Qui écrit encore un blog en 2025 ?
Et surtout… Qui en lit ?
Je dis pas que si tu te trouves sur ces pages tu es has-been mais… 😀
Des années que je n’ai plus écrit ici… Mais la facture surprise d’OVH pour l’année m’a rappelée récemment que je payais toujours cet hébergement. Alors puisque je paye… et puisque j’ai une histoire à vous raconter, pleine d’emmerdes et de déboires à l’ancienne, ne serait-il pas temps d’immortaliser 2025 sur ce blog avec un post perdu au milieu des autres empoussiérés ?
Elle ne sera pas forcément très bien racontée, vous le verrez par la suite, je ne suis pas dans des conditions optimales où je prendrai le temps de me relire.
Bref, installez-vous bien. C’est parti pour le pavé.
Aujourd’hui je vais vous raconter l’histoire de mon amour impossible avec Hamilton.
Non, je ne parle pas de Lewis Hamilton, le champion de Formule 1 hyper beau gosse et bien coiffé. Bon, pas que ça m’aurait déplu mais notre romance n’est pas pour cette vie, peut-être dans une autre parallèle du métaverse. Qui sait ?
Non, là je vous parle de Hamilton, la comédie musicale.
Ma préférée.
Ce chef d’œuvre absolu, sacré, intouchable.
Mon obsession depuis bientôt 5 ans. Et ceux qui me connaissent savent que quand j’ai un amour obsessionnel pour quelque chose, c’est pour la vie (Miyavi, Le trône de fer… les décennies passent, ma flamme reste inchangée).
Je suis donc une fan absolue de Hamilton, j’ai même fait partie des 0,01% des plus grands streamer au monde de l’album sur spotify (je sais pas si je dois en avoir honte ou en être fière, mais dans le doute, autant en être fière).
Je la connais par cœur, j’ai des livres sur le sujet, des tableaux qu’on m’a peints accrochés au mur, des produits dérivés… Bref, vous l’avez compris : LA GROSSE FAN.
Et pourtant je ne l’ai jamais vue. Vous y croyez, vous ?
Moi, la grande passionnée capable de parcourir le monde pour un concert, une visite, un événement.
Moi, la grande amatrice de comédie musicale, qui en ai vues des dizaines à travers mes anciennes vies entre Paris, Tokyo, Sydney, Melbourne, Londres…
Non je n’ai jamais vu Hamilton… Mais c’est pas faute d’avoir essayé.
Voici donc l’histoire d’un échec cuisant.
Accrochez vos ceintures : Mode Chat Noir Activé.
1 – Découverte de Hamilton
J’aime le chant, j’aime la danse, j’aime le théâtre, j’aime l’écriture, j’aime l’Histoire autant que la Fiction… Comment ne pas aimer les comédies musicales qui est juste un combiné de tout cela ?
Dès que j’ai emménagé dans une grande ville, j’ai commencé à en voir dès que j’en avais l’occasion (c’est que ça coûte un bras ces conneries, pas comme si on pouvait y aller tous les quatre matin), même à Tokyo et donc chantés en japonais (et les traductions en japonais n’étaient pas toujours fofolle, je l’avoue je suis snob et préfère les VO…)
Pendant très longtemps, je n’ai pas su laquelle était ma préférée entre Le roi Lion, Grease ou Wicked.
Après un temps, je développe une obsession pour aller voir un jour les comédies musicales originales à Broadway même. Ça devient un rêve de ma bucket list.
Et si vous me lisez depuis longtemps, vous savez que quand j’ai une idée dans le crâne, je l’ai pas ailleurs… Aussi, les années passent et en 2014, je pars pour la première fois à New York et vais voir ma première comédie musicale à Broadway, ce quartier mythique.
Je m’en souviens encore comme si c’était hier, c’était pour Aladdin qui venait d’être adapté sur les planches, j’étais au premier rang, et les gens ont hurlé dans la salle quand Jafar est arrivé sur scène (il était joué par le doubleur original, les gens dans la salle avaient grandi avec cette voix).
Cette effervescence, j’en ai encore les frissons rien que d’y repenser.
Comme me contenter de ce que j’ai n’est clairement pas inscrit dans mon ADN, ce qui devait arriver arriva. New Dream Unlocked : je développe à présent une obsession pour revenir un jour à New York faire un marathon de comédies musicales, genre m’en faire une par jour.
Toujours plus.
La vie reprend son cours, je retourne vivre au Japon, toujours un petit œil sur Broadway à l’occasion pour voir ce qui s’y passe.
Et en 2016, une comédie musicale explose tous les records de récompense : 16 nominations aux Tony Awards dont 11 prix obtenus.
