reply

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