Histoire d’un coup de poker

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« Roooh, mais qu’est-ce qu’elle poste Sonyan en ce moment, elle nous emmerde avec ses pavés, on a du ménage en retard et on avance pas dans notre travail, dis ! Pour peu qu’on se fasse chopper par le boss, avec son design girly, on est pas dans la merde !».

Certes.
Je vous rassure, je ne garderai pas ce rythme de trois blogs par semaine, faut quand même pas déconner. Surtout que j’ai cru comprendre que pas mal d’entre vous me lisaient du travail (han, les glandus !) et je serais fort triste de nuire à la productivité de mes compatriotes et autres francophones.

Si j’ai le feu aux doigts et que je blogue autant en si peu de temps, c’est que j’ai plein de choses à vous dire de la plus haute importance.
Le problème étant que 1) je ne vais pas me relire faute de temps donc il y aura des grosses horreurs 2) je vais passer directement à 2012 alors que je ne vous ai pas raconté 2011. Vous m’entendez souvent parler de mon expérience épique en événementiel sans savoir quoi, mais cette année folle a tellement de rebondissements que je lui consacre un traitement un peu plus spécial que les autres. Mais ne vous inquiétez pas, ça sera raconté comme le reste.
Bref, en plus de vous décoller les rétines à coup de blogs infinis, je vous embrouille en faisant de mes racontages de vie un vrai puzzle.
Oui, ma cruauté est sans limite.
Appelez-moi Ramsay Bolton.

Nous sommes début 2012, espérée l’année du flouze, mais devenue un peu l’année de la loose.
(Je vous interdis toute autre suggestion de rime en ouze, des mineurs me lisent peut-être).

Après avoir démissionné de mon job de psychopathes et fait une petite pause psychologique en m’accordant trois mois en tant que professeur d’anglais à des petits de trois ans (oui, Sonyan chantant l’alphabet au milieu d’une vingtaine de chouinards nippons qu’ont chié dans leurs couches, vous aurez un post là-dessus aussi…), il est temps que je retrouve un autre travail.
Parce que même si j’étais moins pédophobe que je ne pensais (pire, je crois que j’aime les enfants… mais chut, c’est un secret. Je tiens à ma couverture de vieille aigrie), c’était ni ma vocation, ni la ruée vers l’or et en plus c’était à 1h30 de trajet de chez moi.

En toute honnêteté, j’étais un peu perdue à ce moment-là. Mon ancienne boîte m’ayant franchement rendue misanthrope, ayant mis un énorme coup de pied dans l’estime de moi-même point de vue capacité professionnelle… J’avais l’impression de ne savoir strictement rien faire.
C’est vrai, la seule chose que je sais bien faire, c’est parler japonais. Le reste… touche à tout, bonne à rien. J’ai des bases de plein de choses, mais rien que je ne maîtrise.
J’avais envie de faire de la traduction mais le monde du freelance est instable et je n’avais pas de quoi vivre avec les quelques demandes de traductions que je recevais.
Aaaah, oui parce que je ne vous ai pas dit !!!!
Suite à mon article Carrière Ephémère, une personne qui me suivait depuis quelques temps sur Twitter, savait que je galérais à mon travail d’événementiel… et m’a proposé de lui envoyer mon cv  pour son école de français/traduction.
La vie est drôle, j’écris un article où je bitche sur mes anciens élèves (mais avouez qu’ils étaient copieux), et on me propose un job de prof alors que je terminais le billet en disant que j’étais vaccinée.
Mais l’école est sérieuse, forme des traducteurs et des interprètes ce qui promet des élèves avec un haut niveau et motivés, et surtout l’entreprise se divise entre cette école et un service de traduction.
J’envoie donc mon cv et suis embauchée. D’abord en tant que professeur, mais après avoir passé un test, aussi en tant que traductrice freelance.
N’étant pas à plein temps, je n’avais pas assez pour vivre pour me contenter de ces deux seuls jobs,  mais ai travaillé pour cette entreprise le week-end en tant que professeur et traductrice freelance d’octobre 2011 jusqu’à maintenant.
Mais « malheureusement », je n’ai rien de spécial à raconter sur le sujet puisque tout s’est toujours parfaitement bien passé, j’ai eu des élèves super, et la personne qui me suivait et m’a demandé mon cv est entre temps devenue mon ange gardien et un de mes meilleurs amis. Parfois je me dis que je n’aurais pas toujours tenu le coup si je ne l’avais pas rencontré.
Voyez, il ne m’arrive pas toujours que des merdes, j’ai aussi de belles rencontres et bonnes expériences, rassurez-vous.
Mais avouez que si ça fait plaisir, c’est nettement moins drôle à lire (je vous  vois bien vous ennuyer depuis dix lignes, ne niez pas), donc concentrons-nous sur les emmerdes !
Et la morale de cette histoire, c’est quand même bien qu’en écrivant des vacheries sur ce blog, j’avance dans la vie.
Donc continuons dans la joie et l’allégresse.