Obama à l’époque encore président des USA déclare à plusieurs reprises que c’est sa comédie musicale préférée de tous les temps, fait même venir les artistes pour performer à la Maison Blanche.
Mais de quoi parle Hamilton pour déchaîner ainsi les passions et ramasser les prix à la pelle ?
Son auteur, Lin-Manuel Miranda (qui est devenu un de mes maris fictifs) a lu pendant un voyage une biographie sur Alexander Hamilton, un des Pères Fondateurs des Etats-Unis. Et là, révélation et déclic, il se met à écrire sa pièce sur la vie d’Hamilton.
Pourquoi ? Parce que des Pères Fondateurs, on retient surtout ceux qui sont devenus présidents comme Washington ou Jefferson, mais Hamilton lui, était tombé un peu dans l’oubli. Même pour les Américains qui le situaient vaguement et ne savaient pas réellement ce qu’il avait apporté au pays.
Et en lisant son histoire, il s’est dit qu’il avait eu une personnalité et un destin qui valait la peine d’être raconté. Hamilton parti de rien, enfant né hors mariage dans les Caraïbes et très vite orphelin, s’est fait remarquer et envoyer à l’université par les gens de son île grâce à son talent pour l’écriture. De là, son envie d’en découdre, son intelligence, sa ténacité, vont faire de lui un des atouts majeurs dans la lutte pour l’indépendance des Etats-Unis, l’écriture de la constitution, la création du système économique et de la Banque… etc.
Lin-Manuel Miranda, qui écrit aussi beaucoup de rap, trouve que l’histoire de ce Père Fondateur a quelque chose de très hip-hop : un inconnu, pauvre et de basse extraction est sorti de la rue et s’est fait entre autre grâce à son talent pour l’écriture.
Ainsi naît Hamilton : une comédie musicale sur l’Histoire de la fondation des Etats-Unis entièrement rappée (ou en tous cas en majorité) et pour la première fois, avec un casting color blind.
Qu’est-ce que ça veut dire color blind ? Que même les personnages historiques Blancs sont jouées par des personnes racisées, Noires ou d’origine Latine dans ce cas.
Lin-Manuel Miranda ne veut pas faire une comédie musicale élitiste. Il veut que tout le monde puisse s’intéresser à l’histoire de l’indépendance et la fondation des USA, et s’il doit le faire avec des sons blues et hip-hop, alors tout le monde doit pouvoir s’identifier, se reconnaître et se sentir comme un enfant de l’Amérique. Il veut que sa comédie musicale réunisse toutes les couches sociales et toutes les ethnies qui composent l’Amérique d’aujourd’hui.
Si aujourd’hui les castings color blind sont monnaie courante (mais souvent pour des raisons marketing et plus vraiment pour des raisons sincères…), il y a 10 ans, c’est une décision artistique sans précédent.
La légende du chef d’œuvre Hamilton est née à l’autre bout du monde, et moi, qui ai juste vaguement entendu que ça parlait de l’Hitoire des USA, je me dis juste « Mm, intéressant, il faudra que je vois si j’ai l’opportunité de la voir un jour ».
Et je passe à autre chose.
2 – LE DEBUT DES RATÉS
2019, trois années ont passé.
Je suis rentrée du Japon, j’habite chez ma maman temporairement le temps de rentrer à nouveau dans le circuit français (sécurité sociale, tout ça tout ça) et surtout j’ai des soucis de santé (je ne marche quasiment plus).
Je suis immobilisée depuis des mois à voir quasiment personne, travailler beaucoup sans vrai loyer à payer et ne pas sortir tant les douleurs sont insupportables quand je me lève ou marche.
Ah, et accessoirement je suis (très) déprimée.
…Du coup…
N’EST-CE PAS LE MOMENT PARFAIT POUR ALLER FAIRE UN MARATHON DE COMEDIE MUSICALE A BROADWAY ?!!!
Oui, je vous l’ai dit, quand j’ai une idée dans le crâne…
Mais selon mon point de vue tordu, toutes les planètes étaient alignées : j’étais traductrice indépendante et pouvais travailler où que je sois sur le globe donc rien ne m’empêchait de me barrer sur un coup de tête. Faute d’avoir une vie sociale je mettais pas mal de côté, et vu que j’étais quasi incapable de marcher je n’aurais pas de regret à ne rien visiter (d’autant que j’étais déjà venue). Donc juste poser mes fesses dans des sièges de théâtre était un plan parfait. Et surtout, j’avais besoin de faire un truc extraordinaire, rayer un rêve de la bucket list pour me souvenir que la vie était pas si moche finalement.
Quand j’y repense aujourd’hui, je me dis que c’était inconscient de voyager dans ces conditions (d’ailleurs le médecin n’était pas trop pour) car quelques mois plus tard j’ai failli finir au samu pour bien moins que ça, mais bon…
Ne nous morfondons pas sur ce qui n’est pas arrivé, c’est le problème d’une autre Sonia dans une autre vie parallèle (peut-être la Sonia en couple avec Lewis Hamilton du coup).
Comme la vie est cyniquement bien faite, il s’avère que j’ai une amie qui a également des contraintes qui l’empêchent de crapahuter dans la foule new Yorkaise et qui est dans le même mood que moi : aller à New York juste pour faire un marathon de comédie musicale (et dévaliser les librairies… Gros carnage chez Barnes & Noble et The Strand… Oupsie) et ne pas marcher.
Allez c’est parti, le duo de bras cassés prend ses billets !
On fait la liste des comédies musicales qu’on veut voir toutes les deux, et les concessions (celles qu’on veut bien aller voir pour faire plaisir à l’autre et découvrir).
Hamilton est dans la liste des deux, PARFAIT !
En même temps, être fan des comédies musicales de Broadway et ne pas avoir envie d’aller voir Hamilton est une hérésie.
On prend donc nos places pour tous nos spectacles…
Et là, c’est le (premier) drame.
On a beau s’y prendre des mois à l’avance, quasi tout est complet. Il ne reste que peu de places et surtout… La moins chère, tout au fond de la salle est à plus de 2000 dollars.
Je… Quoi ?!
Alors oui, une comédie musicale, bien placée ça monte vite très haut, quelques centaines d’euros selon la pièce mais… 2000 DOLLARS POUR LE FOND DE LA SALLE ?
C’est l’incompréhension totale.
Et surtout complètement contraire à l’esprit dans lequel Hamilton a été écrit. Comment ne pas rendre une comédie musicale élitiste avec de tels prix ?! C’est loin d’être accessible à tous et ramener la jeunesse dans les théâtres…
L’âme en peine nous abandonnons… A ce prix-là, Hamilton sera sans nous.
Mais je vous rassure, on s’est quand même fait un planning incroyable et 10 comédies musicales en 12 jours dont certaines dégotées le jour-même à des prix dérisoires…
Et à la question « mais vous vous êtes pas lassées au bout d’un moment ? »… Non. Chaque pièce est différente et… comment se lasser de l’excellence ? L’art est un des seuls trucs que l’humain a fait de bien, en consommer sans modération ne porte préjudice à personne.
De toute façon la vie sans excès de passion ou sans coup de folie ponctuels m’ennuie terriblement, je dois l’admettre.
En vérité c’est une période où je souffrais terriblement, bourrée d’antalgiques forts et étais vraiment au fond du trou physiquement… Mais, ça reste une des semaines les plus incroyables de ma vie.
Merci encore Mila d’avoir partagé ça avec moi (et les phrases inspirationelles de Mirlet…).
…
Enfin bon, c’est bien beau tout ça, mais on n’a quand même pas vu Hamilton dans tout ça.
J’ai appris plus tard que si les prix étaient si mirobolants, c’est parce que pour la première fois depuis des années, elle était jouée exceptionnellement par le cast original (donc Lin-Manuel Miranda dans le rôle principal…).
Quand j’y repense aujourd’hui, je… vous avoue que je m’en mords complètement les doigts.
A ce jour, je pense que je serais capable de lâcher cette somme (l’excès, le coup de folie tout ça…) pour vivre ça avec ce casting là.
Car aujourd’hui je sais que ça n’arrivera plus jamais…
Fin de l’été 2019, quelques mois après notre séjour à New York, mon amie va à Londres. Elle me contacte pour me proposer de la rejoindre chez nos amis Outre-Manche car elle compte aller voir, entre autres, Hamilton qui est joué par un cast anglais au Victoria Palace.
Evidemment, je rêve de dire oui mais… Je vais subir une opération lourde fin août et doit rester en convalescence pendant au moins trois semaines ensuite.
L’âme en peine, je réponds que je passe mon tour pour cette fois.
Fin 2019… Cette même amie doit retourner à Londres pour un mois au début de l’année qui arrive. Et me fait la même proposition que quelques mois plus tôt, la rejoindre quelques jours et voir Hamilton.
Sauf que… Je suis obligée de refuser à nouveau… Ma santé ne va pas mieux, c’est même pire que tout (en fait je ne le sais pas encore, mais je suis pas loin de perdre l’usage de ma jambe droite) et une opération du dos est envisagée… pour le début d’année. Et quand bien même, la situation s’est beaucoup dégradé, je n’avance pas sans béquille et pas plus de 10mètres… Ca fait déjà quelques mois que je ne m’aventure plus nulle part.