Bref, je travaille donc le week-end, fais quelques traductions à la maison quand ça tombe, mais ça reste irrégulier et ne nourrit pas son homme, même anorexique.
(J’ai bien fait d’écrire ce blog sur les TCA, j’ai même étoffé l’éventail de mes vannes).

Au cours de mes recherches, je trouve une entreprise à seulement deux stations de chez moi qui fait des sites web et cherche un nouveau développeur.
Je fais des sites à la zob depuis l’adolescence, mais avec un niveau franchement amateur. J’ai appris les rudiments sur le tas en cherchant des tutoriels sur google selon ce que je voulais faire, mais n’ai jamais vraiment appris proprement. J’étais ce genre d’hérétique qui mettent leur css au milieu du html sans honte, voyez (je vous rassure, j’ai changé).
Mais je ne sais plus trop ce que je veux faire dans la vie et j’ai besoin d’un job, alors je postule au culot.

Très vite, je suis appelée pour un entretien qui se passe plutôt bien. Le patron est très jeune (32 ans) et celui qui l’accompagne a la tchatche.
Moi qui étais pourtant stressée, je ne sais pas pourquoi…  une fois pendant l’entretien je me suis détendue et ça c’est très bien passé. J’ai avoué franchement que je n’avais pas un niveau professionnel -ça ne sert à rien de vendre des capacités qu’on a pas-, mais leur ai donné l’adresse de sites que j’avais fait et qui étaient toujours en ligne.
Je souligne que je bidouille un peu sur photoshop, toujours un niveau amateur mais que j’ai les bases.
Il y aurait du avoir un deuxième et troisième entretien, mais je ne sais pas pourquoi, coup de cœur pour moi ou cas sociaux pour rivaux, le patron me recontacte très vitre pour me dire qu’il a décidé d’annuler la suite des sélections et me prendre.
Tout se passe très vite et de façon très carrée, ce que j’apprécie franchement après toutes les entreprises boiteuses pour lesquelles j’ai postulé dans le passé.

Je commence le travail, on me donne des choses simples comme la création de pages web pour téléphone portables. Je n’en ai jamais fait, mais c’est nettement plus simple que des versions bureau, tout se passe bien. On me demande aussi de faire quelques bannières, rien d’insurmontable même à mon niveau.
Je suis en période d’essai pour six mois avec une paye très basse mais ça me change pas tellement d’avant, et surtout cette fois j’ai un confort de vie : l’entreprise est à deux pas de chez moi et interdit les heures supplémentaires.
Mon boss est un des rares Japonais sur terre à vouloir privilégier sa vie de famille. Alors on vient à 9h30 et on repart à 17h30, point barre.  En contrepartie, des comportements qu’on voit très souvent dans les entreprises japonaises comme un salarié qui se tape une sieste sur le bureau sont proscrits.
Il nous demande que 8h par jour et pas plus, alors pendant ces 8h, on bosse.
Comme je venais de passer un an à rentrer à minuit, autant vous dire que même pour une paye n’avoisinant même pas les 150 000 yens par mois, ça m’allait. D’autant que ces salarymen qui glandent toute la journée pour se mettre à bosser de 17h à 22h m’ont toujours exaspérée (vous croyiez vraiment que les Japonais travaillent non-stop du matin jusqu’au soir ?).
Je n’ai toujours pas de confort matériel, mais j’ai au moins un confort de vie.

L’entreprise est nouvelle et très petite, il y a peu de monde mais chaque employé se montre plutôt gentil.
Le business est divisé en deux activités : la création de sites web d’un côté et un service de vente en ligne de produits de beauté de luxe dirigé par la femme du boss d’un autre côté.
J’aurais bien aimé travailler sur le site des produits de beauté car ça me parlait bien niveau visuel, mais je me retrouve à photoshoper des vieux avocats dégarnis.
Bah, c’est bien aussi.