Du coup pour la seconde fois, je refuse pour cause d’opération.
Se faire charcuter au bloc is my the new « j’ai piscine ».
Du coup mon amie va la voir, trouve la pièce exceptionnelle (bien que difficile à comprendre parfois, ça va très vite), et moi, la « rater » trois fois de suite commence à créer une frustration qui nourrit mon envie de voir cette pièce.
Mais bientôt, je serais opérée, si tout va bien je remarcherai (après plus de 18 mois à souffrir un enfer sans nom) et je pourrai à nouveau crapahuter à ma guise assouvir mes besoins de regarder des gens en collants qui poussent la chansonnette en faisant des ronds de jambe.
Février je devais être opérée mais comme je suis un chat noir, je décide d’être fidèle à ma réputation et chopper LA FUCKING VARICELLE.
Je suis immobilisée les trois quarts du temps dans mon 27m2, je ne vois personne, et le peu de fois où je sors faire des examens pour préparer mon opération, j’arrive à me coltiner la varicelle ??!!! A mon grand âge ??! (Arc narratif qui contient une autre histoire cocasse, mais le temps presse et notre affaire Hamilton se doit d’avancer).
Malade, mon opération est donc repoussée à début mars.
Je sors de l’hôpital le 8 mars et doit rester un mois alitée avant de recommencer à reprendre un semblant de vie normale… mais… Dites. Vous avez retenu en quelle année on est ?!
L’ANNEE DE L’INNENARRABLE PANDEMIE NEE D’UN PSEUDO PANGOLIN DEGUISE EN CHAUVE-SOURIS !!
Allez hop, contre kems, et un confinement dans ta face !!
Le monde semble avoir de l’empathie pour mon état et se confine avec moi, bloquée dans mon lit pour plusieurs semaines.
Printemps 2020… Je n’y croyais pas et je reviens de très loin, j’ai des douleurs fantômes, perdu à vie une partie des sensations dans ma jambe droite… MAIS JE MARCHE !
J’ai envie de parcourir le monde, courir, bouger, danser… et aller voir Hamilton !
Mais… les frontières sont fermées.
Je prends mon mal en patience. Et puis de toute façon, je suis pas mal occupée à changer (encore) de vie. Ca fait des années que je traduis des romans en indépendante et en voyageant, mais il est l’heure de se poser pour réaliser un autre rêve de la bucket list : travailler dans le monde du livre.
J’entre dans le monde de l’édition et découvre pour la première fois de ma vie le monde de l’entreprise en France. D’ailleurs… Je sais ce que ça a coûté au monde donc j’ai honte de l’avouer, mais je remercie un peu le covid d’avoir élargi les esprits concernant le télétravail. Même quand on aime son travail, même quand on aime ses collègues, après 7 ans de liberté, de vie nomade, de faire ses horaires à sa guise… re rentrer dans le moule du bureau tous les jours de la semaine relève de la torture psychologique.
Bref, en attendant la réouverture des frontières et du retour à la vie normale, je commence cette nouvelle vie dans l’édition et me focus là-dessus.
Mais si je ne peux pas aller jusqu’à Hamilton… Hamilton vient à moi (pour la seule et unique fois de cette histoire).
En effet, pendant le confinement, il y a l’arrivée de Disney + en France, et très vite, Disney annonce avoir acheté les droits de la captation de Hamilton avec le cast original, qui arrivera sur la plateforme début juillet 2020. Même la presse française relate l’arrivée de la comédie musicale en France.
Pour moi, c’est évidemment l’événement suprême. Je ne comprends même pas pourquoi il n’est pas férié ! Le peuple devrait être appelé à rester chez lui pour célébrer Disney + !
Après toutes ces occasions ratées de la voir, le mythe s’était créé dans ma tête. Je m’étais renseignée sur le sujet, vu des extraits… Alors savoir qu’elle allait enfin être visible à l’écran, c’était un début de consécration.
Le Jour J, j’invite des amis à la maison, pour le visionnage tant attendu. Au summum de l’excitation, c’est parti pour 2h40 de visionnage…
Et là, c’est le coup de foudre. Ca dépasse toutes mes espérances.
Dès la première chanson, ma mâchoire s’est foudroyée au sol.
Trop de talent dans l’écriture. La richesse des rimes. Le rythme. La mise en scène… C’est une immense claque dans la tête.
Et plus on avance et on arrive à des gros tubes comme My Shot, et plus le génie dans l’écriture m’explose au visage.
A satiesfied, je fonds en larmes. (Je pleure encore à chaque fois que je l’écoute, quasiment 5 ans plus tard).
Guns and ships me fout les frissons d’excitation tant c’est bon.
Tout est du génie.
Même la seconde partie qui est parfois moins appréciée, je l’ai trouvée incroyable (les débats politiques sous forme de battle !!!!!)
A partir de ce 3 juillet 2020, je suis foutue. Mordue. Croc jusqu’à l’os.
Ma vie sera maintenant rythmée au son de la bande originale, en boucle jusqu’à l’overdose (qui n’est jamais venue, j’ai de l’endurance).
3 – L’APOTHEOSE DE LA LOSE
Après trois ans à haïr froidement la gente masculine et la tenir très éloignée de moi, j’accepte de refaire un peu de place pour cette sale engeance dans ma vie (comprenez : je suis tombée amoureuse).
Evidemment il y avait un baptême du feu à passer avant que j’accepte d’accorder ma confiance, une épreuve très sérieuse pour savoir si l’homme était digne de moi : j’ai donc fait regarder Hamilton dès le début de la relation.
S’il était réticent à l’idée de se taper presque 3h de chansonnettes sur l’Histoire des Etats-Unis en anglais sous titré anglais… Il s’est plié à l’exercice.
…Et retournement de situation : ça a créé un monstre.
Il a développé la même addiction et s’est mis à l’écouter en boucle H24 pendant des mois.
Nous étions donc faits pour être ensemble, ainsi soit-il.
La vie passe.
Je creuse mon trou dans l’édition, je prends un appartement (vous vous rendez-compte ??? Je m’ancre quelque part après avoir déménagé tous les deux ans pendant 15 ans !)… La vie reprend un semblant de normalité. Le covid a été relégué à la seconde ligue des grippettes, les conditions de voyage s’assouplissent et les frontières réouvrent.
Alors en 2022, après deux ans à supporter ma monomanie au quotidien, l’homme décide de me faire plaisir pour mon anniversaire…
Mais comme j’aime bien compliquer les choses, je suis née en plein mois d’août. La meilleure période pour que tous les prix soient multipliés par trois où qu’on aille, un plaisir.
Aussi, l’homme a peur que je prévoie un retour en famille pour cette période et décide de ne pas tabler sur le voyage surprise.
Un soir, il me dévoile donc un écran d’ordinateur ouvert sur la page des réservations des places pour Hamilton.
Et là vous vous dites tous « Aaawww, quel homme capable ! ».
Oui oui, je vous rappelle que l’objet de ce post est que je n’ai JAMAIS vu la comédie musicale. Sous-titre : l’animal est de bonne volonté mais n’est pas exempt de défaut.
Mais bref, à ce moment-là j’y crois et je fonds en larmes. ENFIN !!!!
On réfléchit donc à quand y aller, le jour même de mon anniversaire est compliqué car nous avons des obligations travail, mais on choisit plusieurs dates pas loin du jour J.
On décide de se faire 4 jours sur places pour visiter un peu, du jeudi au dimanche… On prend d’abord les billets de train, puis on va pour prendre les hôtels…
Hors de prix.
Mais vraiment, on est sur des prix exorbitants pour le peu de logement qu’il reste. Alors nous l’avons su plus tard, mais il s’avérait que ça tombait sur un week-end de finale de coupe de je ne sais plus quoi qui avait lieu à Londres… Du coup, tout le monde s’y rendait pour voir la finale, les hôtels étaient pris d’assaut et les prix étaient multipliés par trois ou quatre.
Du coup, changement de plan.
On est tous les deux déjà allés à Londres plusieurs fois, pas besoin de faire du tourisme. Nous n’irons qu’une seule nuits (il y a plus de choix d’hôtel disponibles à des prix moins fous) pour voir la comédie musicale et voilà.
En plus, il s’avère que j’ai des amis d’Australie que je n’ai pas vu depuis sept ans qui seront à Londres ce même week-end, c’est l’occasion de les voir, également et ce sera déjà un super moment.
On hésite sur le jour où aller voir la comédie musicale… Le vendredi est moins cher et moins bondé que le samedi, les places sont meilleures… mais du coup ça nous oblige à prendre un jour de congé pour ne même pas passer le week-end, et comme je le disais plus haut, professionnellement ça tombe mal.
Donc on tergiverse un temps, puis on finit par tomber d’accord et l’homme fait la réservation de son côté, puisque c’est son cadeau.
Les semaines qui précèdent le séjour, je suis I-N-F-E-R-N-A-L-E.
Je ne parle que de ça, je saoule tout le monde, je pollue mes story instagram. Tout le monde sait que fin juillet, je pars enfin voir Hamilton et tout le monde se réjouit pour moi.