Tout se passe bien… jusqu’à la fameuse soirée d’intégration que je vous ai raconté dans mon billet précédent.
Vous avez tous été très choqués par cette soirée et franchement, y’a de quoi. J’étais réellement au bout du rouleau car je sortais déjà d’une expérience professionnelle pas terrible, en plus il m’attaquait sur LE point faible et enfin, je venais juste de rentrer dans cette boite. Pas terrible comme première impression.
J’ai eu très mal, je l’ai haï. Dans mon cœur y’avait que de la rage et de la haine à ce moment-là.
Et après cette soirée, j’ai rasé les murs un moment pour ne pas le croiser ou me retrouver seule avec lui.
Il ne devait pas être bien fier non plus, car si avant cet épisode il était plutôt poli, après il a eu tendance à baisser le nez et faire comme s’il ne me voyait pas.
Ca a duré un moment et cet épisode est resté tabou jusqu’à maintenant, je dois l’avouer.
Mais même si vous l’avez sûrement détesté vous aussi, je dois vous dire que j’ai appris à l’apprécier par la suite. Bah oui, ça arrive. Qui n’a pas haï Jaime Lannister pour l’apprécier ensuite ?
Ben dans la vie c’est comme dans Game of Thrones, les gens sont ni tout blanc ni tout noir.
Et lui, c’est un Jaime Lannister. Bon, la bogossitude en moins.
Par sa façon de s’exprimer très grossière et ses fréquentations, je me suis souvent demandé s’il ne venait pas du milieu Yakuza. A fortiori parce qu’il lui manque une phalange.
Et puis aussi c’est un homme très seul, manifestement très complexé par sa toute petite taille (oui, il tient de Tyrion aussi, il cumule).
Après l’avoir côtoyé quotidiennement pendant deux ans, je peux dire que malgré son côté aigri, c’est quelqu’un avec un grand cœur.
Juste très solitaire, qui se met minable tous les soirs et se donne en spectacle dès qu’il a un coup de trop dans le pif. Je ne compte pas le nombre de fois, où il est arrivé la gueule dans le cirage ayant perdu son porte-feuille ou son téléphone parce qu’il avait trop bu la veille.
Pendant les nomikai, certains collègues évitent de se mettre à côté de lui car ils savent qu’il dégénère assez vite.
Ironie du sort, il semble s’être beaucoup attaché à moi au fil du temps. Ainsi, s’il m’a humilié la première fois qu’il était bourré, quelques mois plus tard il me faisait des avances et m’a couru après à la sortie de l’izakaya pour me toucher les fesses.
Mon boss n’a rien dit sur le moment, mais il s’est fait passer un savon d’enfer en privé, d’autant que c’était déjà la deuxième fois qu’il avait un comportement déplacé envers moi.
Il y a quelques mois, Mr Catastrophe m’a accompagné à une de ces fameuses nomikai. Après quelques verres, Jaime-Tyrion est venu lui faire une tirade de sa voix tonitruante d’ivrogne pour dire que si Mr Catastrophe m’aimait, lui m’aimait le double et autres discours romanesques… pour finalement lui mettre la main dans le pantalon afin de vérifier que j’étais bien satisfaite.
Charmant.
Autant vous dire que Mr Catastrophe se souviendra autant que moi de sa première rencontre avec le personnage.
Jaime-Tyrion habite près de la salle de sport que je fréquente le matin avant d’aller au travail et il est déjà arrivé qu’on se croise et prenne le train ensemble. Il m’a avoué qu’il passait son salaire en alcool et en bar à hôtesses.
Au final je vous avoue que j’ai plus pitié de lui qu’autre chose, il est certainement bien plus malheureux que moi.
Voilà pour Jaime-Tyrion, je sais qu’il vous a marqué dans le récit précédent, donc je me permets de refaire un arrêt sur image sur lui.
Il s’est défoulé sur moi ce soir-là, mais si ça s’avère plutôt pathétique, c’était bête plus que méchant et je n’ai plus aucune rancœur contre lui.

Bref, il m’a fallu quelques semaines pour me détendre après cette soirée d’intégration absolument chaotique, mais les efforts de mon boss sont louables.
Moi qui viens de passer une année d’enfer, je dois avouer qu’il est aux petits soins. Il m’achète une série de logiciel, me paye une petite formation sur photoshop qui me permet de progresser, n’hésite pas à passer des heures à m’expliquer certaines choses pour me former.
Il explique plutôt bien, il est gentil… après tant de déceptions dans ce monde de brutes, je vous cache pas que je lui vouais une admiration et reconnaissance sans limite.
Je saoulais un peu tout le monde à coup de « J’adore mon boss ! », et venant d’une misanthrope, c’est pas rien.

Je ne vous cache pas que si j’ai toujours été bien acceptée dans l’entreprise, mon intégration