Vient le jour J. Je suis dans un état d’excitation rarement égalé. Levée à 5h00 du matin, je vérifie mille fois que tout est bon : l’adaptateur Londonien, le passeport, la brosse à dent et mes chaussettes rouges et jaunes à petits pois (si tu as la réf, je suis désolée, c’est que la vieillesse te guette).
— Homme, as-tu bien les tickets pour le show ?, je demande.
— C’est numérique, tout est dans mon téléphone, répond l’homme avec fierté, tambourinant sur son torse.
— Homme, as-tu bien tes papiers d’identité ?, je demande alors.
— Bien sûr, d’ailleurs ils sont tout neufs et c’est la première fois que je les utilise ! Hihihihihi ! répond-il.
(Non, il n’a pas fait hihihihi, mais c’est mon histoire et mes malheurs, donc je la raconte comme je veux.)
Bref, tout semble OK, on se met en route pour ce lieu enchanteur et terriblement bien fréquenté qu’est la Gare du Nord.
En plus, l’homme qui est pourtant le retard incarné y met du sien : c’est le jour le plus important de ma vie (rien que ça), donc il me fait l’honneur de ne pas trop traîner la patte.
On arrive bien en avance pour faire notre check-in.
TOUT VA BIEN.
Jusqu’à ce que je regarde autour de moi et qu’un doute abominaffreux m’assaille. Les gens autour de moi ont tous un passeport.
D’ailleurs, moi aussi j’ai pris mon passeport.
Mais… Qu’en est-il de l’homme ?! J’ai dit papiers d’identité, j’ai pas précisé passeport exactement.
Et le truc c’est que… depuis l’année précédente le Brexit est bien effectif, donc pouvoir aller au Royaume-Uni avec une simple carte d’identité, c’est finito pipo.
Je me retourne, prise d’un doux sentiment de panique :
« Homme… C’est ton passeport que tu as pris ? Ou ta carte d’identité ? »
Et là c’est le drame.
L’homme répond candidement « Ben la carte d’identité, c’est l’Europe, pas forcément besoin du passeport. »
…PAS DEPUIS LE BREXIT, MALHEUREUX !!!
Après ne le jugez pas… Le Brexit était tout frais à ce moment. Mais bon…
Je commence à tapoter frénétiquement sur google pour voir ce qu’il en est : est-ce que la carte d’identité reste tolérée ou bien on peut se aller se faire cuire un œuf ?
Google est impitoyable et nous tend une poêle pour ce faire : passeport ou rien.
Heureusement, dans ces moments où le malheur s’abat sur vous comme un appel en visio non prévu alors que vous êtes en pyjama, il existe une arme infaillible : le déni.
De toute façon, on n’a pas d’autre choix car on habite à 1h de la gare et on n’a carrément pas le temps de faire l’aller-retour pour aller le rechercher.
On continue donc de faire la queue, et l’homme tente d’être rassurant « Non mais on va voir, si ça se trouve, ça va passer quand même… ? ».
Évidemment non.
Je passe la première comme une fleur, mais quand vient son tour, le non de Monsieur Police des Frontières est implacable. Il y a en effet eu, avec le covid, une année de tolérance pour passer avec la carte d’identité, mais depuis 2022, c’est niet. Passeport ou rien.
Et là, on rentre dans un épisode de Micheline Tragédie assez savoureux où je fonds en larmes, complètement désespérée (non c’était pas des larmes de crocodile, j’étais vraiment au fond du trou).
Pour ajouter un peu de drame au drame, l’homme, grand prince me dit avec tout ce qu’il faut de tension dramatique dans la voix « Non mais pars, prends ce train ! Moi je rentre à la maison chercher mon passeport et je prends le prochain Eurostar que je peux , je repaye un billet et je te rejoins ! ».
Il ne manque que la bande son violon.
Et là je pleure de plus belle « Mais non, on ne se retrouvera jamaiiiiis, bouhouhouuuu ».
Alors on pourrait croire que j’en fais trop, mais le mec se paume en ligne droite, donc j’ai absolument aucune confiance dans le fait de me rejoindre dans un autre pays, si ça se trouve il va se retrouver au fin fond du Danemark et je ne le reverrais absolument jamais de ma vie.
Le Monsieur Police des Frontières ne sait plus quoi faire devant un tel torrent de larmes et l’épisode dramatique qui se joue devant ses yeux. Surtout que d’autres voyageurs qui ont leur passeport – EUX – attendent leur tour. Du coup, il appelle un autre employé de la gare pour qu’il s’occupe de moi.
Le monsieur tout gentil me demande ce qu’il se passe et je lui explise entre deux ugly cries que c’est mon anniversaire, et que je dois aller voir l’œuvre de ma vie, que je fais même partie des 0,01% des meilleurs fans sur spotify, mais que l’homme n’a pas de passeport car il n’a pas révisé ses cours de géopolitique moderne.
Mais le monsieur est un ange tombé du ciel, et je sais pas s’il est touché par mon drama ou s’il a juste l’habitude de s’occuper de relou qui oublient leurs papiers, mais il me rassure : « Vous inquiétez pas madame, on va ouvrir un dossier pour vous, pour que vous puissiez rentrer chez vous, chercher le passeport manquant et revenir. Dès que vous revenez, vous revenez ici, on rouvre votre dossier et on vous place gratuitement dans le prochain Eurostar libre de la journée. »
Quoi ? On peut faire ça ? Ce serait aussi simple ?
Eeeeh bien, oui.
C’est exactement ce qui s’est passé.
On est rentrés à la maison au pas de course, surtout l’homme qui a tapé son plus grand sprint entre la station de RER et la maison chercher le laisser passer A38 (si tu as cette ref… encore une fois, la vieillesse… mais dis toi qu’on est deux).
On revient à Gare du Nord, on attend une heure le prochain Eurostar avec deux sièges libres et on part enfin pour Londres… Bon on arrive à 13h au lieu de 9h, mais quand même.
Le show est à 19h30, on retrouve mes amis seulement après vers 22h30… On avait pas prévu de tourisme particulier : TOUT VA BIEN !
Vous êtes soulagé.e, hein ?
SOUVENEZ-VOUS QU’AU FINAL JE N’AI QUAND MEME PAS VU CETTE COMEDIE MUSICALE, BANDE DE NOUILLES !!!
Bref, restons concentrés. A ce stade de la journée, on croit juste qu’on s’est fait une petite frayeur sans grosse conséquences.
On fait notre check-in, puis on va se faire un super restau (puisqu’avec ces conneries, à quasi 15h on a toujours rien mangé depuis 5h le matin…), on chill tranquille dans Londres.
On passe devant le théâtre que je prends en photo et poste sur les réseaux.
Plus que quelques heures…
A 18h00 on rentre à l’hôtel… pour mettre la tenue.
Une amie m’a fait main une jupe avec le logo de Hamilton. Je m’habille et me maquille entièrement en noir et doré, avec ma jupe Hamilton… Et même l’homme a accepté de s’habiller dans les couleurs de la comédie musicale.
Et alors qu’on est à 15 minutes de se rendre au théâtre et que j’applique la poudre dorée sur mes yeux, j’entends l’homme dans la pièce d’à côté lâcher un « Oh putain… ».
Le genre de Oh putain qui annonce rien de bon.
Je tente un « Qu’est-ce qu’il y a ? » timide.
Silence.
Je sors de la salle de bain et le trouve déconfit. Il me montre un message qu’il vient de recevoir.
Un message d’enquête venant du théâtre lui-même demandant « Comment avez-vous trouvé le show hier soir ? ».
Hier soir.
HIER SOIR.
On avait des tickets pour la veille. On est arrivé à Londres le lendemain, la pièce était déjà passée.
Voilà.
On a tellement tergiversé entre venir 4 jours, venir que 2 jours à partir du vendredi ou 2 jours à partir du samedi… Qu’il a pris des billets pour le vendredi pour la comédie musicale, mais on a pris les billets de train pour le samedi. On s’est mélangé les pinceaux et aucun de nous deux ne s’en est rendu compte.
Voilà voilà.
Sur le moment, je ressors mon arme fatale, toujours la même : le déni.
L’homme est tellement mal dans ses basques qu’il arrive à peine à me regarder, alors je me démonte pas.
On va aller au théâtre, et on va voir si ils leur reste des places. Si on a de la chance on peut échanger le billet, si on en a moins, on repaye des places, même tout au fond. Qu’on soit pas venus pour rien en pleine période de vacances à des prix infâmes.
Mais vous connaissez la fin de l’histoire.
C’est la meilleure comédie musicale de tous les temps, évidemment qu’un samedi soir elle est complète.
Et je peux vous dire que le mec de l’entrée, en voyant ma tête de fan désespérée et ma tenue Hamilton, il a tenté. Il a appelé ses collègues, même demandé si on pouvait s’assoir dans les escaliers, mais évidemment pour des raisons de sécurité, c’était non.
Et c’est ainsi que, dans ma belle jupe, j’ai vu des centaines de personnes entrer dans la salle sous mes yeux, pendant que je restais devant le théâtre, l’affiche sous les yeux me narguant avec son slogan « Be in the room where it happens. »
J’aimerais tant. Mais I’ve just thrown away my shot.
N’est pas Alexander Hamilton qui veut.
Entre rire et larmes, on prend quand même cette photo de moi avec le bus derrière moi…
J’ai effacé mon visage, car je vous avoue que ce sourire plein de larmes est tellement pathétique, ça n’avait aucune valeur ajouté x)
L’homme est désespéré de me voir si triste pour mon anniversaire. Compte en banque essoré pour essoré, il se met en tête de m’emmener voir une autre comédie musicale.
Je lui dis que ce n’est pas la peine, que c’est probablement complet, qu’il a déjà payé une blinde pour Hamilton… Mais il insiste.
Dans le quartier, ils jouent Wicked juste à côté. Je sais que ce sera pas son style de chansons, moi je l’ai déjà vue… Mais faute de mieux… On va voir Wicked.
Assise dans le théâtre, au milieu de tous ces gens arborant des goodies de la sorcière verte alors que je suis la seule avec mon père fondateur le poing levé sur son étoile dorée… J’ai vraiment la sensation d’être un bug dans la matrice.
Et quand les lumières s’éteignent, c’est vraiment là que les sanglots se déchaînent. Je pense que j’ai pleuré les 45 premières minutes non stop, la tête encore dans le théâtre d’à côté qui est resté portes fermées devant moi.
Bon, je me suis laissée consoler au moment de Popular et Defying Gravity quand même.
Si vous croyiez qu’on avait atteint le summum de la tristesse, c’est que vous avez oublié un détail.
Je devais retrouver des amis après la pièce. Et où on s’était donné rendez-vous ?
Bah devant le théâtre, bien sûr.
Donc histoire de remettre un petit couteau dans la plaie béante, une fois Wicked terminé, je retourne devant le théâtre de Hamilton attendre mes amis…
Et là je passe cinq minutes à regarder les spectateurs sortir de la salle complètement enchantés et encenser la pièce que je n’ai pas vue.
Mes amis arrivent, me prennent dans leur bras et première question « Oooooh Sonia !!!!! How was Hamilton ?!».
Et cette question, je l’ai bouffée pendant des semaines après… Evidemment, c’est légitime, je l’avais tellement crié sur tous les toits que j’allais enfin la voir pour mon anniversaire, absolument tout le monde m’a posé la question et s’est demandé pourquoi j’avais été si silencieuse après ce voyage.
Et après, me demanderez-vous ?
Après ça, on a essayé de profiter un maximum du weekend quand même, de faire tout ce qui pouvait nous faire plaisir pour (tenter d’) oublier cette énorme bourde.
J’ai eu besoin d’encaisser cet énième opportunité ratée, et l’homme de digérer ses centaines d’euros dépensés pour rien.
Et c’est ainsi que… Je n’ai jamais vu ma comédie musicale préférée.
Un océan nous a séparé.
Puis 2000 dollars.
Puis deux opérations lourdes.
Puis une pandémie mondiale.
Puis une fermeture des frontières.
Puis 24h.
L’histoire d’un amour impossible.
…Mais…
Je vous l’ai dit, quand j’ai une idée en tête…
Il n’y a pas de raison que seules les Sonia du metaverse puissent voir ce show en vrai. Je veux ma part du gâteau aussi.
Deux ans ont passé, et il est temps de démystifier cette malédiction.
Cinq ans pour ne pas voir l’objet de mon obsession alors qu’elle est à 2h20 d’eurostar de moi, c’est trop.
Aussi… Il se pourrait que je vous écrive ces mots depuis un train en direction pour Londres, avec l’homme endormi à côté de moi, chacun la bande originale de Hamilton à fond dans les oreilles.
Ça fait six mois que je vérifie régulièrement la date du train, du ticket, à partir de quand le visa pour le UK est obligatoire, la date du airbnb (dont un a déjà été annulé au bout de deux mois et j’ai dû en trouver un autre… !).
Pour conjurer le sort, cette fois je n’ai dit à quasi personne où j’allais alors que les billets sont pris depuis août l’an dernier (oui encore pour mon anniversaire… il faut déjouer la malédiction en entier).
Et les quelques personnes à qui je l’ai dit, j’en ai tellement peu parlé que bien souvent elles ont même oublié que c’était aujourd’hui.
Et je sais pas si mon mode chat noir est toujours actif, mais je vous jure qu’à la seconde même où je vous écrit ses lignes, le conducteur vient d’annoncer un arrêt dans une gare non prévue pour une durée indéterminée, car le train est en panne…
Comme j’ai toujours l’impression d’être Serge le Mytho avec mes enchaînements à la con, voici la preuve en image.
Ce périple commence bien…
Alors… Verra ? Verra pas ?
Vais-je réussir à conjurer la malédiction Hamilton ?
Souhaitez-moi d’être dans cette foutue salle de théâtre ce soir.
I wanna be in the room where it happens…